tradition, coutume, religion

Je comptais faire un billet sur, autour de la religion… le jour de Noël me semblait un moment approprié1Voir un des billets les plus populaire de ce blog : Repas de Noël avec les Bochimans. Mais Noël est-elle encore une fête religieuse ? Que reste-t-il des valeurs chrétiennes et catholiques dans la frénésie consommatoire du « Temps des fêtes » ?

Mais ce fameux « temps des fêtes » de fin d’année, ce creux de la lumière… il est plus vieux, plus ancien que la Nativité chrétienne. En fait celle-ci fut d’autant plus efficace et prégnante qu’elle a calqué ses rites et fêtes sur un calendrier civique ou culturel souvent lié aux moments saisonniers auxquels étaient associés des appels aux dieux (dieux des plantes et de l’agriculture; des cycles annuels des éleveurs et chasseurs; des mers imprévisibles et généreuses…).

nouvelles valeurs

Les familles rurales étendues qui se réunissaient à l’occasion des fêtes dans la grande maison. La distance et le peu de moyens de transport rendaient ces réunions exceptionnelles. Les familles urbaines, moins étendues, sont plus proches physiquement mais éloignées par leurs agendas chronométrés au quart d’heure. Ce qui rend aussi exceptionnel les réunions familiales.

La famille refuge, rempart de sécurité et de solidarité. Particulièrement dans les sociétés pauvres en services publics ? Le modèle des sociétés « nordiques », suivant la théorie de Inglehart, celles qui ont poussé le plus loin la lutte contre le sexisme et le paternalisme amenant un engagement politique des femmes sans pareil. Quarante-sept pour cent des élus sont des élues (en Suède). Le soutien public à la participation féminine ou égalitaire, grâce à un système de garderies, de congés parentaux obligatoires, de services aux ainés frêles… réduit la pression sur les familles tout en facilitant la participation des femmes au marché du travail.

La famille élargie aux amis, aux proches, aux personnes seules. La famille traversée de tensions politiques et culturelles dues aux écarts de générations, aux différences professionnelles et de fortunes. Tensions politiques soumises, aiguillonnées par les événements : élections, référendums, crises…

Moins de religion, de religiosité dans les coutumes… Les curés ne viennent plus fouiner dans les chambres à coucher, et c’est tant mieux. Mais une « société des choix individuels » qui ne compte que sur le marché pour répondre et soutenir ces choix, cette liberté, sera vite aux prises avec des niveaux d’inégalités insoutenables. Les « Cahiers de la bonne chanson » étaient aussi importants que les chants religieux dans les fêtes familiales. Des cahiers réalisés par un religieux désireux de promouvoir la « bonne chanson » et faire connaître et se préserver la tradition et le folklore francophone.

Les institutions, droits et programmes que nous avons créé depuis 75 ans afin de remplir les fonctions auparavant portées par des communautés religieuses et la charité chrétienne, ces institutions résultent de décisions collectives, politiques. Entre l’intention du législateur et la prestation de services de l’employé il y a une tension qui peut devenir conflictuelle. Pourtant les acquis historiques que sont les écoles, collèges et universités; ces hôpitaux, centres de soins et cliniques; ces réseaux de garderies, de clubs de sports, de groupes d’entraide et de soutien aux… enfants, mères seules, malades, vieillards, immigrants… ce sont ces institutions, ces services accessibles au quotidien qui réalisent, actualisent les nouvelles valeurs de nos sociétés a-religieuses.

Les Suédois sont les moins religieux mais aussi les plus généreux en aide internationale2La Suède consacre 1,36% de son revenu intérieur brut à l’aide internationale. Le Canada: 0,25%. Les plus égalitaires en termes de participation des femmes aux postes de pouvoir. Ce qui explique sans doute les avancées sociales en terme de soutien à la famille.

En tant que collectivités morales nous avons le devoir de punir, discréditer les comportements qui compromettent l’avenir collectif. Nous avons le pouvoir de réduire l’attractivité de certains produits, de certains avoirs et comportements. Si nous nous sommes débarrassés de la chape de plomb des soutanes et cornettes, ce n’est pas pour autant le « free for all« . Enfin ce ne devait pas l’être… le professionnalisme et la déontologie des infirmières et des travailleurs sociaux devaient remplacer les directives et principes qui orientaient les religieuses et religieux qui auparavant exerçaient ces fonctions.

Si le « temps des fêtes » est un temps de générosité et de partage… ces traditions ont été passablement frelatées par les pressions sociales et le consumérisme dominant.
« Il existe une forme de redistribution des richesses qui s’inscrit dans une démarche véritablement désintéressée. [Elle] repose sur un principe de solidarité collective : l’impôt. »


C’est la lecture de ce petit livre de 165 pages qui m’a incité à commencer ce billet.

Dans son dernier livre3paru en 2021, peu de temps avant sa mort, ‌ Religion’s Sudden Decline: What’s Causing it, and What Comes Next? (RSD), Ronald F. Inglehart fait un retour de haut vol sur les sondages internationaux qu’il a mené dans le cadre du World Value Surveys qu’il a fondé et dirigé depuis le début des années ’80.

Son analyse est appuyée sur 423 sondages menés de 1981 à 2020 dans 112 pays et territoires qui comprennent plus de 90% de la population mondiale.

Le phénomène de la sécularisation du monde et de la perte d’influence des religions s’est accéléré depuis 2007. Inglehart ne considère pas cela comme une manifestation de l’avancement de la science mais plutôt comme un effet, éminemment réversible, de l’avancement de la sécurité matérielle.

Au lieu d’attribuer la sécularisation aux progrès de la connaissance scientifique ou à la modernisation en général – qui impliquent tous deux que la sécularisation est un processus universel et unidirectionnel – la théorie de la modernisation évolutive affirme que la sécularisation reflète l’augmentation des niveaux de sécurité. Elle se produit dans les pays qui ont atteint des niveaux élevés de sécurité existentielle et peut s’inverser si les sociétés connaissent des périodes prolongées de déclin de la sécurité. (RSD, p.5)

L’analyse factorielle des réponses à six questions a permis de créer un axe allant de normes (religieuses) pro-fécondité à un pôle à un pôle (laïc) de normes de choix individuel.

Dans le monde entier, les opinions publiques se polarisent sur une dimension où les normes pro-fécondité se situent à une extrémité et les normes de choix individuel à l’autre. Les populations de certaines sociétés adoptent systématiquement des normes pro-fécondité, estimant que l’homosexualité, le divorce et l’avortement ne sont jamais justifiables, que les hommes ont davantage droit à un emploi que les femmes, que les hommes font de meilleurs dirigeants politiques que les femmes et que l’enseignement supérieur est plus important pour les garçons que pour les filles. D’autres sociétés adoptent systématiquement une position opposée sur ces six questions, en approuvant les normes de choix individuel. Les populations au sein de ces sociétés se polarisent également selon ces lignes. (p.56)

Les enquêtes World Values Survey menées depuis des décennies avec les mêmes questions permettent de tracer l’évolution des valeurs4la diminution de la religiosité et de la pression nataliste sur les femmes ou la croissance des valeurs de choix individuels, notamment les droits à l’avortement et au divorce et l’acceptation de l’homosexualité dans le temps. L’évolution des comportements et des valeurs qu’ils expriment n’est pas sans lien avec les conditions historiques et matérielles des différentes sociétés. Les analyses de la WVS ont permis de développer une représentation graphique de sous-ensembles culturels relativement homogènes. En voici la dernière itération.

J’ai traduit sur cette page les commentaires explicatifs de ces deux axes, extraits de la page Findings and Insights du site WVS.


Deux choses que je retiens du texte de Inglehart sur le déclin rapide de la religion. J’ai bien aimé la description assez détaillée de la politique suivie par Deng Xiaoping qui visait à former des générations de dirigeants ayant des mandats limités dans le temps… une politique qui s’appuyait sur la tradition mandarinale de formations et de concours tout en incorporant certains éléments de la démocratie (mandats limités, expérimentations régionales, mécanismes de marché). Une politique qui permis au pays de soutenir un développement rapide et continu pendant plus de deux décennies mais qui a été remise en cause depuis par la nouvelle direction chinoise. Deux modèles de société sont identifiés par Inglehart en fin de parcours : le confucéen et le nordique. Si le premier a connu d’impressionnants succès au cours des dernières décennies du XXe siècle, le tournant autocratique impulsé par Xi Jinping comporte des risques, comme le souligne Inglehart :

Si Xi devient dictateur à vie, il est peu probable que la Chine fonctionne aussi bien qu’elle l’a fait au cours des 40 dernières années, car ce type de régime comporte de graves inconvénients. Les dictateurs ont tendance à devenir de plus en plus rigides à mesure qu’ils vieillissent et finissent par devenir séniles. Plus important encore, le critère de recrutement de l’élite passe de la compétence personnelle à la loyauté inconditionnelle envers le dirigeant. (p. 126)

De plus, l’industrialisation à marche forcée qu’a connu ce pays a laissé un lourd fardeau en matière environnementale. Le modèle nordique est plus « performant » tant sur la question de la protection environnementale que sur la transparence et la lutte à la corruption ou encore la vigueur de la participation démocratique.

Si les quarante dernières années ont été celles de formidables avancées sociales et technologiques les contraintes actuelles (limites environnementales, tensions politiques…) nous interdisent de penser que les quarante prochaines se poursuivront dans le même sens.

Les sociétés « avancées » que nous avons construites reposent sur des systèmes complexes lancés à toute vapeur5Voir How Infrastructure Works. Il nous faudra freiner nos appétits, déconstruire et reconstruire plus sobrement nos systèmes. Saurons-nous retrouver cette capacité instituante qui nous a permis, il n’y a pas si longtemps, de créer les institutions dont nous avions besoins : la Caisse de dépôts, l’Université du Québec, les CÉGEPS… ? Les choix collectifs devant lesquels nous sommes placés ne se règleront pas simplement par les « lois du marché ». Ce sont ces mêmes lois du profit à court terme, sans égard aux conséquences pour les autres, la nature, l’avenir qui nous ont conduit à la crise multiple actuelle.

Enfin. Joyeux Noël quand même !

Notes

  • 1
    Voir un des billets les plus populaire de ce blog : Repas de Noël avec les Bochimans
  • 2
    La Suède consacre 1,36% de son revenu intérieur brut à l’aide internationale. Le Canada: 0,25%
  • 3
    paru en 2021, peu de temps avant sa mort
  • 4
    la diminution de la religiosité et de la pression nataliste sur les femmes ou la croissance des valeurs de choix individuels, notamment les droits à l’avortement et au divorce et l’acceptation de l’homosexualité
  • 5
    Voir How Infrastructure Works

lectures de fin/début d’année

Quelques titres (12) cueillis au Salon du livre ou encore chez Gallimard, sur recommandation de mon libraire ou par le hasard des références.

vendre les biens d’une OBNL et empocher des millions !

Quelques 172 logements sociaux appartenant à une organisation à but non lucratif, le Faubourg Mena’sen à Sherbrooke, ont été vendus (18,5M$) à des acheteurs privés par les administrateurs de l’OSBL qui se sont ensuite partagé le magot !

Habituellement les OBNL (ou OSBL, comme on les appelle encore dans le secteur de l’habitation) ont dans leurs « lettres patentes » une clause de dissolution qui prévoit qu’en cas de dissolution les biens de l’organisation seront dévolus à une autre OSBL ayant vocation similaire. La loi oblige aussi les administrateurs à annoncer publiquement (dans les journaux) l’intention de dissolution. Les administrateurs de Faubourg Mena’sen avaient, au préalable, changé le nom de l’organisation pour « L’Orientation Éphémère », un nom qui n’avait jamais été utilisé par l’organisme. Ce qui fait que l’annonce de la dissolution n’a pu inquiéter les principaux intéressés : les locataires. Les mêmes administrateurs ont demandé la dissolution de l’organisme aussitôt que la vente des actifs a été complété. Le Registraire a officialisé la dissolution dès le lendemain.

Le juge Martin F. Sheehan a rendu un premier jugement le 9 décembre dernier qui reconnait la validité de la poursuite intentée et fait le compte rendu détaillé des gestes posés (amendements aux statuts…) par les administrateurs. C’est une première victoire pour les habitants du Faubourg Mena’sen. Mais il reste encore beaucoup de chemin avant que cette vente soit annulée et les personnes lésées soient indemnisées.

Pour plus d’information : Sauvons Mena’sen.

Je vous invite à soutenir financièrement cette lutte de David contre Goliath.

Des changements récents (2022) avec la Loi modifiant diverses dispositions législatives principalement en habitation devraient interdire ou rendre plus difficile de tels manoeuvres à l’avenir. Mais ces changements ne sont pas rétroactifs… aussi la lutte de Sauvons Mena’sen (page sur Facebook) doit se poursuivre.

développement durable, social; urbain; numérique…

bouquet du lundi

Développement social dans Memphrémagog

Le 21 novembre dernier, la Corporation de développement communautaire Memphrémagog (CDC), la Table de développement social de Memphrémagog (TDSM) et la MRC de Memphrémagog ont rendu disponible « La force d’agir ensemble », la toute première politique de développement social sur le territoire de Memphrémagog. Elles ont d’ailleurs compté sur l’appui des 17 municipalités pour mener à terme une démarche de deux ans.

Trois grandes orientations :

  1. Occuper notre territoire en préservant le vivant
  2. Favoriser le maillage social au sein de nos communautés
  3. Nous engager pour la santé mentale et physique des citoyens et des citoyennes
    [Source: MRC Memphrémagog]

Quel avenir pour l’autoroute Métropolitaine et les communautés riveraines?

L’Alliance pour l’innovation dans les infrastructures de mobilité (ALLIIUM) demande notamment aux pouvoirs publics de profiter du chantier à venir pour mettre en place des moyens inédits afin de :
– Prioriser la fluidité et l’efficacité des déplacements collectifs et actifs,
– Protéger la santé, la sécurité et la qualité de vie des populations riveraines,
– Améliorer et verdir substantiellement l’aménagement des abords de l’autoroute,
– Impliquer les collectivités riveraines dans la gestion du chantier et la réflexion sur le futur à long terme de l’aménagement et de la mobilité durables du secteur.

Source : CRE de Montréal, 10 décembre.

Des investissements en habitation durable de près de 2 G$ prévus à Québec

Québec, le 12 décembre 2024 – La Ville est fière d’annoncer le succès du Fonds pour soutenir les projets durables en habitation, une initiative issue du forum Développer la Ville autrement, tenu le 21 février 2024.

St-Jérôme : Un atelier de cocréation sur le développement du secteur ouest!

« En misant sur la création de milieux de vie inspirés par les principes de développement durable et par l’électrification des transports, ce quartier intègrera une nouvelle offre en logements, en pôles de quartier et d’emplois par l’arrivée d’industries innovantes dans un nouvel écoparc.
le conseiller municipal et porte-parole de la commission des parcs et des espaces verts, Mario Fauteux, est ravi que le développement du secteur ouest s’effectue dans le respect de l’environnement : « Près de 50 % des 18 millions de pieds carrés seront conservés, préservés et mis en valeur dans le but de bonifier le réseau municipal de parcs naturels, de lutter contre les ilots de chaleur et de créer un milieu de vie sain pour les résidents du secteur. »

Ensemble pour mieux soutenir le développement des enfants – cadre de référence du MSSS

« L’objectif du programme de favoriser l’accès, la continuité à des services de proximité intégrés et ajustés aux besoins des enfants présentant des retards de développement ou des troubles du neurodéveloppement et à ceux de leurs familles le plus précocement possible, est réitéré. Pour y parvenir, différentes orientations sont mises de l’avant, dont un modèle de prestation de services par paliers multiples et une approche d’accompagnement auprès des parents, des acteurs clés et des communautés. »
[Source : MSSS – 2024.12.13]

Rapport de l’OCDE Perspectives de l’économie numérique de l’OCDE 2024

La phase la plus récente de la transformation #numérique se caractérise par des progrès technologiques rapides qui créent des possibilités et des risques pour l’économie et la société. Le Volume 2 des Perspectives de l’économie numérique de l’OCDE 2024 porte sur les nouvelles orientations des priorités, des politiques et de la gouvernance du numérique dans les différents pays. On y analyse également l’évolution des conditions favorisant la transformation numérique, l’innovation et la confiance à l’ère numérique. Une annexe statistique complète ce volume.
[Source : Perspectives de l’économie numérique, OCDE 2024]

La co-direction-générale plus populaire

Au tour de Trajectoire Québec de se doter d’une co-direction générale. Projet collectif en a une, Québec solidaire aussi, le CPDC1Collectif des partenaires en développement des communautés quand à lui a deux coordonnatrices.


Aussi, sur Gilles en vrac… deux articles que j’ai traduits (avec DeepL mais corrigés par GB) et présentés brièvement dans ces billets :

déficit démocratique et financiarisation : Déficits démocratiques : Libéralisme, néolibéralisme et financiarisation

une autre vision du vivre ensemble : l’impact de la voiture sur la psychologie humaine

Notes

  • 1
    Collectif des partenaires en développement des communautés

déficit démocratique et financiarisation

Voici un article paru sous le titre Democratic Deficits: Liberalism, Neoliberalism, and Financialization dans la revue American Affairs. Alex Bronzini-Vender y décrit un processus de financiarisation de l’économie (et de la politique) à partir du terrain des villes ou municipalités qui avaient à négocier des conventions collectives dans le contexte d’inflation des années ’70, puis celui de la transformation de la gestion des fonds de pension des années 80-90…

Cet article est, en fait une longue présentation critique (review essay) du livre de Brian Judge paru en 2024 : Democracy in Default: Finance and the Rise of Neoliberalism in America, titre qu’on pourrait traduire par La démocratie en faillite.

Qui est Brian Judge ? Un prof ou ancien prof de science politique à l’Université de Californie à Berkeley, qui est aussi « policy fellow » au Centre pour une IA compatible aux humains (Center for Human-Compatible Artificial Intelligence). Tiré de la présentation (quatrième couverture) :

Brian Judge soutient que la financiarisation a été une réponse presque spontanée à une crise au sein du libéralisme. Il examine comment le libéralisme tend à ignorer le problème des conflits distributifs, ce qui le rend vulnérable lorsque ces conflits éclatent. Lorsque le moteur de croissance de l’après-guerre a commencé à ralentir, la finance a promis de sortir de l’impasse politique qui en résultait, permettant aux démocraties libérales de dépolitiser les questions de distribution et de maintenir l’ordre social et économique existant. Les élus n’ont pas été simplement capturés ou cooptés, mais ont volontiers adopté des solutions financières à leurs problèmes politiques. Le déclenchement de l’impératif financier de générer des rendements monétaires a toutefois inauguré une transformation globale. Des études de cas très concrètes – la faillite de Stockton, en Californie, la stratégie d’investissement du California Public Employees’ Retirement System et la crise financière de 2008 – illustrent la manière dont les priorités des marchés financiers ont radicalement modifié la gouvernance démocratique libérale. Refondant les transformations politiques et économiques du dernier demi-siècle, Democracy in Default offre un nouveau compte-rendu audacieux de la relation entre le néolibéralisme et la financiarisation.

La présentation détaillée que Bronzini-Vender fait de ce livre m’est apparue suffisamment intéressante pour que je la traduise en français et que je prenne ensuite le temps d’y insérer les 88 notes en bas de pages ainsi que les liens hypertextes que ces notes recélaient parfois. Quelques-uns des articles auxquels ces notes réfèrent : Socialize Central Bank Planning, The Crises of Democratic Capitalism

Voici donc, en format PDF : Déficits démocratiques : Libéralisme, néolibéralisme et financiarisation.


P.S. Je vous propose ce texte de quelques 40 pages avec ses 88 notes en format PDF, généré par Word, à partir d’un document composé avec iA Writer puis exporté vers Word . Ce détour par Word me permettait de maintenir les notes en bas de page plutôt qu’en fin de document comme le PDF généré par iA Writer le faisait plutôt.

une autre vision du vivre ensemble

Impact des voitures sur la psychologie humaine

Traduction DeepL, révisée par GB. Un article tiré d’une revue (Zagdaily – « The business of sustainable mobility ») que je ne connaissais pas, ni cette autrice d’ailleurs : Author Melissa Bruntlett on the impact of cars on human psychology. Mais j’ai trouvé ce parcours inspirant d’une canadienne de Vancouver qui s’expatrie avec sa famille vers la Hollande pour y trouver un milieu plus sain pour vivre et élever ses enfants. Deux livres publiés jusqu’ici, un troisième à venir sur la direction féministe vers des villes « soutenables ».


L’auteur Melissa Bruntlett parle de l’impact des voitures sur la psychologie humaine

Le parcours de Melissa Bruntlett pour devenir une promotrice de la mobilité urbaine a commencé il y a 14 ans avec la décision de vendre sa voiture familiale.

Vivant à Vancouver à l’époque, on lui demandait sans cesse comment elle faisait pour que le vélo soit son principal mode de transport avec des enfants âgés d’un et trois ans.

Plus de dix ans plus tard, Melissa vit avec sa famille dans le paradis mondial du vélo, les Pays-Bas. Avec son mari Chris Bruntlett, ils ont publié deux livres qui montrent comment des villes plus saines, plus heureuses et à taille humaine peuvent être le fruit de transports durables.

Zag Daily : Vous avez écrit votre premier livre, « Building the Cycling City : The Dutch Blueprint for Urban Vitality », avant de vous installer aux Pays-Bas. Quelle a été votre inspiration ?

Melissa : « Nous avons fait un voyage en famille aux Pays-Bas en 2016. En tant que défenseurs du vélo en Amérique du Nord, nous parlions souvent de ces exemples étonnants de villes cyclables et j’avais besoin d’en faire l’expérience par moi-même. Nous avons visité cinq villes néerlandaises au cours d’un voyage de cinq semaines et l’avons en partie financé en écrivant des articles pour des journaux locaux à Vancouver. Mais nous nous sommes rendu compte que nous ne pouvions pas raconter l’histoire en 1 500 mots. Nous avons donc lancé l’idée d’un livre qui examinerait comment le paysage cycliste néerlandais a vu le jour et comment il est appliqué dans les villes nord-américaines. Il y a toujours cet argument du « c’est Amsterdam, c’est les Pays-Bas, c’est Copenhague » pour dire qu’on ne peut pas faire la même chose en Amérique du Nord, mais nous voulions montrer que oui, c’est possible. Il ne s’agira pas d’une solution copiée-collée des Pays-Bas, mais on peut s’inspirer de leur processus de réflexion et l’appliquer à New York, Vancouver ou ailleurs.

Zag Daily : Quelle est l’action clé que vous avez trouvée aux Pays-Bas pour en faire un tel paradis pour les cyclistes ?

Melissa : « Il n’y a pas qu’une seule action. Quand on regarde les Pays-Bas dans les années 50 et 60, comme partout ailleurs, on constate un investissement rapide dans la mobilité de l’avenir – les voitures. Les villes élargissaient les routes, Utrecht par exemple enterrait un canal pour construire une autoroute, Amsterdam prévoyait de démolir un quartier juif pour construire une autoroute vers le nord. L’objectif était de créer des villes centrées sur la voiture, mais la confluence de deux événements a fait évoluer les mentalités. Le premier était que les voitures étaient perçues comme envahissant les rues néerlandaises et le second était la crise de l’OPEP. »

Zag Daily : Comment ces deux événements ont-ils fait évoluer la réflexion néerlandaise sur les transports ?

Melissa : « Avec de plus en plus de voitures dans les rues, une énorme crise de la sécurité routière a commencé à se produire aux Pays-Bas. Plus de 3 000 personnes mouraient chaque année dans des accidents de voiture et 450 d’entre elles étaient des enfants. Des parents, des enseignants et des personnes sincèrement désireuses de sauver des vies ont lancé le mouvement « Stop de Kindermoord », qui se traduit par « Arrêtez le meurtre des enfants ». Des gens ont manifesté dans les rues et d’autres ont sorti leur vélo pour faire une déclaration en faveur de l’amélioration de la sécurité routière pour les piétons et les cyclistes.

« Puis la crise de l’OPEP a frappé en 1973 et, pour gérer la pénurie de carburant, le gouvernement national a instauré les dimanches sans voiture. Cela signifiait qu’il était interdit de conduire le dimanche aux Pays-Bas afin de préserver le carburant disponible. Soudain, les gens ont envahi les rues à vélo et en patins à roulettes et ont pique-niqué au milieu des autoroutes. Cela a éveillé l’imagination des Néerlandais, qui se sont souvenus de l’usage qui était fait de l’espace public. Les dirigeants sont devenus plus enclins à utiliser leur volonté politique pour passer d’une planification des transports axée sur la voiture à une planification inclusive qui tient compte de toutes les façons dont les gens se déplacent. »

/

Continuer la lecture de « une autre vision du vivre ensemble »

Pot-pourri du lundi

L’IA que nous méritons

Evgeny Morozov est un chercheur et écrivain américain d’origine biélorusse, spécialiste des implications politiques et sociales du progrès technique et du numérique. Il est l’auteur, en traduction française, de Pour tout résoudre cliquez ici : L’aberration du solutionnisme technologique (2014), et de Les Santiago Boys: Une utopie technologique au cœur du Chili d’Allende (2024), entre autres.

Il publiait le 4 décembre dernier dans la Boston Review : The AI We Deserve. Un article assez long (20 pages en traduction française) tellement intéressant et général sur cette question de l’heure que j’ai voulu le rendre accessible en le traduisant (avec l’aide de DeepL) et en soignant quelque peu la mise en page ! En voici quelques extraits, suivis du lien vers le fichier PDF complet.

Extraits
« la promotion de la raison écologique ne peut se faire sans dissocier leurs projets nationaux de l’agenda de l’efficacité imposé – idéologiquement,
financièrement, militairement – par le Nord global »
« l’idéologie du développement technologique du Nord, selon laquelle il n’y a pas d’alternative. Au début des années 1970, cette idéologie était fondée sur la théorie de la modernisation ; aujourd’hui, elle est ancrée dans le néolibéralisme. Le résultat est cependant le même : l’interdiction d’imaginer d’autres lieux d’accueil institutionnels pour ces technologies »
« démontrer, au moyen de prototypes concrets et de réformes institutionnelles, qu’il est non seulement possible, mais aussi bénéfique pour la démocratie, l’humanité et la planète, de détacher ces outils de leur modèle de développement axé sur le marché »
« alternatives infrastructurelles publiques, solidaires et socialisées »
«  l’idée clé des expériences latino-américaines : le potentiel émancipateur de la technologie ne sera garanti que par un projet politique radical. »
« rassembler les ressources nécessaires pour garantir que les agendas du lobby de l’efficacité ne l’emportent pas sur ceux du lobby de l’humanité »

Le fichier PDF L’IA que nous méritons.

Deux « fiches » de l’IRIS sur les tendances gestionnaires et leurs effets

Publiées le 5 décembre dernier, sur le site de l’IRIS, par Guillaume Hébert.

Sur la Nouvelle gestion publique

  • La nouvelle gestion publique a été introduite dans les années 1980 pour modifier le fonctionnement de l’État. L’objectif était de le rendre plus performant en ayant davantage recours à la technocratie, à la concurrence et aux indicateurs de performance.
  • La nouvelle gestion publique a plutôt causé un alourdissement de la bureaucratie et une détérioration des conditions de travail.
  • La nouvelle gestion publique n’améliore pas les services à la population, au contraire. Elle génère du gaspillage et se traduit par un recul démocratique.

Sur la Production lean

  • En intensifiant le rythme de production, les approches de type lean détériorent les conditions de travail. On observe cette répercussion dans les centres d’appel, par exemple.
  • Incompatible avec les services public, la production lean détériore les services à la population et mène à du gaspillage de ressources.

« Ça me rend intelligent » (That makes me smart)

[L]e monde que Trump et ses alliés veulent construire. Leur devise n’est pas « les tricheurs ne prospèrent jamais », mais « caveat emptor », que l’acheteur prenne garde. Rappelez-vous le débat de 2016 où Clinton a accusé Trump d’avoir triché sur ses impôts et où il l’a admis en disant : « Cela fais de moi un homme intelligent ». Le trumpisme est le mouvement de la vie « ça me rend intelligent », où si vous vous faites arnaquer, c’est de votre propre faute. Désolé, loser, tu as perdu.
Cory Doctorow, « That Makes Me Smart« : When « unfair and deceptive » becomes fair game.

Pour une traduction française de cet article.

Rassembler pour transformer

Aux quatre coins du Québec, une multitude de personnes s’activent face aux crises et construisent des alternatives.

Multitudes veut contribuer à ce mouvement en ouvrant un espace politique ambitieux, non-partisan, de réflexion et d’action.

Un espace qui part des gens et des territoires, qui attire et transforme nos organisations et institutions et qui incarne un projet rassembleur de transition sociale et écologique. 

MULTITUDES Si vous ne connaissez pas encore… c’est une initiative lancée officiellement le 7 novembre dernier à Sherbrooke. Elle « trouve son origine mi-2023 dans la rencontre d’une dizaine de personnes impliquées dans différents mouvements et souhaitant porter plus loin leur engagement pour une transition sociale et écologique. De nombreuses rencontres élargies, dans différents contextes, ont permis depuis d’affiner la proposition et d’élargir le groupe, jusqu’à un lancement public à la fin de 2024. »

Coopératives et mutuelles au Canada

L’impact économique des coopératives et des mutuelles au Canada, paru le 20 novembre 2024.

Cliquez sur l’image pour télécharger l’infographie complète en PDF

L’analyse détaillée dans ce rapport a été réalisée en 2024 à l’aide des données de 2021 — les données les plus récentes et les plus complètes disponibles. Les objectifs de ce rapport sont de brosser le portrait des coopératives et mutuelles au Canada, puis d’effectuer une comparaison entre 2019 et 2021 de même qu’avec l’économie canadienne au cours de la période actuelle.  

Saviez-vous que 45% des 6 500 coopératives canadiennes sont situées au Québec ?

Le rapport complet (PDF).
[Version locale, sur Gilles en vrac, au cas où…]

lendemain de veille

Évaluation personnelle de la rencontre sur la veille du lundi 25 nov. 9:00-11:00 organisée par l’OVSS et Projet collectif

En général : Insatisfait. Mais ça, c’est mon état habituel 😉

Le tour d’horizon était trop rapide, les participants venant de trop d’horizons différents… on en est resté à une présentation très superficielle. Ce qui était prévisible… même si les organisateurs ont semblé surpris de la popularité de la réponse à l’invitation : plus de quarante participant.e.s Une diversité-éclatement prévisibles parce qu’il y a autant de veilles que d’organisations, ou même de cerveaux : l’état de veille n’est-il pas un état caractéristique des organismes vivants ?

Aussi je crois qu’un regroupement des personnes par thèmes ou champs d’intérêt me semble essentiel pour pouvoir aller plus loin, à la fois dans les échanges et le partage. Certains sujets ou champs peuvent être si vastes qu’ils incluront tout le monde : environnement et climat; polarisation sociale; mobilisation vers le changement… Et même si nous réunissons des sous-groupes plus homogènes au niveau des intérêts, il est probable que les participants seront à des niveaux différents d’expertises, de moyens, des préférences ou choix historiques de logiciels et d’outils dont il devient difficile de changer après des années d’utilisation.

La diversité des participant.e.s donne l’impression d’inclure tout le monde, d’être représentative du tout. Mais qui n’était pas là, absent mais influent ?

Ne pas prendre la carte pour le territoire. Il y a plus dans le territoire que ce qu’en peuvent dire les géographes et autres prophètes.

L’information qui circule dans les réseaux et médias est peut-être moins importante que l’info qui s’est déposée, qui a été institutionnalisée dans des organisations, des habitudes, des contrats explicites ou implicites qui orientent et délimitent nos actions et décisions. Une information parfois muette, fondue dans l’histoire méconnue sinon secrète du pouvoir des choses.


J’ai retenu de la rencontre du 25 novembre (dont j’avais parlé ici) quelques outils qui ont été identifiés par les participants :

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une première ligne agile

Une ancienne ministre de la santé au Canada, mme Philpott, publiait récemment : Health for All: A Doctor’s Prescription for a Healthier Canada. Les reportages diffusés à l’occasion me faisaient penser aux CLSC, dans leur conception d’origine : une équipe multidisciplinaire en charge d’une population donnée, d’un secteur géographique. Mais comme le fait remarquer Andrew Coyne dans le Globe and Mail, cela reproduirait la stagnation du réseau public scolaire. Ajoutez la possibilité pour les usagers de choisir leur clinique et cela insuffle un dynamisme dans le système. L’essentiel serait de fonctionner par capitation : le groupe de professionnels est financé en fonction du nombre (et de la qualité ou du risque associé) de clients. Use primary-care reform as the opportunity to inject more competition into Canada’s health care system.

Bon, je ne suis pas d’accord avec son petit refrain concernant le privé (« public funding need not mean public provision ») bien que, dans notre système actuel, les cliniques médicales sont essentiellement des fournisseurs privés… L’important c’est que la solution n’est pas d’ajouter encore plus d’argent, ni plus de centralisation mais bien plus de responsabilité et une compétition interne au système: les groupes multidisciplinaires étant responsables et financés pour suivre et acheter pour leurs clients les services auprès des hôpitaux et autres organismes spécialisés.

Incidemment, saviez-vous que les omnipraticiens au Québec gagnent 50%++ plus que les médecins en France ? Un médecin omnipraticien en France gagne en général entre 4 500 et 6 000 euros nets par mois (soit de 6 700 à 9 000$ CAN) dans le secteur libéral, tandis que les salaires pour les salariés tendent à être légèrement inférieurs. En moyenne, médecins omnipraticiens au Québec gagnent environ 150 000 à 200 000 CAD nets par an, soit entre 12 500 et 16 600 CAD par mois