Tous ces débats, fort distrayants par ailleurs, sur les gouvernements minoritaires, coalitions et accusations de coup d’État… mettent en lumière à quel point notre culture démocratique est essentiellement basée sur le « respect du plus fort » et non, contrairement à ce qu’on prétend, sur le respect de la majorité.
Peut-être parce que la « majorité » lorsqu’elle peut se composer d’un assemblage de groupes minoritaires exige une culture de la délibération et du respect des différences plus avancée que ce que nous enseignent nos institutions traditionnelles.
La réaction viscérale des conservateurs (compréhensible, venant d’un gouvernement minoritaire), de certains libéraux et commentateurs ressortant du placard tous les épouvantails disponibles… donne à penser que nous sommes encore loin d’une véritable représentation démocratique des électeurs. Le type de démocratie pratiquée encore ici est celle qui se pratique largement dans la nature : le plus gros mâle emporte toutes les femelles. Parce que les combats se font un contre un… et que les opposants sont incapables de se concerter, la position dominante est laissée aux gros bras.
On pourrait croire que sapiens sapiens a dépassé ce stade pour atteindre une sagesse democraticus ? La multiplication des gouvernements minoritaires des dernières années a peut-être amorcé le travail vers la reconnaissance de leaders plus inclusifs, de démocrates plus à l’écoute des dissidents et différences… et finalement d’une démocratie plus dynamique, participative, intelligente et polycentrée. On parle depuis des décennies de la réforme parlementaire vers une représentation proportionnelle. On en parle. Il est évident qu’une telle réforme aurait des conséquences importantes sur tous les partis politiques. Là où il y a un intérêt actuellement à rester dans le rang et débattre au sein d’une formation politique… il y aurait un incitatif à créer des ensembles indépendants, distincts. Cela créerait une autre étape dans la délibération autour de programmes de gouvernements qui ne seraient pas la simple mise en oeuvre (bien incomplète) du programme d’un parti, celui ayant eu la pluralité des voix, mais bien la construction d’un programme fondé sur l’adhésion volontaire et le compromis.
Un changement de culture politique… riche d’une plus grande participation, d’un plus grand engagement. Ce pourrait être au profit de la collectivité en ces temps de transformation obligée des comportements économiques, écologiques et sociaux ?
Je ne suis pas très optimiste quant à l’éventualité d’un changement de culture politique… La base, selon moi, c’est l’implication locale : dans son village ou quartier, dans son école, dans son milieu de travail… Nos gouvernants font très peu de choses pour encourager et valoriser ce type d’implication basé sur la primauté de la personne; on le décourage plutôt, voyant là — j’imagine — une menace pour ‘l’ordre établi’, un frein à l’efficacité et au développement, une perte de temps et d’argent… (On préfère des structures régionalisées non élues par la base, non imputables et plus facilement contrôlables par ‘le pouvoir’…) Comme la véritable « démocratie dynamique, participative, intelligente et polycentrée » ne peut s’apprendre que localement et comme ça fait l’affaire de la majorité occupée à tirer son épingle du jeu, le ‘régime démocratique’ actuel est en selle pour encore très longtemps.
Merci de ton commentaire, Jean.
C’est probable que les règles actuelles soient encore en place pour un bout… ce qui me fait me poser la question : comment les autres pays où la représentation proportionnelle s’est imposée l’ont-ils fait ? Dans quels contextes le passage vers un tel mode de fonctionnement démocratique s’est-il accompli ? Moments de crise particuliers ? Ancrages particulièrement forts de tiers partis ?? J’aimerais bien savoir…