métro, tramway et SRB

François Cardinal publiait hier  une entrevue avec Enrique Peñalosa, ancien maire de Bogota. Son message : développer les SRB (services rapides par bus) est une solution à privilégier plutôt que le prolongement du métro, et même les tramways qui sont (re)devenus à la mode… C’est d’ailleurs ce que disait Cardinal dans une de ses contributions aux 101 idées pour Montréal, et c’est aussi ce que laisse entendre cet article tiré de The Atlantic Cities When It Comes to Streetcars and Economic Development, There’s So Much We Don’t Know. Je n’ai pas encore terminé la formulation de la 102e idée pour relancer Montréal, la mienne…

Dans ce contexte je me demande comment prendre cette annonce du gouvernement Marois à propos du prolongement du métro. À 300M$ du kilomètre, c’est une facture de 2G$ qu’on se prépare… Restera-t-il des sous pour les solutions plus immédiates et moins couteuses que sont les voies réservées pour bus rapides (SRB) ? Il semble que cette avenue soit reprise par tous les candidats à la mairie dans les réponses qu’ils donnent, ce lundi matin, à la question : Comment éliminer la congestion ?  Quand à Mélanie Joly, elle en fait le premier de ses 5 engagements électoraux.

la culture du vélo à Copenhagen… et Montréal ?

Aujourd’hui paraissait le dixième et dernier épisode du Top 10 Design Elements in Copenhagen’s Bicycle Culture : le « political will ». Dix petits vidéos de 4-5 minutes chacun.



À écouter en attendant de lire les 101 idées pour Rêver Montréal

Ou d’aller écouter Cardinal (et d’autres) en parler au Mégaphone mercredi soir.

fiscalité municipale

La dépendance au foncier induit une dynamique malsaine dans les villes car elles n’osent pas s’investir dans le développement durable et l’aménagement urbain. Si elles ne veulent pas augmenter les taxes de leurs citoyens, elles sont condamnées à élargir l’assiette fiscale par l’ajout de nouvelles unités de logement. Cette politique de la «fuite par en avant» est l’une des principale cause de l’étalement urbain [L’actualité, Brian Myles]

Oui c’est une belle question pour les candidats aux prochaines municipales, car sans règlement de ce problème de la diversité des sources fiscales, l’aménagement de la ville de demain sera impossible.  Taxes sur le carbone, mais aussi sur l’énergie en général — il faut arrêter de gaspiller l’électricité. Et pourquoi pas une taxe sur le gaspillage, sur les emballages inutiles et produits non recyclables. Des taxes qui permettraient de soutenir — non pas une diminution des taxes municipales, mais bien le développement de la densité, de l’aménagement d’une ville habitable à pied, et pas seulement au centre-ville. Évidemment de telles taxes demanderont d’être harmonisées, à l’échèle provinciale et fédérale et même poussées à l’internationale. Participant ainsi du mouvement des villes en transition vers un urbanisme compatible avec la survie de la planète.

science d’intérêt public

Aujourd’hui, le 16 septembre se tiennent à travers le Canada des assemblées « Standup for Science » ou Tous ensemble pour la science.

 Au cours des dernières années, nous avons vu plusieurs coupures budgétaires touchant d’importantes institutions scientifiques, nous avons vu le financement des programmes redirigé vers la commercialisation de la recherche, et nous avons vu les scientifiques du gouvernement perdre leur capacité à communiquer les résultats de leur recherche au public.

La science est importante pour les Canadiens et Canadiennes. La recherche scientifique de qualité, lorsque associée à un processus décisionnel éclairé, protège notre eau et qualité d’air, nous garde en santé, s’assure que notre nourriture est saine et prépare les Canadiens et Canadiennes à l’avenir. Notre bien-être ainsi que notre prospérité à long terme va de pair avec l’alignement de la science et de l’intérêt public.

« [L]’alignement de la science et de l’intérêt public » il me semble que cette manière de dire affaiblit l’ensemble de l’appel au public. C’est parce que la « science » et le savoir académique n’avaient pas si bonne presse ni n’était près du coeur du public que le gouvernement Harper a pu la maltraiter autant. L’anti-intellectualisme cher aux populistes a bien servi les conservateurs : en y sacrifiant même le recensement canadien, un joyau de la science statistique internationale, Harper réaffirmait la primauté de la volonté, de la décision politique sur l’analyse, la réflexion, l’interprétation des faits.

Pourtant nous avons à la fois besoin de réflexion ET d’action. Et il serait plus qu’intéressant, essentiel même que les deux soient articulées, idéalement harmonisées. Mais il n’y a pas qu’avec le pouvoir politique que la science a parfois « maille à partir ». Les medias participent aussi à ces déformation des faits et ventes de vessies pour des lanternes. Le dossier du pétrole fantôme à Anticosti en est un bel exemple (voir Pas une goutte de pétrole à Anticosti).

Nous avons et aurons besoin de plus de science, non pas moins. Une science qui soit d’intérêt public. Dont les résultats soient publics, d’accès libre. Dont les grandes orientations soient délibérées.

délibération et raison

Des processus délibératifs pour formuler de bonnes politiques. L’évaluation des processus délibératifs. Deux présentations du Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé (CCNPPS).

Notez qu’on ne dit pas que les processus délibératifs conduisent de facto à des politiques publiques favorables (à la santé, à l’équité, au développement durable…) on dit seulement que ces processus peuvent soutenir le développement (la formulation, la mise en oeuvre, l’application) de telles politiques.

Quiconque a participé à, ou encore mieux, animé quelques processus délibératifs reconnaitra facilement que la raison (la juste prise en compte d’un maximum de facteurs déterminant l’atteinte de l’objectif visé) n’a pas toujours priorité dans la dramaturgie d’une délibération publique. Les égos, les intérêts corporatifs, institutionnels, collectifs plus ou moins inavoués et inconscients mais bien ancrés dans les habitudes et capitaux symboliques et sociaux accumulés par et dans les individus et organisations participants, viendront peser sur l’agenda, le déroulement et les résolutions de ces assemblées.

Mais c’est quoi, une bonne politique ? Une politique qui produira, à court et long terme, un effet bénéfique pour la société. Un peu tautologique : bonne politique = effet bénéfique. Mais c’est un effet appréhendé, voulu par le législateur, et idéalement par les parties prenantes de la délibération ayant conduit à la formulation de la politique.

La qualité d’un processus démocratique de délibération peut faciliter le ralliement des positions minoritaires à la décision majoritaire… ou ses déficiences conduire à la radicalisation ou  au « décrochage » de ces mencheviks.

Certaines politiques peuvent avoir un caractère plus structurant comme une charte des droits, ou une charte de la laïcité… mais si les conditions d’adoption d’une telle méta-politique ont pour effet d’affaiblir la légitimité ou de réduire la capacité de mobilisation de l’État il faudrait se demander si le jeu en vaut la chandelle.

Oui, l’État québécois est laïque. Mais il est aussi démocratique, professionnel, à l’écoute… Et je pense à tous ces débats à faire et décisions à prendre, et à faire appliquer par un État responsable, qui concernent l’avenir de la planète… pas seulement la prochaine majorité parlementaire. L’État québécois en ressortira-t-il renforcé ou affaibli ? Finalement le processus délibératif et réflexif est peut-être ici plus important que le résultat à atteindre : charte adoptée ou non.

voir aussi sur ce carnet

Languirand résume Les sources du moi

Tombé par hasard sur cette partie d’une émission Par quatre chemins, où Languirand résume en 5 minutes la brique de Taylor « Les sources du moi ». Il m’aura fallu, à moi, plusieurs mois pour terminer l’oeuvre (excellente) de ce philosophe canadien. Et je n’ai pas osé tenter un résumé. Je trouve celui-ci fort intéressant… aussi l’ai-je transcrit, pour vous.

Par Jacques Languirand, émission Par quatre chemin,  16 mars 2013 (à partir de la minute 29:10  jusqu’à 34:10) . Transcription de G.B.

D’où vient le sentiment que nous éprouvons ordinairement d’être soi, nous dit Taylor, d’être doté d’une consistance et d’une profondeur intérieure ?

L’enquête du philosophe canadien montre que cette identité moderne a une histoire. Il y a tout d’abord une histoire de la pensée qui légitime peu à peu le recours à l’introspection. Dans ses confusions (Rires). Excusez moi.

Dans ses Confessions, Saint-Augustin donne ainsi cette consigne : Au lieu d’aller dehors rentre en toi-même, c’est au coeur de l’homme qu’habite la vérité. Puis ce sera Montaigne qui écrira : Chacun regarde devant soi; moi je regarde dedans moi, et je n’ai affaire qu’à moi. Mais Taylor évoque également le fameux « Je pense, donc je suis » de René Descartes. Le protestantisme apportera ensuite la valorisation de la vie ordinaire, c’est-à-dire  matérielle. Le travail, la production, le bien, la famille, enfin le processus de sécularisation achève de débarrasser l’homme de toute transcendance pour mieux retrouver en lui-même la vérité de ses actes. Taylor reprend à son compte la phrase du poète Herbert qui dit chaque être a sa propre mesure.


Les Sources du moi est une contribution importante à la compréhension de l’individu contemporain. Il montre que l’individualisme de notre temps n’est pas, ou pas seulement une conséquence du libéralisme politique et économique dominant. La quête d’authenticité qui semble marquer notre époque possède, selon lui, une véritable force morale. Elle est source d’exigence éthique et de nouvelles valeurs pour la société car chacun attend désormais une reconnaissance sociale de son identité. Taylor échappe ainsi aux polarisations habituelles des analyses de l’individualisme. Des auteurs comme Christopher Lasch, Richard Sennet ou plus près de nous, Alain Ehrenberg ont ainsi décrit un individualisme corrosif entrainant un replis narcissique, valorisatif de la vie privée, désengagement politique, souci de soi etc. Soit la dépression née de l’obligation d’être autonome. D’un autre côté des sociologues comme Anthony Giddens, Jean-Claude Kaufman, et (Françoise Lesimple ?) ont pointé comment ont récemment émergé une réflexion sur une invention de soi, ou encore, des relations familiales démocratiques. Démocratie familiale, bien, qui offre pour le meilleur de nouvelles marges, marges d’action et de choix aux individus. Pour Taylor l’individualisme contemporain ne saurait se réduire à l’une ou l’autre de ces facettes. Certes la dimension narcissique et ses dangers sont inhérents à la constitution du moi moderne. Mais, il dit, un subjectivisme total, et parfaitement conséquent, tend vers le vide. Aucun accomplissement n’aurait de valeur dans un monde où littéralement rien n’aurait d’importance que l’accomplissement personnel. De fait le moi comporte également une dimension altruiste et de bienêtre et de justice en ce que chaque individu est considéré comme digne, respectable. L’exigence de liberté, enfin, sauve l’individu de l’isolement puisque ce droit individuel doit être garanti collectivement. Être libre. Être libre c’est entretenir un lien politique avec les autres qui définit les conditions de notre conscience. Et de notre coexistence. Souvent classé comme « communautariste », le philosophe rappelle aussi que l’identité personnelle est aussi toujours une identité collective. Reconnaissant l’individu comme valeur positive il le met en garde contre ses propres excès. Trop d’individualisme tue l’individualisme.

plus qu’un débat, une transformation

Plus qu’à un débat, c’est à une transformation radicale que nous sommes confrontés — quoiqu’en disent les sceptiques qui, de moins en moins nombreux, seront inéluctablement… confondus 😉 – (pour les plus jeunes) disait le capitaine Bonhomme !

Mais le débat restera nécessaire, car il ne s’agit pas de décisions simples mais bien de plans stratégiques comprenant autant des investissements importants à long terme que des changements dans les habitudes et comportements de tous, au quotidien. Un débat à dimensions tant scientifique et politique… comme il s’en mène, notamment, sur cet Agora allemand de la transition énergétique (Agora Energiewende ).

Un espace financé par les fondations Stiftung Mercator et l’ European Climate Foundation et le programme européen Smart Energy for Europe Plat­form, où les discussions se mènent suivant la règle de Chatham House.  Il n’est pas surprenant  de voir l’Allemagne au premier rang du débat sur les questions environnementales, la tradition des Verts y étant longue.

Le site Energy Transition, soutenu par la fondation Heinrich Böll, ajoute au débat allemand. Le débat en France semble sur le point de passer une étape cruciale avec un projet de loi prévu pour octobre 2013 – suivant une consultation qui s’est terminée en juillet dernier. On peut consulter les documents sur le site Débat national Transition énergétique.

Ce sont aussi les communautés locales et régionales qui se mobilisent dans cette discussion. En plus des Villes et communautés en transition (Transition Network) dont j’ai déjà parlé, je découvre Energy Cities, soit l’Association européenne des autorités locales en transition énergétique qui promeut 30 propositions d’Energy Cities pour la transition énergétique des territoires (pdf).

Il me semble pertinent de rappeler que nos sociétés ont connu au cours du siècle dernier plusieurs grandes transformations énergétiques : l’électrification à grande échèle grâce aux grands ouvrages hydroélectriques; le quadrillage du territoire en routes asphaltées et autoroutes; l’enfouissement au coeur des artères de la métropole d’un système de métro avec ses 73 stations.

Le rappel de ces transformations énergétiques passées pour dire que ce ne sont pas les moyens techniques ou financiers qui feront défaut ou seront rares. Ce sont les capacités politiques, sociales et culturelles de mettre en oeuvre, d’inventer ces nouvelles façon de vivre « avec sobriété mais heureux »  (Patrick Viveret). Il ne s’agit plus de soutenir ou d’encourager les « tendances naturelles » à l’appropriation, à la vitesse et la consommation mais bien d’impulser un renversement de ces tendances, un virage vers des modes moins consommatoires de matières non renouvelables et moins énergivores. Est-ce à dire que les défis techniques ou financiers seront moins grands ? Pourtant il est sans doute des « Baie James » d’électricité à générer grâce à de judicieux programmes d’économie et d’isolation. Et la transformation de nos villes pour en faire des milieux habitables par des humains et non des automobiles peut donner lieu à de grandes réalisations aptes à mobiliser savoirs, talents et argents.

La consultation québécoise qui s’ouvre à l’automne sur un projet intitulé : De la réduction des gaz à effet de serre à l’indépendance énergétique du Québec – Document de consultation pose-t-elle les bonnes questions ?

Pour aller plus loin sur le cas Allemand :