Qu’est-ce que le progrès, et comment devrait-on mesurer le bien-être d’une population ? L’OCDE a organisé deux grandes conférences sur le sujet, et l’année dernière, le Président Sarkozy de la France a créé une commission de premier ordre pour faire rapport sur ces questions [GB: j’en parlais ici]. Ce grand débat reflète le fait que la hausse du revenu national n’a pas apporté l’amélioration de la qualité de vie que beaucoup attendaient, et des enquêtes aux États-Unis ne montrent aucune augmentation du bonheur au cours des 60 dernières années. Ces enquêtes reposent sur une évaluation subjective du bien-être, et il est raisonnable de se demander si ces réponses sont des mesures fiables de la qualité de vie, telle que les gens la vivent. Oswald et Wu ont fait un un test intéressant. Premièrement ils ont mesuré le bien-être subjectif dans chaque État américain, puis ils l’ont comparé avec la moyenne des salaires (mesurée objectivement) dans le même État (les deux variables étant contrôlée pour les facteurs personnels). La corrélation négative entre les deux variables est remarquablement élevée, comme si les salaires étaient plus élevés pour compenser une qualité d’expérience de vie inférieure (et vice versa). L’étude soulèvera certainement des débats animés dans de nombreuses disciplines. [Introduction au dossier, Science 29 janvier 2010, ma traduction]
Utilisant les données du programme américain d’enquêtes annuelles sur les facteurs comportementaux de risques à la santé, les chercheurs ont pu cumuler sur trois ans (2005-2008) près de 1,3 millions de répondants, suffisamment pour avoir des résultats significatifs pour chacun des 50 États américains. L’article complet n’est accessible qu’aux abonnés sur le site de la revue, mais un « discussion paper », Well-being across America – pdf de 44 pages, par les mêmes auteurs, sur le même sujet est disponible sur le site de l’IZA (Institute for the Study of Labor, en Allemagne).
Quelles sont les conclusions ? Les gens habitant les États les plus riches, en terme de revenus, ont un niveau de bien-être subjectif plus bas ! Non, ce n’est pas la vraie conclusion… même si New York et la Californie se trouvent au bas de l’échèle lorsqu’il est question de bien-être subjectif, ils sont au 50 et 42e rang, quand on mesure objectivement la qualité de vie (avec une méthode de compensation différentielle [oui, je sais… j’y reviendrai], celle de Gabriel et al.).
C’est donc à une confirmation (assez forte, d’un point de vue statistique, avec une corrélation de .6) du lien entre les évaluations subjectives du bien-être et celles, plus objectives (revenus moyens, prix des maisons…) que l’article conduit.
Et la cerise sur le gâteau : les données de ces enquêtes sont disponibles en ligne ! Réalisées dans le cadre du Behavioral Risk Factor Surveillance System par le CDC (Center for desease control) américain. On peut faire en ligne quelques croisements, tableaux mais aussi télécharger les données complètes en format ASCII ou SAS, avec les fichiers de définition des variables… et tout ! Pour chaque année depuis 1984.