faisabilité d’une véloroute

velorouteCPDans le cadre d’un stage en urbanisme, Maxime Powell a réalisé cette étude de faisabilité d’une véloroute longeant la voie ferrée du Canadien Pacifique sur 3,5 kilomètres à la limite ouest du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Un beau projet qui aborde d’une manière concrète les conditions de réalisation de cette voie cyclable « naturelle » qui pourrait, éventuellement, relier plusieurs quartiers centraux de Montréal, sans contact (ou presque) avec le traffic automobile. Enfin c’est ce que je défendais, il y a douze ans, dans ce document animé. Cette portion, imaginée par Maxime, viendrait lier la piste de la rue Notre-Dame et celle de la rue Rachel jusqu’à joindre le tronçon Des Carrières qui longe déjà la voie ferrée dans Rosemont.

Si cette étude répond à la question de la faisabilité technique et des coûts liés à l’aménagement et la protection d’un tel espace, les enjeux politiques et organisationnels restent à éclaircir : par quels moyens peut-on agir, faire pression sur cet « État dans l’État » qu’est le Canadien Pacifique ? Où sont les intérêts des arrondissements de Montréal ? Et le ministère du transport du Québec ? J’ai l’impression qu’il faudrait plusieurs stages en science politique pour mettre au clair les intérêts stratégiques des acteurs impliqués… trouver les effets de levier potentiels pour faire bouger ces mastodontes !

Merci Maxime pour ce travail. Il est intéressant que les acteurs locaux (Caisse Desjardins et SDC Ontario) aient appuyé ce projet ! Il me fait plaisir de déposer ici ce document pdf (17 Mo, 49 pages), avec la permission de l’auteur, pour le rendre accessible à tous. (on accède aussi au document en cliquant sur l’image plus haut)

Ici quelques images 3D réalisées par Maxime, et des photos prises par moi à partir du viaduc au dessus de la voix ferrée, pointant vers l’édifice en hauteur rendu en 3D…

reconnaitre la valeur publique

Recognizing Public Value, par Mark H. MooreC’est le titre du dernier livre de Mark H. Moore, Recognizing Public Value. L’auteur qui a, dès 1995, défendu (introduit ?) la création de valeur publique comme stratégie alternative au New Public Management qui sévissait déjà.

Je tente ici d’esquisser (bien subjectivement) le propos d’un livre (450 pages) qui présente 7 cas de transformation de la mise en valeur, de la définition de l’action publique. Il s’agit du département de police de New York, de la ville de Washington D.C. au complet, du département du revenu du Minnesota, d’un programme de « welfare-to-work » de l’Illinois, de la mobilisation de Seattle autour de la gestion de ses déchets, d’un tableau de bord pour le progrès de l’Oregon et du département des services sociaux du Massachusetts. À travers ces exemples, l’auteur développe ses concepts et outils, dont le compte de valeur publique (public value account) et des  fiches de suivi (scorecards) pour les pôles ou perspectives de la légitimation et des opérations (voir les fiches numérisées à la fin). Ces trois pôles correspondant au triangle stratégique de la création de la valeur publique. (Voir B. Lévesque, dont je tire le paragraphe et le graphique suivants).

Triangle stratégique valeur, Moore

Le triangle stratégique de la valeur publique selon Moore s’appuie sur trois préoccupations qui doivent s’imposer aux dirigeants politiques et aux gestionnaires des services publics. En premier lieu, la définition de la valeur publique, soit concrètement la clarification des objectifs et des finalités des services qui doivent inclure la production de valeur non seulement pour les individus directement touchés mais aussi pour les communautés concernées, ce qui suppose de faire le lien entre l’usager et le citoyen et de faire appel à la délibération puisque la valeur publique est plurielle et qu’elle n’est jamais définie une fois pour toutes. Le gestionnaire public (public servant) joue un rôle important pour faire que cette préoccupation de la valeur publique soit effectivement prise en compte pour la production et la livraison des services publics. En deuxième lieu, la préoccupation pour la valeur publique ne peut se réaliser sans un environnement autorisé et légitime puisqu’il faut à la fois le support des autorités publiques et la construction d’une coalition des parties prenantes (usagers, communautés, secteur privé, secteur public, secteur associatif) aux intérêts diversifiés. En troisième lieu, la capacité opérationnelle de construction de biens et de services s’impose, ce qui renvoie à la faisabilité en termes de mobilisation des ressources opérationnelles (financières, personnelles, de compétences, technologiques) à l’intérieur et à l’extérieur des organisations nécessaires pour obtenir les résultats, y compris sur le plan de la valeur publique. À nouveau, la fonction publique joue un rôle important pour favoriser l’alignement de ces trois préoccupations dans la mise en œuvre. Continuer la lecture de « reconnaitre la valeur publique »

il y a gouvernance et gouvernance

Rejeter toute gouvernance comme la manifestation d’un management totalitaire conduit vite à rejeter toute préoccupation relative à la gestion de la chose publique : « il faut éviter de se perdre dans la gestion, dans la «gouvernance» », dit Louis Favreau, en recommandant ce pamphlet.

Il y a de la gouvernance de droite comme il y a des managements de droite. Définir la gouvernance comme le management totalitaire, comme le défend, cinquante fois plutôt qu’une, le petit livre éponyme d’Alain Deneault, c’est refuser les possibilités ouvertes par la gouvernance démocratique (collaborative, partenariale dit Benoît Lévesque) — en demandant, implicitement, le renforcement du pouvoir public. Mais avoir plus de pouvoir public sans les outils et les attitudes de la gouvernance démocratique (respect et écoute de la clientèle, de la citoyenneté; ouverture à l’innovation et à la collaboration), c’est revenir à l’autorité bureaucratique et insensible qui a fait le terreau de la tant décriée nouvelle gestion publique.

Ce que je retiens tout de même de la critique de Deneault c’est que malgré des intentions louables, officiellement d’intérêt public, les mécanismes de la gouvernance ordinaire peuvent vite se replier sur les intérêts immédiats ou appréhendés des acteurs en présence, laissant de côté ou pour plus tard l’intérêt de la collectivité dans son ensemble. Une gouvernance démocratique rapprochera le « peuple » de ses institutions en accroissant son pouvoir de définir les objectifs qu’elles poursuivent et les valeurs qu’elles incarnent. Alors que pour Deneault, la gouvenance vise à « mettre les peuples encore plus hors de portée de structures publiques par lesquelles ils pourraient chercher à constituer souverainement leur subjectivité historique ». Car, tout le monde le sait, une « structure publique » c’est par essence, démocrate, accessible, équitable, juste…

La gouvernance n’est pas une recette miracle, pas plus qu’elle n’est un poison diabolique. Pour contrer la polysémie du vocable il vaudra mieux le qualifier. C’est ce que fait Benoît Lévesque, dans son texte sur la nouvelle valeur publique comme alternative à la nouvelle gestion publique.

Gouvernance collaborative, partagée, partenariale… ce sont les termes souvent utilisés pour décrire les relations que développent les institutions publiques avec leurs partenaires (communautaires et privés) et aussi leurs clientèles et les représentants citoyens. Oui, il y a bien d’autres utilisations de ce concept de gouvernance, dont certaines peuvent être critiquées parce qu’elles servent à justifier l’influence des intérêts privés sur la gestion de la chose publique. Alain Deneault en énumère une cinquantaine de ces utilisations « totalitaires » dans son petit pamphlet Gouvernance, le management totalitaire. Son parti-pris « critique » l’empêche cependant de voir les usages progressistes et démocratiques de ce concept, que ce soit pour décrire les relations de partenariat entre acteurs locaux desservant une même population, ou les processus méta-organisationnels permettant de définir l’orientation et les valeurs de l’action publique ou collective.

Pourtant Favreau, dans le texte déjà cité, invite à « ne pas s’en tenir à la défense de valeurs ». Mais si l’on veut, justement, que ces valeurs touchent et transforment les pratiques des institutions, professionnels, organisations comme les comportements des citoyens, il ne faut avoir peur ni de la gouvernance, ni de la gestion publique. Formuler des politiques, même sur la scène internationale, ne suffit pas.

le manuel « maître » des résidences privées

Manuel d’application du règlement sur les résidences pour ainés

Le ministère vient de publier le Manuel d’application du Règlement sur les conditions d’obtention d’un certificat de conformité et les normes d’exploitation d’une résidence privée pour aînés – DOCUMENT MAÎTRE

140 pages, dont la moitié pour les 19 annexes, dont plusieurs décrivent les registres qui devront être établis et tenus à jour par les résidences (dates et lieux de formation des préposés, services offerts par la résidence et acceptés par chaque résident…). En voyant la liste des accords donnés pour transmission d’informations personnelles, et pour réception de services divers au moment de signer le bail, on se demande si les locataires ne devront pas dorénavant se faire accompagner d’un avocat !

Un manuel exigeant pour les résidences privées, mais aussi pour les CSSS, qui devront s’engager à donner des services complémentaires à ceux des résidences, accessibles rapidement. Sans doute plusieurs résidences ont déjà des ententes formelles et informelles, leurs résidents étant déjà souvent usagers des services à domicile des CSSS. Mais les contraintes administratives pèseront  plus lourd sur les petites résidences. L’application d’une telle règlementation assurera une qualité minimale, mais aura des conséquences couteuses pour les résidents.

L’obligation de signer des ententes formelles avec chaque résidence pourrait être l’occasion de préciser, affiner l’articulation entre l’offre de services publics et celle des résidences privées. Jusqu’où les CSSS soutiendront-ils cette période critique, en facilitant les acquisitions de compétences, les formations ad-hoc, le développement d’une offre de services de qualité dans les résidences de leur territoire ? La négociation des ententes se fera-t-elle sous le seul angle du rationnement, donnant à chaque résident une part équitable de ressources publiques rares de soins infirmiers… ou si on fera aussi la promotion de pratiques souhaitables (nutrition, loisir et socialisation, santé mentale, santé physique, prévention…) ? Peut-être la position initiale du CSSS ne doit-elle pas être vue comme seulement pourvoyeur de services mais aussi comme animateur d’un réseau : soutenir les échanges d’information et apprentissages entre partenaires; les résidences, pharmacies, associations d’ainés, cabinets médicaux sont tous des partenaires de ce réseau local; et les familles de ces ainés hébergés… où sont-elles dans ce réseau ?