The God Delusion de Richard Dawkins, un réquisitoire à la fois sérieux, scientifique et plein d’humour. Enfin, je suis pas sûr que tous les lecteurs apprécieraient son humour… Mais ceux qui s’irriteraient d’un tel ouvrage seront sans doute les derniers à en ouvrir les pages.
Pendant cette lecture je me rendais compte à quel point on a pu croire, il y a quelques années, que la religion était une question définitivement « réglée » : il s’agissait d’un droit privé. La séparation de l’État et des choix religieux semblait acquise… À voir le charabia créationiste prendre autant de place dans l’espace médiatique américain, à voir à quel point il semble plus facile pour un dirigeant politique dans ce grand pays de s’avouer homosexuel que athée… les talibans ne sont pas tous où l’on pense. Et les acquis sociaux et politiques ne sont pas toujours irréversibles !
Bien que j’aie beaucoup apprécié le texte de Dawkins, et son argumentaire tentant d’expliquer l’avantage évolutionniste qu’a pu représenter la propension à la croyance religieuse (et à l’obéissance aux prescriptions des chefs religieux), ses nombreux exemples, convainquants, des effets néfastes de telles croyances aujourd’hui… je reste un peu sur ma faim.
Quelques questions montent lentement après la lecture : ce discours, s’adressant à la raison, avec de nombreux et solides arguments scientifiques… peut-il s’adresser à tous ? Peut-on vraiment faire disparaître la crédulité au profit du libre arbitre ? Si l’on voulait vraiment rejoindre tout le monde avec cette vision rationnelle, il faudrait faire des « versions légères » des vérités scientifiques… des versions accessibles pour tous.
Du point de vue neurologique, y a-t-il une différence entre le vrai et le faux ? Probablement que oui, la fable n’a pas besoin de « preuves », elle tient son sens de son origine, de son équilibre intérieur, de la confiance que celui qui l’entend porte à celui qui la raconte… Alors que la vérité scientifique demande à être redécouverte, redémontrée grâce aux capacités délibératives ou procédurales de l’apprenant (et non du croyant). Et justement, croire et savoir… ce sont deux choses. Tant que ça ?? Thomas Khun ne disait-il pas que la science avançait par révolutions, des chambardements qui devaient renverser les « croyances » et résistances antérieures pour établir un nouveau paradigme !
Ce besoin de faire sens, de rendre cohérent ce qui apparaît cahotique… c’est une capacité, une fonctionnalité du cerveau solidement programmée (hardwired). Faire sens en racontant des histoire. Une propension, une habileté développée au cours des dizaines (centaines?) de milliers d’années pendant lesquelles la culture humaine s’est développée, transmise, conservée uniquement par la parole. La mythologie servait à transmettre une part de savoirs entremêlée d’inventions, de narrations… N’est-ce pas encore ainsi que procèdent ceux qui battent des records de mémorisations (par exemple le plus grand nombre de décimales de Pi) : en tissant une histoire reliant les chiffres les uns aux autres…
Si la part du mystère se réduit peu à peu grâce à la science… la théorie des cordes ou le concept de corrélat neuronal de la conscience ne sont pas moins mystérieux pour certains que la trinité ou l’enfer ! J’ai l’impression que les sceptiques, athées et autres pourfendeurs de l’ignorance et de la crédulité oublient facilement que tous n’ont pas ni ne peuvent avoir le même esprit scientifique…
Alors ? À défaut d’avoir des prêtres ou rabins de la science, qui serviraient de pasteurs et d’interprètes entre les textes sacrés scientifiques et leurs ouailles, on pourrait au moins s’assurer que les enfants reçoivent une éducation scientifique de base.