La croissance c’est le passé. C’est fini. Ce qu’il faut c’est aménager la survie. Et la vie, si possible. La croissance du PIB, il faut en finir et évoluer vers un progrès véritable et compatible avec la préservation de la possibilité du bien vivre pour les générations à venir.
J’ai apprécié la synthèse des efforts déployés pour comprendre les limites des modes actuels dominants de mesure de la croissance, de la richesse, du progrès, de l’obligation que nous avons de miser sur autre chose que la croissance brute, aveugle et destructrice. Méda fait le tour de plusieurs réponses, tentatives de réponse à ce dilemme, le trilemme ((de Degryse et Pochet dans Pour en finir avec ce vieux monde. Les chemins de la transition)) : réduire le déficit public; investir dans l’infrastructure verte et préserver l’État-providence et les services publics((page 207, Mystique de la croissance)).
Pour conclure avec sa propre prescription pour une transition juste, telle que définie par la CSI((Confédération syndicale internationale)) et d’autres organisations internationales (PNUD((Programme des Nations Unies pour l’environnement)), OIE((Organisation internationale des employeurs)) ).
Produire de la qualité, et du durable, ça crée de l’emploi même si ça ne se traduit pas nécessairement par une productivité croissante. C’est d’ailleurs ce qu’il faut changer, viser à toujours plus de productivité, des coûts plus bas… au détriment de la qualité, de l’avenir de la planète.
Produire dans des secteurs nouveaux, intenses en emplois, en main-d’oeuvre qualifiée, et pauvres en matières polluantes, rares ou de piètre qualité. Il nous faudra une autre manière de mesurer le progrès que le PIB, une règle faisant état de la qualité de nos liens « care » à l’endroit de la nature. Un nouvel indicateur de progrès, plutôt que de croissance strictement économique. Un indicateur basé sur la santé sociale et la protection du patrimoine naturel.
Il faudra une mobilisation large, planifiée, évaluée, réfléchie. Mais comme le soulignent les lecteurs du Séminaire de sociologie (voir plus loin) il y a peu (ou pas du tout) de place pour la lutte des classes et des groupes sociaux… tout se passe comme s’il s’agissait essentiellement d’un débat d’idées, qui feront tomber les oppositions par leur propre magie de persuasion. Mais s’il faut « en venir aux mains », mieux vaut avoir les idées claires et un plan précis.
Un petit livre (300 pages petit format) dont on sort revigoré. Je termine ce billet avec quelques paragraphes tirés de la conclusion. Et des liens vers la discussion et les sources citées.
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« Si nous ne redistribuons pas massivement certaines des ressources des plus favorisés vers les moins favorisés, des sociétés riches vers les autres et, à l’intérieur de chaque société, si nous n’engageons pas un processus de profonde réduction des inégalités, nous ne parviendrons pas à convaincre les plus modestes de nos concitoyens d’échanger le surcroît de consommation contre de plus amples « capabilités d’épanouissement ». Ce serait leur proposer d’échanger la proie pour l’ombre.
« Tout se passe comme si l’acte de consommation permettait aux individus d’accéder à une double liberté. Liberté de choix, d’abord. Parmi une infinité de produits qui me sont proposés (…) je peux choisir celui qui me convient, celui qui reflète au plus profond ma personnalité, celui qui me permet d’exprimer authentiquement qui je suis. Et lors de l’acte d’achat, je peux de surcroît éprouver une seconde liberté, celle de manipuler librement de l’argent, équivalent universel, symbole indépassable de l’émancipation.
« Quelles seraient les actes ou les activités qui pourraient procurer le même sentiment de puissance, la même sensation d’émancipation, la même impression de liberté?» (p. 282-283)
« Au-delà d’une modernité échevelée, au cours de laquelle les humains ont cru qu’il pourraient se passer même de la nature, il nous faut sans doute renouer avec les idéaux et les valeurs du monde grec : le sens de la mesure, de la limite, de l’insertion savamment calculée de nos actes dans la nature; la capacité à imiter la nature, à respecter ses rythmes, à faire de l’autarcie une valeur, à produire au plus juste, et ce, sans les défauts du monde grec : l’esclavage, les femmes tenues pour quantité négligeable, la démocratie réduite à un tout petit nombre, l’Autre considéré comme barbare. La reconversion écologique, occasion de réacclimater le monde grec et ses magnifiques valeurs au cœur de la postmodernité ? Une occasion vraiment historique…» (p. 297)
Des commentaires sur La Mystique de la croissance, comment s’en libérer
- Séminaire de sociologies de l’EHESS
- Article de Libération
- Fondation de l’écologie politique
- Économie et spiritualité en yoga
Bibliographie partielle
- Prospérité sans croissance, par Tim Jackson, 2010
- La véritable richesse. Une économie du temps retrouvé, par Juliet Schor, 2013
- Le travail : la révolution nécessaire, Dominique Méda (PDF), 2010
- Pour en finir avec ce vieux monde. Les chemins de la transition, Coutrot et alii, 2011
- Redéfinir la prospérité. Jalons pour un débat public, Isabelle Cassiers et alii, 2011
- Le blog de Jean Gadrey, sur le site d’Alternatives économiques
- L’Idée même de richesse, Alain Caillé, 2012
- L’économie verte, un rapport du Programme des nations unies pour l’environnement, 2011
- Comptabilité et développement durable, Jacques Richard, 2012
- Approaching a state shift in Earth’s biosphere, Anthony D. Barnosky et al., 2012
-
Les nouveaux indicateurs de richesse, J. Gadrey et F. Jany-Catrice, 2012