La lecture du James Joyce… de V.-Lévy Beaulieu me donnait le goût de replonger dans la version d’Ulysse qui me regarde depuis des mois de sa tablette au dessus de mon écran… Lecture difficile (Ulysse plus que L-B) mais tout-à-fait appropriée à mon actuelle randonnée intellectuelle autour du thème (lui aussi à la mode) de la neurologie et du fonctionnement synaptique. Incidemment, The Economist en faisait un court dossier dans sa livraison du 23 décembre (seul le premier article est disponible gratuitement sur leur site). Mes lectures enthousiastes du temps des fêtes (Introduction aux sciences cognitives, un recueil sous la direction de Daniel Andler, mais surtout La fatigue d’être soi, de Ehrenberg et le magnifique Traité du cerveau de Michel Imbert) m’ont permis d’apprécier ce court dossier.
Ce matin, dans une chronique du G&M malheureusement inaccessible hors souscription payante à leur site web, Margaret Wente faisait l’apologie du désordre régnant sur son bureau… à l’heure où tout le monde se gargarise de résolutions pour l’année qui commence. Lorsqu’elle cite les auteurs de A perfect mess, je me retrouve dans ces vertus reconnues au « désordre optimal » : je me suis toujours dit que les gens qui passent plus de temps à classer des documents qu’ils n’utiliseront plus (99% du temps) qu’ils en auraient passé à chercher ces mêmes documents sont, finalement, des gens mal organisés.
La vie n’est saisissable dans sa cruelle et magnifique vivacité que dans le désordre, et tout effort, littéraire ou autre, qui vise à la mettre en ordre (…) est mensonger ou perdu d’avance. Ulysse apparaît ainsi comme un roman qui cherche à donner, à rendre la vie dans sa confusion natale, dans sa discontinuité, dans sa désorganisation principielles, à reproduire la vie à l’état brut, dans son chaos et ses ruptures.
Mais la vie à l’état brut, si cette expression a le moindre sens, est par définition insaisisssable et sa reproduction illusoire. Qui plus est, sa reproduction par la parole. Sa reproduction par l’écrit ! (…) Tout langage, sauf à cesser complètement d’être langage, c’est-à-dire compréhensible pour qui que ce soit, locuteur compris, tout langage, toute parole est une tentative plus ou moins réussie de mise en ordre. De la vie à l’état brut, Ulysse ne peut strictement rien dire, il est, comme tout poème, borné par l’indicible. [Citation, tirée de ce recueil… jubilatoire : Le temps aboli, de Thierry Hentsch]
Au delà, en deçà de l’ordre, il y a le chaos… qui peut-être relève d’un ordre « supérieur »… à moins que ce ne soit d’un désordre supérieur.