Bien dans mon quartier, bien dans ma tête ? Un colloque à l’hôpital Douglas sur les liens entre l’environnement et la santé mentale. Les media ont tôt fait de conclure de manière plutôt déterministe : Quand le quartier est parsemé de bâtiments décrépis ou abandonnés, que les espaces verts y sont inexistants et qu’y pullulent la restauration rapide et les commerces vendant de l’alcool, la vie y est plutôt déprimante et surtout stressante, voire anxiogène. (article du Devoir)
Pourtant les choses ne sont pas aussi simples. Le fait d’habiter un quartier défavorisé donne aussi accès à certains services, à des ressources qui sont distribuées en priorité dans ces quartiers; les organisations de ces quartiers ont parfois développé une approche, une offre qui veut tenir compte de cette concentration de pauvreté. Ce qui correspond en partie à ce que Small appelle les liens sociaux organisationnels. Dans son étude Unanticipated Gains il examine les relations sociales que nouent les utilisatrices des garderies à New-York et les conditions mises en place par ces services de garde pour soutenir les parents. Un adage dans les milieux de garde américains dit qu’on ne peut prendre soin d’un enfant sans prendre soin de sa famille.
Son étude met en lumière le rôle de « courtier » (broker) joué par les garderies. Il répertorie 4 manières qu’elles ont de promouvoir les liens sociaux entre leurs clientes et d’autres services locaux ou régionaux : validation, distribution, collaboration et référence. Ces organisations n’ont pas développé une telle adaptation de leurs services uniquement sur la base d’une conscience professionnelle ou responsabilité sociale. Oui, ces facteurs ont pu jouer, mais aussi les bailleurs de fonds ont parfois des exigences qui vont dans ce sens : créer des liens avec les services environnants; offrir des cours, des sessions d’information adaptées aux besoins des parents; créer des espaces de participations pour ces derniers… Un grand programme de financement comme Head Start a de telles exigences. D’autre part, certains services municipaux ou encore certaines fondations ou entreprises vont cibler certains quartier pour offrir accès à des services ou biens. Ce qui vient renforcer le développement ou l’enrichissement des services offerts dans ces quartiers.
Et puis, le quartier « défavorisé » est parfois favorisé d’un certain point de vue : situé dans les quartiers centraux, les services y sont parfois plus proches, facilitant d’autant le transport actif… La diversité dans l’utilisation des sols et la proximité des services étant des facteurs identifiés dans les études portant sur les caractéristiques de l’aménagement urbain favorisant la santé. Il est intéressant de comparer de ce point de vue deux développements récents réalisés dans le même arrondissement : les aménagements réalisés sur les terrains appartenant autrefois à l’hôpital Louis-H.-Lafontaine, où la (non)mixité dans l’utilisation des sols ne favorisera pas vraiment les déplacements à pied, et ceux qui ont été fait sur les anciens terrains de l’industrie Lavo, au cœur du quartier Hochelaga-Maisonneuve.
Bien évidemment, ni les aménagements ni les liens sociaux organisationnels ne réduiront à eux seuls les problèmes de la pauvreté… mais il faut se garder de simplifier ou d’aplatir les causes, et ainsi d’imaginer des « solutions » qui ne feront que renforcer les préjugés. Je crois que l’étude de Small vient nous rappeler l’importance de lutter contre le travail en « silo » dans les quartiers pauvres… et que cette lutte ne se fera pas seulement à coup de tables de concertations.
Voir aussi, de Mario Luis Small, Reconsidering Culture and Poverty.