Il me fallait écrire un article pour Nous.blogue (y sera publié le 5 avril). C’était (déjà !) mon tour d’y aller d’un couplet…
Et je suis pris (les deux bras jusqu’aux coudes) dans un processus particulier d’accompagnement d’un organisme local, lui-même aux prises avec des difficultés plutôt éloignées des débats théoriques. Pourtant j’ai trouvé appui dans la lecture de ce recueil Initiatives locales et lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Publié en 2011 sous la direction de Klein et Champagne, on y trouve de nombreuses descriptions de projets développés en, par différents milieux (urbains, ruraux, de banlieues), et aussi des essais de théorisation, de synthèse tirées de ces expériences toutes plus idiosyncrasiques les unes que les autres. Notamment la conclusion sous la plume de Jean-Marc Fontan et autres, intitulée Conditions de réussite des initiatives locales.
Ces conditions me parlent quand je regarde la situation d’un organisme plein de fougue et de créativité mises au service des plus pauvres et exclus de la communauté… mais qui doit, devra articuler son leadership individuel et organisationnel à celui de sa communauté, au leadership socioterritorial dans lequel il s’est développé historiquement. Ces trois niveaux de leadership se sont articulés pour favoriser l’émergence et la réussite des initiatives décrites dans le recueil cité.
De plus, ces initiatives ont su articuler différentes sources économiques (subventions publiques, économie sociale, bénévolat et dons) tout en apprenant collectivement à gérer les conflits (internes ou avec le milieu). Fontan parle et insiste sur l’importance de l’articulation aux pouvoirs (et programmes) publics et sur le caractère essentiel de l’économie sociale. Et sur la « construction d’une identité positive et d’un sentiment d’appartenance ». Si les frictions et tensions entre l’organisme local et les instances publiques font partie du nœud, l’économie sociale et le sentiment d’appartenance ne vont pas nécessairement résoudre ou trancher ce nœud. En fait, même si l’organisme fait quotidiennement dans l’économie sociale par son articulation fine des contributions salariées et bénévoles, publiques et privées dans les produits et services déployés, notamment en matière de logement, j’ai eu l’impression que la direction hésitait à se placer, s’identifier au terme « économie sociale ». Un jour peut-être ferons-nous la généalogie de cette dissonnance.
Et j’ai comme une certaine réticence quand on me parle du sentiment d’appartenance à développer chez les utilisateurs de l’aide « de dernier recours ». Peut-on appartenir à quelque chose qu’on souhaite quitter le plus vite possible ? Et si les clientèles ne souhaitent plus quitter, sortir de leur situation n’est-ce pas là la marque d’un échec dans la mission de l’organisme qui devrait aider les gens à sortir de la pauvreté ? Mais les choses ne sont pas si simples. On ne sort pas de la pauvreté comme on sort du métro. Il y a des gens pris dans des trappes, des cercles vicieux, des maladies… Il y a la culture de la pauvreté, les familles pauvres de mère en filles, de père en fils…
Le fil peut être coupant entre la pauvreté à long terme et celle, temporaire et conjoncturelle, dont on sort. Ceux qui s’en sortent peuvent en vouloir aux autres, vouloir se distinguer et accuser les autres de ne pas faire autant d’efforts que soi… Ceux qui ont connu la pauvreté ou l’ont côtoyée de près, ceux qui ont vécu, quoi, assez longtemps pour savoir que les choses ne sont pas noires et blanches, mais aussi que le noir et le blanc existent, ceux-là soutiennent l’effort collectif pour soulager la pauvreté.
Il y a une collectivité vivante autour de cette organisation. Une collectivité généreuse, industrieuse même, pour ce que j’ai pu en observer. Une collectivité où les tensions et interactions ne passent pas toujours par la délibération civilisée, où les actions ont plus de poids que les paroles, où le poids de la justice se mesure en kilos et en accès concret. Comme le disait Fontan dans sa conclusion, la gestion des conflits fait partie des apprentissages collectifs essentiels. Conflits internes et conflits entre partenaires qui sont aussi parfois des concurrents. Il faut renforcer – établir – le consensus autour du problème que la collectivité territoriale reconnaît être au cœur de la mission de l’organisation. Établir le consensus sur la manière d’agir, les stratégies de développement et les innovations portées par l’organisation. Sur la base de ce consensus, clarifier les partenariats locaux et sectoriels. Continuer la lecture de « Huit principes de gestion des communs »