Pendant le diner lors du colloque du RQOH (voir billets précédents), en attendant que le ministre de la santé vienne faire son petit tour, la question de la certification des OBNL d’habitation pour ainés est venue sur la table. Jusqu’où fallait-il diminuer les critères et exigences imposées aux milieux de vie et habitations collectives désignées (ou certifiées) par l’appellation « résidence pour ainés » — pour ce qui est des OBNL ?
La responsable d’une telle OBNL, qui avait obtenu la certification, considérait qu’il ne fallait pas trop diminuer ces critères, dans l’intérêt et pour la protection des personnes âgées. Son organisme comprenait un certain nombre de places de CHSLD, ayant intégré si j’ai bien compris dans leur ensemble d’habitations un CHSLD conventionné. Ce qui peut expliquer que leur organisme n’ait pas eu de difficulté à se soumettre aux critères actuels de certification.
Mais pour les OBNL d’habitations pour ainés qui n’ont pas cette vocation (et le financement qui vient avec) de CHSLD, faut-il défendre une reconnaissance de ces milieux avec des exigences minimales ? Ou ne vaudrait-il pas mieux d’exiger un financement adéquat pour soutenir des exigences de service qui soient plus élevées ? Déjà les résidences privées qui offrent des services à des personnes en perte relative d’autonomie utilisent largement le crédit d’impôt pour maintien à domicile d’une personne de 70 ans ou plus. Les OBNL répliquent que leurs clientèles peuvent aussi obtenir un tel crédit remboursable… tout en affirmant que l’autonomie de leurs clients n’exige pas de services tels la surveillance 24h… Ce qui est probablement vrai pour la plupart des OBNL. Mais qu’en sera-t-il dans 5 ans ? Dans deux ans, lorsque Mme X. deviendra plus fragile ? Faudra-t-il la « mettre à la porte », ou la mettre en danger, parce qu’on se refuse à offrir des services « qui relèvent du secteur public » ?
Le problème se pose pour la transition d’un milieu où tous sont autonomes vers un milieu où une partie croissante de la clientèle a des besoins « légers » : surveillance, accompagnement, alimentation… Le problème se pose pour les populations qui n’ont pas ou peu de moyens de se payer de tels services — une population qui est justement celle qui est le plus souvent visée par les projets d’OBNL. Le fameux crédit d’impôt pour le maintien à domicile, qu’utilisent largement les personnes en résidence privée, est un moyen mal adapté aux personnes à faible revenu : ne remboursant que 30% de la dépense admissible, il oblige une contribution de 70% qui n’est pas à la portée de toutes les bourses. Pourquoi le RQOH ne demande-t-il pas que ce crédit soit rendu « à taux progressif »(remboursant une plus grande portion de la dépense lorsque le revenu est plus faible) ? Un tel levier permettrait d’offrir plus facilement les services requis par l’évolution des besoins d’une clientèle vieillissante. Sans pour autant que de tels services empiètent sur les responsabilités du réseau public de santé.
La surveillance (y compris de la médication), l’accompagnement dans les démarches et les transports, le soutien à l’alimentation, l’animation et l’information ne sont pas des soins de santé mais ce sont des services qui contribuent grandement au maintien de la santé et de l’autonomie. Il faut éviter de « médicaliser » les milieux de vie et protéger la liberté et l’autonomie des personnes résidant dans les ensembles d’habitations gérés par les OBNL, et respecter, tenir compte des processus et structures collectifs caractéristiques d’une l’OBNL. Le programme cadre de soutien communautaire en logement social reconnait une partie de ces besoins en accompagnement et animation, mais de l’avis même du RQOH, le financement disponible ne couvre les besoins que de manière très partielle et incomplète.
Si le crédit d’impôt devenait modulé en fonction du revenu, la réponse aux besoins des locataires serait facilitée, la demande serait « solvabilisée »… Mais comme le crédit est remboursé à l’individu, et non à l’organisme, il faut encore « vendre » le service, convaincre le locataire à payer sa part (même si elle n’est plus que de 25%) ou inclure le service dans le prix au moment de son arrivée en place. Le programme de soutien communautaire continue d’être nécessaire, en particulier pour le démarrage et les très petites OBNL. Dans la mesure où l’assiette de services s’élargie avec le nombre de résidents et le vieillissement, le crédit d’impôt gradué prend une place plus importante dans le financement du service.
Idéalement les services offerts par une OBNL pourraient s’ouvrir sur le milieu et rejoindre les personnes des alentours (repas à domicile, liens sociaux et invitation aux activités éducatives et de loisir, transport…). Il y a encore beaucoup à inventer… et les OBNL d’habitation pour ainés doivent s’équiper pour cela. Le RQOH doit les aider en exigeant un programme de crédit d’impôt plus équitable : modulé selon le revenu.
Intéressant, Gilles, ce billet a des chances de se retrouver dans La Force des sages (AQDR) du 1er décembre.