Un atelier sur les réseaux locaux de services avait lieu mercredi dernier dans le cadre des JASP. Plusieurs interventions ont au cours de la journée mis en lumière des expériences intéressantes d’action locale en réseau visant la meilleure santé des populations. Mais aussi plusieurs ont souligné les difficultés, les freins qu’il faut dépasser, éviter pour qu’une véritable gouvernance en réseau se développe. Pas facile en effet de faire se concerter des organisations et professions qui ont toutes à défendre leur version de l’autonomie, des priorités, des meilleures méthodes… Et le rôle du CSSS dans tout ça ? Responsable ? Coordonnateur ? Animateur ?
On parle de « leadership partagé ». Un concept qui semble plus facile à énoncer qu’à incarner ! surtout lorsque votre propre leadership est soumis à des pressions directes pour plus d’imputabilité, plus de productivité… et que la « responsabilité populationnelle » qui justifie les efforts d’animation de ce réseau local de services ne fait même pas partie des objectifs mesurables du contrat de gestion qui vous lie.
Il y a sans doute beaucoup de raisons pour réduire à sa version minimale cette responsabilité populationnelle animant l’agir en réseau des partenaires locaux : j’ai pas assez d’argent, je dois augmenter ma productivité, j’ai de nouveaux employés à former pour remplacer ceux qui partent à la retraite, ou encore je dois négocier ma prochaine convention… Pourtant, dans la mesure où il y a encore beaucoup à faire pour rencontrer les besoins de demain, dans la mesure où il faudra innover encore (les méthodes éprouvées ne sont pas toutes trouvées !) pour faire travailler ensemble cliniques médicales, résidences pour aînés, services à domicile; services périnataux, de garde en milieu familial, services de soutien aux familles… il y a quelque chose à chérir et à découvrir dans cette gouvernance en réseau qui serait la marque, selon certains, d’un changement de paradigme nécessaire pour sortir du conflit paralysant entre la gestion publique traditionnelle qu’on accuse d’être couteuse et peu flexible et la nouvelle gestion publique (new public management) qui tend à réduire l’intérêt public à la somme des intérets individuels et a une fâcheuse tendance à prendre la gestion privée (orientée vers le moindre coût à court terme) comme modèle. Un changement de paradigme vers une gestion de la valeur publique (public value management – voir Stoker, Public Value Management: A New Narrative for Networked Governance ?) où la valeur ajoutée dans l’intérêt public est plus importante que le mode de livraison (secteur public ou privé); où l’identification de cette valeur publique est faite grâce une délibération entre les parties prenantes; où les leaders suivant cette nouvelle approche se montrent capables de soutenir cette délibération, cette action concertée d’acteurs provenant d’horizons divers.
Il n’y a pas UN réseau local, surtout depuis que les CSSS ont rassemblé plus d’un territoire sociologique sous leur responsabilité. Il y a plusieurs réseaux locaux, et même dans un seul quartier il y aura plusieurs réseaux, établis autour de populations ou clientèles spécifiques : les acteurs mobilisés autour des ainés ou des jeunes familles ne se concertent pas souvent… et ne développeront certainement pas de « réseau intégré ». Peut-être se mobiliseront-ils, à l’échelle d’un quartier, autour d’une cible stratégique momentanée, conjoncturelle : préserver la dernière école primaire, bloquer le passage d’une autoroute… mais ce seront là des citoyens qui se mobiliseront, pas un « réseau local de services ». Oui, certainement, il y a des liens à faire entre les réseaux spécialisés ou ciblés, surtout que certaines ressources apparaissent comme des carrefour : les GMF, quand ils auront atteint leur plein potentiel, seront en lien avec les réseaux de services aux ainés, autant que ceux auprès des jeunes familles ou des personnes en détresse psychologique.
« Les réseaux carburent à la finalité » – Denis A. Roy
Voir aussi ces deux billets publiés sur ce blogue en juin dernier : alternative au NPM & Ostrom et la gestion collective du bien commun