J’avance dans ma lecture, passionnante, de Taking back control? States ans state systems after globalism, mais comme ce livre a été écrit avant l’élection de Trump, je me suis demandé s’il avait écrit quelque chose après l’arrivée au pouvoir du clown.
Streeck se fait très critique de l’Europe actuelle, qu’il décrit comme trop étendue et entre les mains de technocrates à Bruxelles, mettant plutôt de l’avant un retour en force de nations plus autonomes et plus à même d’orienter leur développement et leurs alliances, d’autres prêchent la disparition des États-nations au profit d’une gouvernance « planétaire » (Réalisme planétaire). Cette opposition peut paraître radicale, et idéaliste, compte tenu du durcissement des « blocs » commerciaux, et de la montée de la « realpolitik » (voir le post de Alain Lipietz que j’ai reproduit). Pourtant je crois, avec Streeck, que des nations plus agiles, aptes à s’engager dans des changements rapides et radicaux, c’est la seule avenue décente. Ce qui n’implique pas un retour à l’autarcie et au replis sur soi, mais plutôt permet d’envisager des échanges internationaux qui ne seraient pas dictés par les seules lois de l’accumulation capitaliste.
Les capsules se regroupent sous le thème « Travailler en collaboration ». Elles ont pour objectif de contribuer au maintien de relations saines et constructives entre les différents acteurs d’une municipalité en abordant des stratégies pouvant être utilisées par les élues et élus. Elles peuvent être écoutées dans l’ordre ou à la pièce selon l’intérêt de chacun et de chacune. Au courant des prochains mois, d’autres capsules portant sur la communication efficace et la mobilisation des acteurs municipaux seront également publiées.
Appels d’offres municipaux
Dans le cadre des mesures annoncées par le gouvernement du Québec, une pénalité devra dorénavant s’appliquer à l’égard des soumissions des entreprises situées aux États‑Unis, lorsque celles-ci participent à un appel d’offres public, et ce, pour certaines catégories de contrats. Ces catégories sont les suivantes :
Le matériel et les logiciels informatiques;
Les fournitures et les équipements médicaux;
Les produits pharmaceutiques;
Les instruments scientifiques.
Réduire la taille des conseils municipaux au Québec : une solution partielle à une crise globale ?
Fragilisées, ces petites municipalités rurales ont désormais moins de ressources communautaires pour compenser des missions de plus en plus larges sur un espace immense… Dans ces conditions, exiger qu’elles incarnent à peu près seules une politique durable d’occupation du territoire tient, au mieux, du vœu pieux.
Ceci laisse un peu perplexe, parce que le projet de loi visait précisément à favoriser un renouvellement du personnel politique municipal. Et la mesure vient plutôt valider le fonctionnement traditionnel des conseils municipaux, entérinant son repli sur des bases de plus en plus ténues…
réduire la taille des conseils municipaux
Or, les pistes les plus prometteuses pour un renouvellement de la vie démocratique municipale relèvent sans doute plus d’une ouverture que d’une fermeture de l’espace local.
Les limites des politiques actuelles sont de plus en plus apparentes. Parier sur les seules dynamiques endogènes pour développer les territoires risque de mener à des petites mesures sans cohérence d’ensemble. Peut-être serait-il temps de repenser, sinon à une vaste réforme territoriale, à la mise en place de mécanismes d’accompagnement provinciaux solides, pour favoriser et encourager les démarches locales et structurantes.
Le rapport PUM2050 de l’Office de consultation publique de Montréal.
En introduction, « prendre acte du fait que malgré un appui globalement favorable aux orientations que propose le projet de PUM, cela n’est pas toujours représentatif de ce que l’on entend dans l’espace public. [U]n contrat social reste à bâtir pour que les orientations que propose le projet de PUM puissent se concrétiser. »
« La Ville compte porter, d’ici 2050, le total de logements hors marché à 20 % du parc résidentiel, ou 229 000 unités, comparativement à 63 000 (6,9 %) au début de l’année 2024. »
Spécialiste de la gouvernance territoriale, le professeur Yann Fournis vient de publier un ouvrage sur le palier politique qui est le plus près des citoyennes et des citoyens. Intitulée Le maire et sa communauté [:] Une sociologie politique des élus municipaux au Québec, la publication lève le voile sur les rouages de la politique municipale.
Sur un plan plus épistémologique et lié aux défis de la planification écologique, deux textes de Cédric Durand ont retenu mon attention au point d’en proposer des traductions :
Une initiative soutenue par le Scottish Community Development Centre. Dix (10) modules en ligne visant à renforcer les organisations communautaires. Cette ressource est conçue pour renforcer les compétences, la confiance et les connaissances des organisations dirigées par des réfugiés et des organisations de soutien aux réfugiés, bien que la plupart des documents soient utiles à n’importe quel groupe communautaire.
Cette ressource a été produite par le Scottish Refugee Council, avec le soutien du Scottish Community Development Centre, dans le cadre du programme New Scots, grâce à un financement de l’Union européenne.
B. Recherche menée par les organisations communautaires
La virulence de l’attaque du VP Vance en Europe sur les questions de défense, de souveraineté politique n’avait d’égal que sa défense de la domination technologique mise à mal par les lois et l’encadrement européen plus exigeant de ces technologies : vous êtes avec nous ou contre nous. Si vous n’acceptez pas la domination américaine et que vous ne la soutenez pas en réduisant vos exigences vous tomberez sous la coupe d’ un « maître autoritaire qui cherche à s’infiltrer, à creuser et à s’emparer de votre infrastructure d’information ». Il parlait de la Chine mais beaucoup y ont vu le reflet de la situation actuelle dont plusieurs appellent à se sortir.
Dans G&M le 12 février dernier, Michael Geist écrit :
Les approches concurrentes – une réglementation légère à l’américaine qui favorise la croissance économique contre un modèle réglementaire européen plus robuste qui met l’accent sur les garde-fous de l’IA et les protections publiques – obligeront à des choix politiques difficiles que le Canada a évités jusqu’à présent.
En effet, nous n’avons jamais vraiment essayé de concilier deux objectifs concurrents : stimuler la croissance économique grâce aux investissements dans l’IA et établir des garde-fous réglementaires pour se protéger contre les biais et les préjudices potentiels de l’IA. Cela a conduit à des milliards de nouvelles dépenses gouvernementales pour soutenir de nouveaux centres de données dans l’espoir de favoriser une industrie compétitive à l’échelle mondiale et à l’introduction de réglementations de type européen qui risquent de faire du Canada une destination moins attrayante pour les investissements dans l’IA.
Le gouvernement canadien pourrait encore opter pour le modèle réglementaire, convaincu que les garde-fous de l’IA sont plus importantes que la réussite économique (ou parier que les deux ne s’opposent pas nécessairement). Toutefois, la menace des tarifs douaniers de Trump fait des relations entre les États-Unis et le Canada des concurrents plutôt que des partenaires, ce qui nous oblige à réexaminer nos projets de réglementation future et à renoncer éventuellement à des cadres culturels et numériques bien établis.
Au moment de lire ces lignes de Michael Geist, j’ai bloqué sur le premier paragraphe : les règlements « à l’américaine » ne sont pas si légers que ça ! La manière dont les GAFAM se sont opposés aux timides tentatives canadiennes de contrôle et à la culture syndicale québécoise met du plomb dans l’image de « règlementation légère ». Il s’agit plutôt du pouvoir brut de l’argent et de la position monopoliste, favorisé par l’inaction et la faiblesse des États, outre celui des USA qui a activement légiféré1Voir The Internet Con How to Seize the Means of Computation, de Cory Doctorow pour consolider la position de premier arrivant des entreprises américaines.
Les développements récents sous forme d’appels à la souveraineté numérique me permettent de mieux comprendre les derniers mots du texte de Geist : renoncer, jusqu’à déraciner (uproot) un mode de fonctionnement numérique devenu culture ambiante. « re-examine our plans for future regulation and potentially uproot our entrenched cultural and digital policy frameworks. »
Au delà des emplois dans les entrepôts d’Amazon, les centres de données que nos gouvernements s’empressent d’accueillir et les services numériques qu’ils achètent en masse à ces fournisseurs nous enferment dans les griffes de ces puissances hors-normes qui voudraient, au nom de la concurrence avec la Chine, nous faire abdiquer toute autonomie, toute capacité à décider de la nature et de l’orientation de ces nouveaux pouvoirs numériques.
Il a fallu que notre pays légifère pour obliger les compagnies de téléphone à faciliter la migration de leurs clients vers d’autres fournisseurs. Il a fallu légiférer pour que les grands diffuseurs américains cessent d’inonder le pays de leurs produits sans aucune place laissée à la culture d’ici. Il sera plus difficile de se sortir des mailles des réseaux et services numériques actuellement dominant à l’échelle de la planète. C’est pour cela que l’action doit être concertée à cette échelle.
Notes
1
Voir The Internet Con How to Seize the Means of Computation, de Cory Doctorow
Pour ceux qui avaient un doute, Trump a au moins le mérite de clarifier les choses: la droite existe et parle fort. Comme souvent dans le passé, elle prend la forme d’un mélange de nationalisme brutal, de conservatisme sociétal et de libéralisme économique débridé. On pourrait qualifier le trumpisme de national-libéralisme, ou plus justement de national-capitalisme. Les saillies trumpistes sur le Groenland et Panama montrent son attachement au capitalisme autoritaire et extractiviste le plus agressif, qui est au fond la forme réelle et concrète qu’a pris le plus souvent le libéralisme économique dans l’histoire, comme vient de le rappeler Arnaud Orain dans un livre passionnant (Le monde confisqué. Essai sur le capitalisme de la finitude16e-21e siècle, Flammarion, 2025).
Disons-le clairement: le national-capitalisme trumpiste aime étaler sa force, mais il est en réalité fragile et aux abois. L’Europe a les moyens d’y faire face, à condition de reprendre confiance en elle-même, de nouer de nouvelles alliances et d’analyser sereinement les atouts et les limites de cette matrice idéologique.
L’Europe est bien placée pour cela: elle a longtemps appuyé son développement sur un schéma militaro-extractiviste similaire, pour le meilleur et pour le pire. Après avoir pris le contrôle par la force des voies maritimes, des matières premières et du marché textile mondial, les puissances européennes imposent tout au long du 19esiècle des tributs coloniaux à tous les pays récalcitrants, de Haïti à la Chine en passant par le Maroc. A la veille de 1914, c’est la main sur la canonnière qu’elles se livrent à une lutte féroce pour le contrôle des territoires, des ressources et du capitalisme mondial. Elles s’imposent même des tributs entre elles, de plus en plus exorbitants, la Prusse à la France en 1871, puis la France à l’Allemagne en 1919 : 132 milliards de marks-or, soit plus de trois années de PIB allemand de l’époque. Autant que le tribut imposé à Haïti en 1825, sauf que cette fois-ci l’Allemagne a les moyens de se défendre. L’escalade sans fin conduit à l’effondrement du système et de l’hubris européen.
C’est la première faiblesse du national-capitalisme : les puissances chauffées à blanc finissent par se dévorer entre elles. La seconde est que le rêve de prospérité promis par le national-capitalisme finit toujours pas décevoir les attentes populaires, car il repose en réalité sur des hiérarchies sociales exacerbées et une concentration toujours plus forte des richesses. Si le parti républicain est devenu aussi nationaliste et virulent vis-à-vis du monde extérieur, c’est d’abord du fait de l’échec des politiques reaganiennes, qui devaient booster la croissance mais n’ont fait que la réduire et ont conduit à la stagnation des revenus du plus grand nombre. La productivité états-unienne, telle que mesurée par le PIB par heure travaillée, était le double du niveau européen au milieu du 20e siècle, grâce à l’avance éducative du pays. Elle se situe depuis les années 1990 au même étiage que celle des pays européens les plus avancés (Allemagne, France, Suède ou Danemark), avec des écarts si faibles qu’ils ne peuvent statistiquement être distingués.
Impressionnés par les capitalisations boursières et les montants en milliards de dollars, certains observateurs s’émerveillent de la puissance économique états-unienne. Ils oublient que ces capitalisations s’expliquent par le pouvoir de monopole de quelques grands groupes, et plus généralement que les montants astronomiques en dollars découlent pour une large part du très haut niveau des prix imposés aux consommateurs états-uniens. C’est comme si on analysait l’évolution des salaires en oubliant l’inflation. Si l’on raisonne en parité de pouvoir d’achat, alors la réalité est très différente : l’écart de productivité avec l’Europe disparaît entièrement.
Avec cette mesure, on constate aussi que le PIB de la Chine a dépassé celui des Etats-Unis en 2016. Il est actuellement plus de 30% plus élevé et atteindra le double du PIB états-unien d’ici 2035. Cela a des conséquences très concrètes en termes de capacité d’influence et de financement des investissements dans le Sud, surtout si les Etats-Unis s’enferment dans leur posture arrogante et néocoloniale. La réalité est que les Etats-Unis sont sur le point de perdre le contrôle du monde, et que les saillies trumpistes n’y changeront rien.
Résumons. La force du national-capitalisme est d’exalter la volonté de puissance et l’identité nationale, tout en dénonçant les illusions des discours de bisounours sur l’harmonie universelle et l’égalité entre classes. Sa faiblesse est qu’il se heurte aux affrontements entre puissances, et qu’il oublie que la prospérité durable demande des investissements éducatifs, sociaux et environnementaux bénéficiant à tous.
Face au trumpisme, l’Europe doit d’abord rester elle-même. Personne sur le continent, pas même la droite nationaliste, ne souhaite renouer avec les postures militaires du passé. Plutôt que de consacrer ses ressources à une escalade sans fin (Trump exige maintenant des budgets militaires atteignant 5% du PIB), l’Europe doit asseoir son influence sur le droit et la justice. Avec des sanctions financières ciblées et réellement appliquées sur quelques milliers de dirigeants, il est possible de se faire entendre plus efficacement qu’en entassant des chars dans des hangars. L’Europe doit surtout entendre la demande de justice économique, fiscale et climatique venue du Sud. Elle doit renouer avec les investissements sociaux et dépasser définitivement les Etats-Unis en formation et en productivité, comme elle l’a déjà fait pour la santé et l’espérance de vie. Après 1945, l’Europe s’est reconstruite grâce à l’Etat social et à la révolution sociale-démocrate. Ce programme n’est pas achevé : il doit au contraire être considéré comme l’amorce d’un modèle de socialisme démocratique et écologique qui doit maintenant être pensé à l’échelle du monde.
Article reproduit du blogue de M. Piketty que je ne pouvais lier dans un post sur Facebook. Aussi je l’ai reproduit ici.
Il y a un malaise dans l’air. Le monde a l’impression de se précipiter vers quelque chose, même si personne n’arrive à s’accorder sur la nature de ce quelque chose. Derrière les débats sans fin, les changements politiques, les avancées technologiques et les conflits mondiaux, il y a une crise plus profonde – UNE MÉTACRISE – qui parle de l’effondrement du sens (The crisis of meaning), de la dégradation de la vérité (Post-Truth) et de l’érosion des liens humains (Loneliness in a Connected World).
Dans son article sur la « métacrise » Chusana Prasertkul propose un graphique qui parle. J’en ai fait une traduction que voici :
Sur la question de la diminution des liens sociaux, un sujet que déjà en 2000 Robert Putnam abordait (fr) dans son Bowling Alone: The Collapse and Revival of American Community, Derek Thompson propose un long article dans le dernier numéro (février 2025) de The Atlantic : The Anti-Social Century ($).
J’ai dû m’abonner (premier mois gratuit) pour avoir accès à cet article. J’en ai fait ici une traduction française. Un très bon article que je vous recommande !
crise du logement
Dans son excellent livre Our Crumbling Foundation : How We Solve Canada’s Housing Crisis, » Gregor Craigie passe en revue la situation du logement dans différents pays (et villes) : Tokyo, Singapour, Helsinki, Paris, Vancouver, Montréal, Berlin, Saint-Boniface (Québec), Londre, Toronto, Calgary…
Le chapitre sur Montréal porte sur l’effet Airbnb. Celui sur Saint-Boniface, en Mauricie, porte sur la difficulté des familles monoparentales avec plusieurs enfants à se loger… Ici quelques paragraphes (ma traduction) du chapitre THE AIRBNB EFFECT – Montreal
L’effet Airbnb – Jean-François Raymond ne s’attendait pas à recevoir un avis d’expulsion dans les derniers jours de 2022. Cela faisait vingt-deux ans qu’il vivait dans son spacieux appartement du quartier Hochelaga-Maisonneuve, dans l’est de Montréal.
Une recherche rapide sur Airbnb montre que les appartements de deux chambres à coucher de la rue Ontario se louent entre 265 et 460 dollars la nuit en juillet. (…)un appartement comme celui de Jean-François pourrait atteindre plus de 10 000 dollars par mois en été, s’il était rénové.
La location à court terme est une préoccupation à long terme dans de nombreuses villes, mais l’inquiétude est particulièrement prononcée à Montréal en raison du grand nombre de locataires dans la ville. En fait, Montréal a la plus grande proportion de logements occupés par des locataires de toutes les grandes et moyennes villes d’Amérique du Nord. Selon le recensement de 2016, plus de 63 % des logements montréalais étaient loués. La ville a été connue pendant de nombreuses années comme un paradis pour les locataires en raison des loyers bas et des taux d’inoccupation élevés, grâce à une abondance de logements locatifs de faible hauteur.
En annexe de son livre de 320 pages Gregor Craigie rassemble les 37 recommendations auxquelles il est parvenu suite à ses recherches (ma traduction) :
Bien campée au cœur d’une ancienne vallée glaciaire, sur un territoire naturel d’exception, la Vallée Bras-du-Nord a tout pour plaire aux adeptes de plein air. En plus de rayonner comme destination incontournable sur la scène du tourisme d’aventure au Québec, la coopérative de solidarité se démarque depuis des années par son approche de développement en tourisme durable.
Les organismes qui obtiennent la reconnaissance de la Ville sont admissibles au Cadre de soutien aux organismes. Le Cadre met à la disposition des organismes plusieurs types de soutiens :
Lorsque les camions bleus d’Amazon sont apparus dans nos rues, je me disais que les commerces locaux en pâtiraient comme les librairies l’ont fait lorsque Amazon est apparu sur nos écrans. Mais pourquoi donc nos commerces locaux ont-ils abandonné, il y a de cela des lustres, les services gratuits de livraison ? Sans doute pour la même raison que les centres d’achats ont remplacé les commerces locaux : les clients avaient des automobiles pour transporter leurs achats… d’autant qu’ils en avait besoin pour se rendre au centre d’achat.
C’était oublier cette population nombreuse de clients sans auto, particulièrement en ville où la livraison coûte moins cher. Avec son « catalogue universel » Amazon est devenu incontournable…
Pourquoi Canadian Tire, Rona, BMR et IKEA ne font pas un catalogue alternatif, associé à un service partagé de livraison ? Privilégiant les fournisseurs locaux… tout en développant le « cloud » d’ici !
En me disant cela je reçois le billet de Hubert Guillaud :
Ce billet de Hubert Guillaud (2025.01.29) m’introduit à ce rapport-manifeste (en anglais) de Durand et Rikap (voir plus loin) ainsi qu’à un bon résumé critique fait en français par Irénée RégnauldMais où va le web ? .
Ce Durand, auteur dont j’ai lu et apprécié en août dernier le Comment bifurquer: Les principes de la planification écologique.
une souveraineté numérique qui ne repose pas sur un illusoire nationalisme technologique mais sur un empilement numérique public non aligné, résultant de l’effort conjoint de nations décidées à interrompre le processus de colonisation numérique dont elles sont victimes
Ce document d’orientation présente un programme de réforme progressiste visant à renforcer la souveraineté numérique pour les personnes et la planète. Les technologies numériques sont essentielles au bon fonctionnement des sociétés modernes, mais la manière dont nous organisons actuellement leur développement et leur déploiement favorise la centralisation économique et la dynamique du « gagnant-gagnant », ce qui va à l’encontre du bien public. Compte tenu des coûts élevés de développement de ces technologies, de leur pertinence et de leur empreinte écologique, un plan pour un modèle alternatif exige que les États interviennent et conçoivent des institutions publiques, multilatérales et autonomes par rapport aux gouvernements spécifiques, qui peuvent fournir des infrastructures et des services numériques essentiels en tant que services publics ou biens communs construits grâce à la coopération internationale. À cette fin, nous présentons les quatre propositions clés suivantes :
1. Offrir une pile numérique démocratique, dirigée par le public, qui comprendra : 1) une infrastructure numérique en tant que service (pour la formation, le traitement et le développement de solutions numériques) fournie par des consortiums internationaux démocratiques et sans but lucratif ; 2) des plateformes universelles, telles que des moteurs de recherche et des modèles d’IA de fondation, qui devraient être un bien commun régi par de nouvelles institutions publiques avec une représentation de l’État et de la société civile ; et 3) une place de marché publique où les entreprises peuvent offrir leurs services informatiques sans blocage. Pour garantir la demande, les États devront s’approvisionner auprès de cette place de marché et mettre fin aux contrats avec les grandes entreprises technologiques.
2. Élaborer un programme de recherche axé sur les développements numériques qui ne sont pas motivés par le battage médiatique ou les pressions du solutionnisme technologique, mais qui ont le potentiel de résoudre des problèmes collectifs et de renforcer les capacités humaines. Cet agenda devrait prendre en compte les impacts éthiques, économiques, écologiques et politiques du développement et de l’adoption des technologies, y compris des applications de l’IA. Il devrait également s’inspirer d’une approche holistique, interdisciplinaire et non lucrative des principaux défis mondiaux. À cette fin, des réseaux publics de connaissances dirigés par une nouvelle agence publique de recherche internationale (ou des agences régionales) pourraient contrebalancer la concentration croissante de la science privée et fermée.
3. Fonder la souveraineté numérique sur un internationalisme écologique qui refuse de considérer la souveraineté comme un champ de bataille entre les pays et qui néglige le fait que les dirigeants d’aujourd’hui ne sont pas seulement des États puissants, mais aussi des entreprises de premier plan. Ce mouvement pourrait être promu en tant que chapitre du Mouvement des technologies non alignées, qui reconnaît que les agendas technologiques nationalistes aggraveront l’effondrement écologique et exacerberont le sous-développement. L’internationalisme est également un antidote à la surveillance gouvernementale individuelle et aux abus de pouvoir, et il est essentiel pour minimiser les ressources nécessaires à la construction d’une pile numérique démocratique et publique.
Établir des mécanismes stricts à chaque étape pour démanteler les formes existantes et potentielles de surveillance étatique ou de détournement des solutions collectives par certains gouvernements. Les accords multilatéraux sur les principes et les règles de l’internet sont des garanties indispensables à la mise en place d’institutions et de solutions autonomes et gouvernées démocratiquement. (Ma traduction)
« nous devons défendre la portabilité et l’interopérabilité, explique-t-il, qui sont les seuls moyens de rendre de la liberté aux utilisateurs que les plateformes limitent et capturent. »
Ce que la souveraineté réclame, affirment-ils, est une implication franche de l’Etat, et plus largement de la puissance publique, fusse-t-elle supranationale, pour une technologie au service des citoyens et de leurs besoins, fondée sur un internationalisme écologique échappant aux proclamations de puissance et à l’étau sino-étasunien. Par souci de diffusion au plus grand nombre, j’en retrace les quelques grandes lignes.
Table des matières de Pour une souveraineté numérique publique et démocratique
construire un cloud réellement public (et data centers associés), reliés par des infrastructures également publiques
moteurs de recherche, plateformes de e-commerce devraient également voir surgir leurs versions publiques, à l’échelle appropriée (internationale, nationale ou locale, comme par exemple, une plateforme ajustée à la taille d’une région).
Subventionnées, ces applications auraient pour but de sortir de l’emprise des Big tech aussi vite qu’il est légalement possible de le faire.
La conclusion de Irénée Régnauld:
Le livre blanc reste cependant limité à une série de grands principes louables mais qui ne donnent pas plus d’éléments sur le coût et la durée du projet, ni sur les efforts politiques à entrevoir pour amorcer de telles négociations (à plus forte raison que les mots « contraindre » et « forcer » reviennent souvent, signalant l’absence d’espace pour tout compromis). Bref, la souveraineté numérique publique est démocratique est avant tout un projet politique et donc, un rapport de force.
DeepSeek : une opportunité d’action collective (internationale) ?
Nous pourrions assister à une sorte de réinitialisation de la course à l’IA, où il est possible pour les entreprises, mais aussi pour les pays, de rattraper leur retard et de trouver une nouvelle voie pour aller de l’avant. Tout comme il existe plusieurs versions de Linux, il y aura plusieurs versions de LLAMA/DeepSeek, mais seront-elles menées uniquement par des entreprises ou des stratégies nationales et internationales verront-elles le jour ? Par exemple, le Canada, l’Europe ou n’importe quel groupe de pays pourrait-il prendre DeepSeek en charge et accorder des réductions d’impôts sur les salaires des ingénieurs qui travaillent sur ce projet open source ? Cela serait-il utile ? (Ma traduction) Extrait de DeepSeek Reader, de Patrick Tanguay