J’ai l’impression que le moyen de comprendre ce qui me fait tiquer lorsque je lis le projet de « cadre de référence… » se trouve sous l’angle de la confiance par laquelle l’action volontaire peut être mobilisée… Confiance qu’un acteur peut inspirer, ce « capital de confiance » construit sur les actions passées, mais aussi la confiance en soi des acteurs – source d’autonomie, d’initiative et de contribution au développement communautaire. Une confiance des acteurs en eux-mêmes pour trouver des solutions, résoudre leurs problèmes.
En même temps, quand on est sur le terrain (des vaches mais aussi des loups) toute la confiance du monde ne suffit pas à trouver des solutions qui n’existent pas. Le discours du développement communautaire (ou local) tourne à l’idéologie quand il sert à masquer ou faire avaler le manque criant de ressources, l’iniquité de traitement des acteurs… Il y a des problèmes qui relèvent de déséquilibres dépassant largement les acquêts et ressorts des communautés locales. Ces déséquilibres poussent, conduisent au conflit… minant (au moins superficiellement) ainsi les efforts de construction de confiance entre les acteurs.
Superficiellement, parce que la confiance se construit souvent, aussi, à travers les batailles. Toute la question est de savoir est-ce qu’on détruit le ring sur lequel la bataille se mène ? Construit-on la confiance entre acteurs mais aussi dans les règles du jeu ? Malheureusement il n’y a rien de plus simple que de construire la « confiance » entre des losers et leurs leaders par le renforcement de la conviction qu’ils vont perdre et que c’est à cause… des autres. Cette méfiance instillée à l’égard des règles des autres est plus souvent signe de « disempowerment » que de résistance. Mais elle peut aussi, parfois, être un passage obligé vers la création d’espaces d’élocution protégés pour des populations exclues, maltraitées et de ce fait devenues craintives.
La conflictualité dans le cadre du développement communautaire : savoir rassembler les acteurs autour de constats, de plans consensuels et mobilisateurs tout en acceptant que tous ne seront pas nécessairement participants, que le plan actuel n’est peut-être pas à la hauteur des besoins de tous… et qu’il serait bien malvenu de faire payer à ceux qui ne se sentent pas à l’aise dans ce cadre le prix de leur exclusion… même s’il est sans doute justifiable d’exiger de tous le respect de normes, de règles du jeu minimales. Des règles qui incluent le respect des exclus sont caractéristiques d’institutions aptes à soutenir l’épreuve du temps, mieux que celles (règles) qui forcent l’intégration de tous.
Concertation, collaboration sont des concepts souvent associés au développement communautaire. Dans les mêmes eaux on trouve aussi le capital social, l’économie social… Pourquoi introduire la question du conflit dans ce tableau marqué du sceau de la convergence des intérêts, du travail conjoint et des réseaux d’action ? Parce que sans conflit dans le « décor », le développement communautaire relève de l’idéologie, pour ne pas dire de la religion ! Le conflit, non pas qu’on l’appelle de nos voeux!, permettra de distinguer le discours de la réalité. C’est à sa capacité de tenir compte du dehors, de ce qui s’oppose (activement ou passivement) à son point de vue qu’on reconnaitra un projet de développement communautaire vraiment inclusif et un plan d’action local ayant de la perspective.
(en vrac… que je disais !) Dans la même veine, voici un document de réflexion (.doc) sur le lien entre développement communautaire et notre éventuel plan local de santé publique (à noter que j’ai rédigé ce document avant d’avoir lu le cadre régional soumis à discussion et qu’il s’agit d’une réflexion personnelle, et non d’un document officiel).