Le rapport Ross, The Patient Journey Through Emergency Care in Nova Scotia (pdf – 104 pages), sur les services d’urgence en Nouvelle-Écosse, résumé ici par André Picard du Globe and Mail, soulève des questions (et suggère des réponses) qui, même si elles s’inspirent de la situation dans cette province pourraient bien s’appliquer au Québec et ailleurs au Canada.
Plusieurs des recommandations sont connues et ont déjà fait l’objet de multiples rapports ici et ailleurs : de meilleurs services à domicile, des suivis plus adéquats pour les malades chroniques et les personnes avec problèmes de santé mentale… Mais l’une d’entre elles mérite d’être soulignée : salarier les médecins de l’urgence. Ici j’avoue mon ignorance : est-ce que les médecins à l’urgence d’un hôpital comme Maisonneuve-Rosemont sont encore rémunérés « à l’acte » ? Si c’est le cas (comme ça l’est en Nouvelle-Écosse) on peut comprendre qu’ils n’aient pas beaucoup de motivation à ce que les urgences soient libérées des cas bénins car ce sont ces cas qui sont la principale source de leurs revenus.
On peut consulter sur le site de la Régie de l’assurance-maladie du Québec le manuel de facturation des omnipraticiens (464 pages), les lettres d’entente et accords particuliers (996 pages) pour avoir une idée des mécanismes (complexes) de rémunération à l’acte ou mixtes qui sont actuellement appliqués. Il y a aussi un autre manuel de facturation (725 pages) et un ensemble de lettres d’ententes et accords particuliers (417 pages) pour les médecins spécialistes.
Pour avoir fréquenté ces dernières années l’urgence de cet hôpital plus souvent que je ne l’aurais souhaité, en l’occurrence pour y retrouver ou accompagner ma mère, je suis encore surpris, à chaque fois, du nombre effarant de personnes qu’on entasse dans les corridors. Car c’est cela l’urgence : des dizaines de patients couchés sur des civières le long des corridors. On peut même suivre quotidiennement la situation grâce à cette page, Situation quotidienne des salles d’urgence, sur le site de l’Agence de Montréal, où en ce 4 novembre, on y apprend que les civières dans les urgences de la région de Montréal sont occupées à 129 % ! Dans le cas de Maisonneuve-Rosemont, c’est dire qu’il y a 62 patients pour 54 « civières fonctionnelles », où 9 patients y sont depuis plus de 48 heures.
Extrait d’un article du porte-parole des médecins omnipraticiens en clinique d’urgence (FMOQ).« Malgré les compressions budgétaires et les faibles augmentations de l’enveloppe budgétaire allouée à la rémunération des omnipraticiens, la rémunération moyenne versée à un médecin pour ses activités à la salle d’urgence a été majorée de 39,4 % entre 1998 et 2001. Aucun autre secteur de pratique n’a reçu d’augmentations comparables. Ce redressement était nécessaire, mais il a fallu le faire par des mécanismes de péréquation au détriment d’autres secteurs, notamment des cabinets privés. » Un article qui répondait à des affirmations d’un porte-parole d’une association d’urgentistes indépendante de la FMOQ.
S’il n’est pas question − au Québec, pour le moment − de salarier les médecins des urgences, on parle par ailleurs de fusionner le CSSS Lucille-Teasdale, déjà responsable de 3 CLSC, 7 CHSLD et un centre de crise, avec l’hôpital Maisonneuve-Rosemont. La consultation des derniers rapports annuels de ces deux établissements nous informe que le premier (Rapport annuel 2009-2010 du CSSS Lucille-Teasdale) avait en 2009-2010 plus de 2500 employés (1850 postes équivalents temps complet) pour un budget de 157 M$, alors que le second (Rapport annuel HMR 2009-2010) avait deux fois plus de ressources (5400 employés, 4000 étudiants et plus de 350M$ de budget). La création d’une entité administrative rassemblant 8 000 employés et un budget de ½ milliard $ permettra-t-elle de mieux s’attaquer aux problèmes connus du système : libérer les urgences en travaillant en amont, avec un meilleur suivi des malades chroniques vieillissants et une meilleure articulation des services médicaux et non-médicaux auprès de cette clientèle ? Une telle méga-institution permettra-t-elle de doter les CLSC de services médicaux ? Cela facilitera-t-il la mise en place de groupes de médecine familiale ? Alors qu’un seul de ces groupes s’est finalement récemment mis en place sur le territoire du CSSS Lucille-Teasdale…
Il est intéressant de lire en parallèle ces deux rapports annuels, pour constater les différents centres d’intérêts, les investissements récents [Le 29 mars 2010, le ministre de la Santé, le docteur Yves Bolduc, a annoncé un investissement de 63 millions $ pour l’agrandissement et la rénovation de l’urgence. (…) Ce projet est le 4e développement majeur en 5 ans, après le Centre de soins ambulatoires (73 M$), le pavillon de radio-oncologie (40 M$), le Centre d’excellence en thérapie cellulaire (20 M$)].
Un sujet sur lequel nous reviendrons prochainement…