L’obligation qu’a le RQIIAC de changer son nom pour le rendre conforme à la nouvelle situation des CLSC, maintenant partie des CSSS, a soulevé ce qui s’approche le plus d’une discussion sur la liste de courriel du même nom : 3 ou 4 répliques, dont certaines ne manquent pas d’humour… noir. Mais, à mon humble avis, je crois que le débat passe à côté de la question principale : c’est moins le nom qu’il faudrait changer que la base de l’association. C’est à dire est-ce que le membership du RQIIAC doit encore se limiter aux praticiens de l’organisation communautaire qui travaillent en CLSC ?
Quand ce regroupement fut mis sur pied, il y aura cette année 20 ans, il s’agissait de créer un espace de discussion et de partage sur des pratiques professionnelles de développement des communautés. Des pratiques qui étaient isolées, méconnues. La réflexion sur ces pratiques était si limitée que plusieurs praticiens doutaient eux-même qu’on puisse vraiment faire de l’organisation communautaire en contexte institutionnel.
Pourquoi alors l’initiative d’un tel regroupement vient-elle des intervenants en CLSC, et non du milieu où les « vraies » pratiques se… pratiquent ? Probablement parce que le cadre institutionnel permettait, imposait une distinction plus nette entre les pratiques et les « causes » qu’elles défendaient. C’était d’ailleurs un constat fait assez fréquemment dans ces années que de tous les intervenants communautaires actifs dans les groupes locaux, peu d’entre eux avaient le temps de se préoccuper des enjeux du développent local plus global, trop pris qu’ils étaient à fonder ou défendre leurs secteurs et réseaux sectoriels. Localement, dans les années 80, il y avait peu d’autres professionnels de l’organisation communautaire, professionnels dans le sens général d’une personne qui possède une formation suffisamment générique pour lui permettre de travailler, soutenir différentes facettes du développement des communautés.
À l’époque, le fait de limiter le champ du RQIIAC aux intervenants des CLSC permettra d’éviter que ce petit groupe se retrouve dans l’obligation de donner une direction aux mouvements communautaires qu’il accompagnait. Ce qui fut une bonne chose car nous n’avions ni les moyens ni l’ambition de devenir un parti politique. Depuis ce temps les différentes composantes du mouvement communautaire se sont affirmées, structurées et possèdent plus de capacité d’encadrement sectoriel et stratégique que nous pourrions leur offrir.
Par ailleurs depuis 20 ans se sont aussi développées différentes structures de soutien au développement local et communautaire qui viennent, sinon concurrencer, compléter l’offre locale en matière d’organisation communautaire : CLD, CDEC, CDC… De plus, des offices municipaux d’habitation, des municipalités et même certaines fondations privées se sont dotés de services d’organisation communautaire. Les CLSC (ou CSSS) ne sont plus les seules structures institutionnelles à avoir dans leur mission de soutenir ou d’accompagner des processus de développement communautaire.
Limiter, dans ce contexte, les bases du Regroupement aux intervenants en provenance d’une seule structure institutionnelle contribue à affaiblir la crédibilité de cette association tout en continuant de miner, peu à peu, sa capacité de remplir sa principale mission : soutenir le développement professionnel de pratiques sociales complexes. Ouvrir, au contraire, l’association à des professionnels du développement social et de l’organisation communautaire en provenance d’autres structures permettrait de remettre au coeur des débats la raison d’être du regroupement : les pratiques, et remettrait à sa juste place, secondaire, la question des « settings », du cadre institutionnel de ces pratiques.
Les pratiques d’organisation communautaire et de soutien au développement des communautés ne sont pas nées avec les CLSC. Les débats entourant l’évolution de la structure CLSC ou encore suivant les décisions de certaines directions locales de retirer ou d’abolir certains postes d’organisation communautaire ont toujours été présents au sein du Regroupement. Un observateur un tant soit peu extérieur reconnaîtrait que ces débats de structures ont pris beaucoup de place ces dernières années. Beaucoup trop sans doute. Imaginons un instant une association de professionnels du développement communautaire dont la base serait plus large et inclusive : non seulement le fait de discuter avec des praticiens en provenance de divers horizons obligerait de se recentrer sur la question des intérêts des communautés mais cette association gagnerait sans doute en crédibilité lorsqu’elle se prononcerait sur l’évolution de certaines structures ou réseaux institutionnels porteurs de mission communautaire.
Le vingtième anniversaire du RQIIAC sera-t-il l’occasion d’une véritable relance, à la hauteur des défis que posent le nouvel urbanisme, les enjeux écologiques, la refonte perpétuelle du réseau de la santé et des nouveaux engagements citoyens que la rencontre de ces défis appelle ? Ou se contentera-t-on d’un accommodement limité à une appellation ? Les « agents de changement » sauront-ils changer ?
P.S. En tant que vieil organisateur communautaire en fin de parcours ce n’est pas à moi de prendre le « lead » sur ces questions… mais j’appuierais volontiers la nouvelle génération dans cette virée hors des sentiers battus pendant les quelques années qui me restent de « vie professionnelle active ».
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