il y a gouvernance et gouvernance

Rejeter toute gouvernance comme la manifestation d’un management totalitaire conduit vite à rejeter toute préoccupation relative à la gestion de la chose publique : « il faut éviter de se perdre dans la gestion, dans la «gouvernance» », dit Louis Favreau, en recommandant ce pamphlet.

Il y a de la gouvernance de droite comme il y a des managements de droite. Définir la gouvernance comme le management totalitaire, comme le défend, cinquante fois plutôt qu’une, le petit livre éponyme d’Alain Deneault, c’est refuser les possibilités ouvertes par la gouvernance démocratique (collaborative, partenariale dit Benoît Lévesque) — en demandant, implicitement, le renforcement du pouvoir public. Mais avoir plus de pouvoir public sans les outils et les attitudes de la gouvernance démocratique (respect et écoute de la clientèle, de la citoyenneté; ouverture à l’innovation et à la collaboration), c’est revenir à l’autorité bureaucratique et insensible qui a fait le terreau de la tant décriée nouvelle gestion publique.

Ce que je retiens tout de même de la critique de Deneault c’est que malgré des intentions louables, officiellement d’intérêt public, les mécanismes de la gouvernance ordinaire peuvent vite se replier sur les intérêts immédiats ou appréhendés des acteurs en présence, laissant de côté ou pour plus tard l’intérêt de la collectivité dans son ensemble. Une gouvernance démocratique rapprochera le « peuple » de ses institutions en accroissant son pouvoir de définir les objectifs qu’elles poursuivent et les valeurs qu’elles incarnent. Alors que pour Deneault, la gouvenance vise à « mettre les peuples encore plus hors de portée de structures publiques par lesquelles ils pourraient chercher à constituer souverainement leur subjectivité historique ». Car, tout le monde le sait, une « structure publique » c’est par essence, démocrate, accessible, équitable, juste…

La gouvernance n’est pas une recette miracle, pas plus qu’elle n’est un poison diabolique. Pour contrer la polysémie du vocable il vaudra mieux le qualifier. C’est ce que fait Benoît Lévesque, dans son texte sur la nouvelle valeur publique comme alternative à la nouvelle gestion publique.

Gouvernance collaborative, partagée, partenariale… ce sont les termes souvent utilisés pour décrire les relations que développent les institutions publiques avec leurs partenaires (communautaires et privés) et aussi leurs clientèles et les représentants citoyens. Oui, il y a bien d’autres utilisations de ce concept de gouvernance, dont certaines peuvent être critiquées parce qu’elles servent à justifier l’influence des intérêts privés sur la gestion de la chose publique. Alain Deneault en énumère une cinquantaine de ces utilisations « totalitaires » dans son petit pamphlet Gouvernance, le management totalitaire. Son parti-pris « critique » l’empêche cependant de voir les usages progressistes et démocratiques de ce concept, que ce soit pour décrire les relations de partenariat entre acteurs locaux desservant une même population, ou les processus méta-organisationnels permettant de définir l’orientation et les valeurs de l’action publique ou collective.

Pourtant Favreau, dans le texte déjà cité, invite à « ne pas s’en tenir à la défense de valeurs ». Mais si l’on veut, justement, que ces valeurs touchent et transforment les pratiques des institutions, professionnels, organisations comme les comportements des citoyens, il ne faut avoir peur ni de la gouvernance, ni de la gestion publique. Formuler des politiques, même sur la scène internationale, ne suffit pas.

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