Ce qui est né dans les pays occidentaux et qui est en train de naitre sous nos yeux dans les pays arabes, c’est la naissance de l’individu. Il est né avec St Paul, Socrate, Descartes, mais il n’était pas encore concrètement, réellement advenu. Tous les éléments que j’ai donnés font qu’aujourd’hui nous nous trouvons devant des individus. Et cet individu-là ne sait pas faire un groupe. Les footballeurs français n’ont pas su faire équipe pendant la coupe du monde, mais pensez-vous que les hommes politiques sachent faire équipe aujourd’hui ? Le groupe est en train d’éclater sous la pression des individus. Sait-on faire un couple aujourd’hui ? On ne fait que divorcer. L’individu d’aujourd’hui est donc à la recherche d’un nouveau lien social, voilà la question. [Michel Serres, entrevue à CLES]
C’est faire remonter loin les racines de l’individualisme. Une individuation qui s’est accompagnée au cours des siècles de mouvances et d’appartenances sous les drapeaux nationaux, religieux ou linguistiques… La construction des État-nations, des espaces géopolitiques, ont conditionné, formé les types d’individus, de contrats sociaux reliant familles et sociétés locales et régionales. S’il y a eu une construction de l’individu et un certain « désserrement » de l’emprise des liens primaires familiaux et communautaires sur l’individu – c’est grâce à l’action massive d’institutions coercitives (enseignement, armée, industrie, prison, police, hospices) que ces « libertés » individuelles ont été dessinées, façonnées.
La constitution des État-nations a soutenu, accompagné la mise en place des industries, l’accumulation des compétences permettant à chaque nation de prendre sa place dans le « concert » ou faudrait-il dire le triple gallop des nations en compétition pour contrôler des ressources, conquérir des marchés. La place occupée par chacune dans l’enchevêtrement des échanges mondiaux sera déterminée par ses qualités intrinsèques mais aussi par ses avantages historiques, ses alliances géopolitiques.
Le privé, le public et le commun. Six outils pour penser, faire vivre les biens communs. Mais aussi ce petit bijou pédagogique allemand, version française : Biens communs – La prospérité par le partage (pdf 52 pages), publié par la fondation Heinrich Böll. [Comprend une critique percutante du texte « fondateur » de Hardin : The Tragedy of the Commons]
Dépasser la dichotomie privé-public en introduisant les communs, gestion collective, participative des biens communs. Modalité ni privée ni publique de gestion d’une ressource partagée. Cette introduction d’un tiers-mode est-elle due aux défaillances bureaucratiques du pouvoir public ? Ou à la cupidité myope de la propriété privée ?
Il est des communs qui n’ont pas encore été négociés, « civilisés » et qui sont encore aux prises avec la loi du plus fort. Particulièrement des communs qui se déploient hors territoires nationaux : dans les mers, dans l’atmosphère.
Le même auteur qui a écrit Six outils…, Pablo Servigne, signait au mois de juin, sur cet étonnant site belge Barricade, cette courte (8 pages) synthèse L’Anthropocène, l’ère de l’incertitude.