Je terminais avec difficulté la lecture des revues de littérature publiées récemment à propos de l‘efficacité des méthodes, la rétention des clientèles et la valeur des outils de mesure du développement des enfants dans le cadre de programmes tels SIPPE. Avec difficulté car la manière dont on additionne les résultats (deux recherches disent oui, et deux non, ça s’annule…), ça passe mal. Je n’arrivais pas à mettre des mots sur ce malaise quand celui-ci s’est accru, grandement, à la lecture de ce que j’appellerais « un exercice de géomatique » réalisé à partir d’une autre revue de littérature, celle-ci portant sur les indicateurs géographiques de l’environnement bâti et de l’environnement des services influant sur l’activité physique, l’alimentation et le poids corporel. J’avais lu avec intérêt cette dernière revue, et j’en ai même parlé ici, en avril dernier. Mais je ne m’attendais pas qu’on utilise de cette manière les paramètres de certaines études recensées pour établir que l’accessibilité des parcs était comblée à 99 ou 100% dans les 8 arrondissements de Montréal examinés. L’accessibilité aux parcs et aux installations sportives pour les familles montréalaises arrivait à cette conclusion après avoir mesuré la distance entre les aires de diffusion et les parcs, en utilisant la norme de 800m de distance, tirée de certaines enquêtes recensées dans le document sur les indicateurs. Comme je venais justement de consulter, pour comparer la superficie des parcs dans les quartiers de notre arrondissement, le plan d’aménagement urbain de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, j’avais sous les yeux une carte (page 15) réalisée par la Ville au moment de la rédaction du Plan (2004) où l’on traçait un cercle de rayon de 300 mètres autour de chaque parc, pour conclure que plusieurs endroits dans l’arrondissement n’avaient pas une accessibilité optimale et qu’il faudrait y travailler.
Je ne sais pas si vous vous êtes déjà promené avec deux jeunes enfants, disons de 18 mois et 3 ans et demi, pour aller au parc le plus proche… mais 800 mètre pour s’y rendre ça ne m’apparaît pas vraiment qualifiable d’accessible. Pas si on compte s’y rendre à pied. Parler de 300 mètres me semble plus raisonnable. Je n’ai pas encore pu rejoindre le responsable de l’arrondissement sur cette question pour savoir si son service avait utilisé une « norme » particulière ou si c’était le fruit du « gros bon sens ». C’est encore utile, le gros bon sens…
Mais revenons aux revues de littérature. J’ai finalement compris ce qui me chagrinait dans le type de revues qui se permettent d’additionner les résultats d’études comme si on faisait des méta-analyses − c’est-à-dire en amalgamant les bases de données afin d’augmenter la puissance des analyses et la validité des conclusions. C’est en lisant cet autre document, L’impact de l’environnement bâti sur l’activité physique, l’alimentation et le poids, réalisé par l’INSPQ à la suite d’une demande du ministère des Affaires Municipales. Plutôt que d’établir une norme précise (genre 800m) et de l’utiliser de manière dichotomique (passe ou passe pas), on y parle plutôt de relations graduées, de corrélation (ex : « le nombre d’infrastructures de loisir présentes augmentait avec le niveau socio-économique du quartier »). Une approche qui a le mérite de garder ouverte la possibilité que la norme change, que les exigences sociales évoluent, ou encore que notre compréhension de l’effet de proximité devienne plus subtile.
N’a-t-on pas affirmé, avec la vigueur d’une « vérité scientifique », pendant des années qu’il fallait au moins pratiquer l’exercice physique de manière vigoureuse pendant au moins une heure chaque fois, et au moins trois fois la semaine… pour que cela vaille la peine et qu’on puisse en mesurer les effets sur la santé ? Cela avait eu pour conséquence de « décourager » la majorité de ceux qui ne pratiquaient pas de « sport extrême ». Aujourd’hui on (OMS) parle de périodes réduites (à coups de 5 minutes) qui peuvent s’accumuler, et d’activités physiques beaucoup moins exigeantes.
On peut espérer que la « norme » de 800 mètres, utilisée pour établir l’accessibilité des espaces verts et équipements sportifs, sera elle aussi, ramenée sur le terrain des vaches… et qu’en attendant les élus municipaux ne l’utiliseront pas pour se déresponsabiliser. Ce qui est peu probable, car les élus sont aussi élus par des gens âgés, dont la fragilité va grandissante, et pour qui, 800 mètre (1,6 km aller-retour) n’équivaut certainement pas à accessibilité.
Bon, je n’ai pas vraiment conclu sur les 3 revues réalisées autour du programme SIPPE. J’y reviendrai.