une revue des sciences, en français

Après avoir annoncé qu’il cesserait de produire sa revue mensuelle des sciences, Jean Zin nous a fait plaisir en acceptant de continuer à survoler l’actualité scientifique comme il l’a fait depuis… des années.

Moi-même « amateur » de sciences (biologie, génétique, anthropologie, paléo-anthropologie, écologie, climatologie, informatique…) je trouve très stimulantes ces revues du mois, collation d’articles et de nouveautés dans des domaines cruciaux. Le blogue d’un « touche-à-tout » parfois étourdissant… mais toujours éclairant !

plus d’immigrants au Canada qu’aux USA

nombres et pourcentages d’immigrants depuis 1901, Canada

J’ai toujours pensé que les États-Unis étaient une terre d’accueil des immigrants… mais pas autant que le Canada, suivant ce graphique de Statistique Canada. Un cinquième de la population canadienne était immigrante, en 2006, comparativement à 13 % pour les États-Unis (suivant le Harper’s Index de avril). Incidemment, ce dernier numéro de la revue américaine comprend un inédit de John Le Carre, un article de l’anthropologue Claude Lévi-Strauss éclairant sur la question des liens de filiation dans le contexte des technologies de la reproduction assistée, une critique des liens que certaines municipalités développent avec Google sous prétexte de donner un accès rapide à Internet à leurs citoyens… Je crois que je vais m’abonner !

évasion fiscale : complément d’info

Pour compléter ou en préparation de l’émission Enquête de ce soir sur l »évasion fiscale, je vous propose une lecture sur le site La vie des idées, parue ce matin, une recension ce livre : Les paradis fiscaux. Enquête sur les ravages de la finance néolibérale. « S’il tient du réquisitoire, l’ouvrage de Nicholas Shaxson sur les « Paradis fiscaux », replace également les marchés financiers, et plus particulièrement les centres offshore, dans une perspective historique. L’auteur parvient à montrer, par de multiples enquêtes, la place qu’occupe la finance offshore au cœur du système économique et financier mondial« . Le document complet : Un siècle d’évasion fiscale.

Vois aussi, sur le même sujet, tiré du même site : Les paradis fiscaux : visite guidée

faisabilité d’une véloroute

velorouteCPDans le cadre d’un stage en urbanisme, Maxime Powell a réalisé cette étude de faisabilité d’une véloroute longeant la voie ferrée du Canadien Pacifique sur 3,5 kilomètres à la limite ouest du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Un beau projet qui aborde d’une manière concrète les conditions de réalisation de cette voie cyclable « naturelle » qui pourrait, éventuellement, relier plusieurs quartiers centraux de Montréal, sans contact (ou presque) avec le traffic automobile. Enfin c’est ce que je défendais, il y a douze ans, dans ce document animé. Cette portion, imaginée par Maxime, viendrait lier la piste de la rue Notre-Dame et celle de la rue Rachel jusqu’à joindre le tronçon Des Carrières qui longe déjà la voie ferrée dans Rosemont.

Si cette étude répond à la question de la faisabilité technique et des coûts liés à l’aménagement et la protection d’un tel espace, les enjeux politiques et organisationnels restent à éclaircir : par quels moyens peut-on agir, faire pression sur cet « État dans l’État » qu’est le Canadien Pacifique ? Où sont les intérêts des arrondissements de Montréal ? Et le ministère du transport du Québec ? J’ai l’impression qu’il faudrait plusieurs stages en science politique pour mettre au clair les intérêts stratégiques des acteurs impliqués… trouver les effets de levier potentiels pour faire bouger ces mastodontes !

Merci Maxime pour ce travail. Il est intéressant que les acteurs locaux (Caisse Desjardins et SDC Ontario) aient appuyé ce projet ! Il me fait plaisir de déposer ici ce document pdf (17 Mo, 49 pages), avec la permission de l’auteur, pour le rendre accessible à tous. (on accède aussi au document en cliquant sur l’image plus haut)

Ici quelques images 3D réalisées par Maxime, et des photos prises par moi à partir du viaduc au dessus de la voix ferrée, pointant vers l’édifice en hauteur rendu en 3D…

reconnaitre la valeur publique

Recognizing Public Value, par Mark H. MooreC’est le titre du dernier livre de Mark H. Moore, Recognizing Public Value. L’auteur qui a, dès 1995, défendu (introduit ?) la création de valeur publique comme stratégie alternative au New Public Management qui sévissait déjà.

Je tente ici d’esquisser (bien subjectivement) le propos d’un livre (450 pages) qui présente 7 cas de transformation de la mise en valeur, de la définition de l’action publique. Il s’agit du département de police de New York, de la ville de Washington D.C. au complet, du département du revenu du Minnesota, d’un programme de « welfare-to-work » de l’Illinois, de la mobilisation de Seattle autour de la gestion de ses déchets, d’un tableau de bord pour le progrès de l’Oregon et du département des services sociaux du Massachusetts. À travers ces exemples, l’auteur développe ses concepts et outils, dont le compte de valeur publique (public value account) et des  fiches de suivi (scorecards) pour les pôles ou perspectives de la légitimation et des opérations (voir les fiches numérisées à la fin). Ces trois pôles correspondant au triangle stratégique de la création de la valeur publique. (Voir B. Lévesque, dont je tire le paragraphe et le graphique suivants).

Triangle stratégique valeur, Moore

Le triangle stratégique de la valeur publique selon Moore s’appuie sur trois préoccupations qui doivent s’imposer aux dirigeants politiques et aux gestionnaires des services publics. En premier lieu, la définition de la valeur publique, soit concrètement la clarification des objectifs et des finalités des services qui doivent inclure la production de valeur non seulement pour les individus directement touchés mais aussi pour les communautés concernées, ce qui suppose de faire le lien entre l’usager et le citoyen et de faire appel à la délibération puisque la valeur publique est plurielle et qu’elle n’est jamais définie une fois pour toutes. Le gestionnaire public (public servant) joue un rôle important pour faire que cette préoccupation de la valeur publique soit effectivement prise en compte pour la production et la livraison des services publics. En deuxième lieu, la préoccupation pour la valeur publique ne peut se réaliser sans un environnement autorisé et légitime puisqu’il faut à la fois le support des autorités publiques et la construction d’une coalition des parties prenantes (usagers, communautés, secteur privé, secteur public, secteur associatif) aux intérêts diversifiés. En troisième lieu, la capacité opérationnelle de construction de biens et de services s’impose, ce qui renvoie à la faisabilité en termes de mobilisation des ressources opérationnelles (financières, personnelles, de compétences, technologiques) à l’intérieur et à l’extérieur des organisations nécessaires pour obtenir les résultats, y compris sur le plan de la valeur publique. À nouveau, la fonction publique joue un rôle important pour favoriser l’alignement de ces trois préoccupations dans la mise en œuvre. Continuer la lecture de « reconnaitre la valeur publique »

il y a gouvernance et gouvernance

Rejeter toute gouvernance comme la manifestation d’un management totalitaire conduit vite à rejeter toute préoccupation relative à la gestion de la chose publique : « il faut éviter de se perdre dans la gestion, dans la «gouvernance» », dit Louis Favreau, en recommandant ce pamphlet.

Il y a de la gouvernance de droite comme il y a des managements de droite. Définir la gouvernance comme le management totalitaire, comme le défend, cinquante fois plutôt qu’une, le petit livre éponyme d’Alain Deneault, c’est refuser les possibilités ouvertes par la gouvernance démocratique (collaborative, partenariale dit Benoît Lévesque) — en demandant, implicitement, le renforcement du pouvoir public. Mais avoir plus de pouvoir public sans les outils et les attitudes de la gouvernance démocratique (respect et écoute de la clientèle, de la citoyenneté; ouverture à l’innovation et à la collaboration), c’est revenir à l’autorité bureaucratique et insensible qui a fait le terreau de la tant décriée nouvelle gestion publique.

Ce que je retiens tout de même de la critique de Deneault c’est que malgré des intentions louables, officiellement d’intérêt public, les mécanismes de la gouvernance ordinaire peuvent vite se replier sur les intérêts immédiats ou appréhendés des acteurs en présence, laissant de côté ou pour plus tard l’intérêt de la collectivité dans son ensemble. Une gouvernance démocratique rapprochera le « peuple » de ses institutions en accroissant son pouvoir de définir les objectifs qu’elles poursuivent et les valeurs qu’elles incarnent. Alors que pour Deneault, la gouvenance vise à « mettre les peuples encore plus hors de portée de structures publiques par lesquelles ils pourraient chercher à constituer souverainement leur subjectivité historique ». Car, tout le monde le sait, une « structure publique » c’est par essence, démocrate, accessible, équitable, juste…

La gouvernance n’est pas une recette miracle, pas plus qu’elle n’est un poison diabolique. Pour contrer la polysémie du vocable il vaudra mieux le qualifier. C’est ce que fait Benoît Lévesque, dans son texte sur la nouvelle valeur publique comme alternative à la nouvelle gestion publique.

Gouvernance collaborative, partagée, partenariale… ce sont les termes souvent utilisés pour décrire les relations que développent les institutions publiques avec leurs partenaires (communautaires et privés) et aussi leurs clientèles et les représentants citoyens. Oui, il y a bien d’autres utilisations de ce concept de gouvernance, dont certaines peuvent être critiquées parce qu’elles servent à justifier l’influence des intérêts privés sur la gestion de la chose publique. Alain Deneault en énumère une cinquantaine de ces utilisations « totalitaires » dans son petit pamphlet Gouvernance, le management totalitaire. Son parti-pris « critique » l’empêche cependant de voir les usages progressistes et démocratiques de ce concept, que ce soit pour décrire les relations de partenariat entre acteurs locaux desservant une même population, ou les processus méta-organisationnels permettant de définir l’orientation et les valeurs de l’action publique ou collective.

Pourtant Favreau, dans le texte déjà cité, invite à « ne pas s’en tenir à la défense de valeurs ». Mais si l’on veut, justement, que ces valeurs touchent et transforment les pratiques des institutions, professionnels, organisations comme les comportements des citoyens, il ne faut avoir peur ni de la gouvernance, ni de la gestion publique. Formuler des politiques, même sur la scène internationale, ne suffit pas.

le manuel « maître » des résidences privées

Manuel d’application du règlement sur les résidences pour ainés

Le ministère vient de publier le Manuel d’application du Règlement sur les conditions d’obtention d’un certificat de conformité et les normes d’exploitation d’une résidence privée pour aînés – DOCUMENT MAÎTRE

140 pages, dont la moitié pour les 19 annexes, dont plusieurs décrivent les registres qui devront être établis et tenus à jour par les résidences (dates et lieux de formation des préposés, services offerts par la résidence et acceptés par chaque résident…). En voyant la liste des accords donnés pour transmission d’informations personnelles, et pour réception de services divers au moment de signer le bail, on se demande si les locataires ne devront pas dorénavant se faire accompagner d’un avocat !

Un manuel exigeant pour les résidences privées, mais aussi pour les CSSS, qui devront s’engager à donner des services complémentaires à ceux des résidences, accessibles rapidement. Sans doute plusieurs résidences ont déjà des ententes formelles et informelles, leurs résidents étant déjà souvent usagers des services à domicile des CSSS. Mais les contraintes administratives pèseront  plus lourd sur les petites résidences. L’application d’une telle règlementation assurera une qualité minimale, mais aura des conséquences couteuses pour les résidents.

L’obligation de signer des ententes formelles avec chaque résidence pourrait être l’occasion de préciser, affiner l’articulation entre l’offre de services publics et celle des résidences privées. Jusqu’où les CSSS soutiendront-ils cette période critique, en facilitant les acquisitions de compétences, les formations ad-hoc, le développement d’une offre de services de qualité dans les résidences de leur territoire ? La négociation des ententes se fera-t-elle sous le seul angle du rationnement, donnant à chaque résident une part équitable de ressources publiques rares de soins infirmiers… ou si on fera aussi la promotion de pratiques souhaitables (nutrition, loisir et socialisation, santé mentale, santé physique, prévention…) ? Peut-être la position initiale du CSSS ne doit-elle pas être vue comme seulement pourvoyeur de services mais aussi comme animateur d’un réseau : soutenir les échanges d’information et apprentissages entre partenaires; les résidences, pharmacies, associations d’ainés, cabinets médicaux sont tous des partenaires de ce réseau local; et les familles de ces ainés hébergés… où sont-elles dans ce réseau ?

perturbateurs endocriniens

Une réflexion stimulée récemment par la parution de ce rapport sur les perturbateurs endocriniens. Les risques à long terme liés à l’utilisation à grande échelle de produits chimiques à effets endocriniens sont encore peu étudiés et compris.

disruptorLe Global assessment of the state-of-the-science of endocrine disruptors. Pour voir la méthodologie utilisée.

Évidemment lorsqu’on permet au tout venant d’inventer des formules et des produits chimiques interactifs, ayant un effet sur les systèmes endocriniens et reproductifs des êtres vivants (humains, animaux, végétaux ?), sans même être obligé d’en décrire les composantes… on peut s’attendre à quelques ratés.

Il faudrait standardiser, sécuriser les contenants, enveloppes et autres supports physicochimiques de distribution de masse. Ce serait réduire le risque, mais probablement augmenter le coût… À moins que la standardisation n’implique une réduction drastique du coût de remplacement de la méthode « non standard ». Par ailleurs, standardiser aujourd’hui en établissant des normes minima revient à réduire le champ de l’innovation au nom de la réduction des risques. Comme on a interdit les produits à base de plomb… même si ce matériau avait d’excellentes qualités plastiques et chimiques.

Un principe de précaution nous ferait réduire la vitesse* à laquelle de nouveaux produits chimiques sont proposés et distribués globalement. Tout en consacrant un effort important à soutenir la circulation des produits en fournissant une liste de supports compétents chimiquement acceptables. Établir des recettes, des procédés industriels jugés acceptables implique qu’on puisse en vérifier l’application sur le terrain. Un ou des corps de contrôle aptes à punir les contrevenants et les pressions mafieuses. Des corps de certification reconnaissant à des organisations industrielles la compétence de produire certaines matières synthétiques en certaines quantités.

* Réduire la vitesse, c’est presqu’aussi sacrilège que de parler de réduction de la croissance !

Mais on parle de centaines de milliers de produits chimiques actuellement sur le marché. Dont on n’a pu évaluer la toxicité que de la pointe de l’iceberg. Faudra-t-il « oublier » la partie immergée de l’iceberg ? Ou ne faut-il pas plutôt la réduire… à la moitié, au tiers, au cinquième de ce qu’elle est actuellement ? Ce qui serait normal et attendu d’un processus de standardisation, qui choisit le composant chimique le plus sûr et accessible pour atteindre un ensemble de fins.

Mais ce n’est pas ce que propose le rapport sur l’état de la science des perturbateurs endocriniens : plus d’études, des données plus fiables… le refrain habituel, quoi. Pourtant, même une faible évidence (weak evidence) est une évidence, non ? Et si l’effet négatif sur la santé des humains n’est pas aussi évident que sur la faune et les écosystèmes naturels (wildlife), c’est sans doute que la « vie sauvage » est plus fragile, plus diversifiée que celle dans les cités humaines… où l’intensité des interactions biochimiques liée aux plastiques et autres produits synthétiques est en partie masquée par un système immunitaire déjà assailli par la seule densité populationnelle.

« the incidence of cryptorchidism and hypospadias may show similar geographic variations to the incidence of testicular cancer.

Worldwide, despite large expenditures of money, time, and effort, comparable data sets for assessing exposures to EDCs for humans or wildlife are not available.

Although it is clear that certain environmental chemicals can interfere with normal hormonal processes, there is weak evidence that human health has been adversely affected by exposure to endocrine active chemicals.

[L]aboratory animal studies have indicated that early life stages may be especially sensitive to the effects of EDCs (…) the evidence that wildlife have been affected adversely by exposures to EDCs is extensive. » Extraits du rapport Global assessment…