C’est le chemin que je voulais parcourir, en passant d’un parvis d’église à l’autre sur cette rue Adam – dans le cadre des Promenades Jane Jacobs – où plusieurs lieux de culte ont été transformés en centres communautaires. Cliquez le lien ci-haut pour voir le détail du parcours de 3 km.
Il y a une filiation de la charité catholique traditionnelle vers le travail communautaire, le travail social auprès des démunis, des poqués de la société. La générosité et l’entraide, basées auparavant sur le sentiment d’appartenance à la même communauté religieuse et locale, générosité et entraide qui trouvaient à s’exprimer à travers des occasions et activités organisées par la paroisse ou une de ses nombreuses organisations de bienfaisance, ont migré, se sont transformées. L’ampleur des crises et l’enrichissement collectif de l’après-guerre ont amené l’établissement de programmes publics d’assurance et de soutien à la formation et la réinsertion des déplacés ou expulsés du marché du travail. Une intervention étatique qui arrivait à point nommé pour remplacer la ferveur chancelante de la charité catholique. Mais l’invention, sur le terrain, des modèles d’assistance et d’intervention profiteront de l’expertise et de l’engagement de plusieurs religieuses et religieux. Ils et elles ont été souvent des pionnières au coeur de plusieurs initiatives communautaires qui ont remplacé ou succédé aux anciennes soupes populaires et paniers de Noël.
Naturellement ces initiatives communautaires n’ont pas que remplacé la bienfaisance catholique, elles ont été portées et soutenues par des acteurs et des valeurs qui n’étaient pas que catholiques : démocratie, création, expression, liberté, autonomie, dignité, justice… Des valeurs portées par de nouvelles générations, croisées comme fers aux précédentes. Puis alliées entre elles contre la bêtise, la discrimination, le chauvinisme, l’égoïsme ou la bureaucratie…
Finalement je ne suis pas sûr que nous soyons passé de la charité à la solidarité. Il y a plutôt eu ajout, de solidarité à la charité, et des ajouts aussi de formes nouvelles de l’une et l’autre. Ce qui n’a pas empêché les frictions, les tensions d’être grandes lorsqu’il s’est agi de disposer d’un patrimoine collectif historique. Quelles levées de fonds a-t-il fallu faire pour racheter ou remodeler les lieux de culte désertés de Saint-Mathias et Saint-Barnabé ! Jusqu’où les fonds recueillis par la collectivité aujourd’hui doivent-ils être versés pour racheter à la Fabrique et l’Église ce qui a déjà été payé par la collectivité d’hier ? — plutôt que versé pour la transformation et la préservation du patrimoine ? Ces questions n’ont pas été faciles à résoudre, mais elles l’ont été, à l’évidence dans ces deux cas. Reste celui de l’église Saint-Clément… et de beaucoup d’autres sans doute ailleurs !
Il ne faut pas réduire la valeur historique de ces églises à leurs pierres et vitraux.
L’importance de l’investissement qui sera consenti pour acquérir et intégrer une ancienne église dans un projet collectif rehausse la dimension financière du projet mais ancre aussi sa dimension historique. Ce poids financier, nécessaire au changement de vocation du patrimoine bâti, devrait soutenir la construction symbolique du projet. Si le Resto Pop s’est développé pendant 20 ans avant de prendre possession de l’église Saint-Mathias, le CAP a pris racine dès son origine dans les locaux et les entrailles de la paroisse Saint-Barnabé.
L’ancien pensionnat pour jeunes filles, dirigé par les Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie (SNJM), est aujourd’hui devenu la Résidence Sainte-Émélie. Je découvre les archives de la congrégation de même que deux sites web consacrés à cette congrégation : snjm.org et snjm.qc.ca. Une bonne question posée par Soeur Janet Walton, dans un billet intitulé Les vieilles sages et le Chapitre général : Que pouvons-nous faire politiquement pour défier la domination du 1 %?
Je redécouvre aussi ce vieux site des Maisons anciennes de Maisonneuve. (site hors-ligne). Le lien direct vers les maisons de la rue Adam est plus rapide (déplacez-vous en cliquant sur le bouton « suivant » pour aller vers les maisons plus à l’est de la rue Adam). Les deux premières se situant l’ouest de la rue Pie-IX (4020 et 4073 rue Adam) et les autres plus à l’est. Vingt des 23 maisons sont situées entre 4677 (près de Sicard) et 4934 rue Adam (près de Viau). Au delà des églises, c’est la petite histoire de plusieurs belles demeures construites sur cette rue qu’on retrouve sur ce site.
Mais je termine ce billet en ayant l’impression de n’avoir qu’effleuré le sujet en titre… J’y reviendrai certainement d’autant que je viens de mettre la main sur ce dernier tome, tant attendu, de la série L’avènement de la démocratie de Marcel Gauchet, intitulé Le nouveau Monde : « Nous vivons la phase ultime de la « sortie de religion », la religion ne se résumant pas à la foi personnelle, comme nous la concevons aujourd’hui mais formant le principe organisateur des sociétés d’avant la nôtre. »
Et aussi, pour donner du corps à cette réflexion sur l’héritage laissé par l’action des communautés et personnes religieuses au coeur de plusieurs organisations communautaires, quelques titres pertinents trouvés à la Librairie Paulines : Et jamais l’huile ne tarit, de Gregory Baum; Entre Concile et révolution tranquille, l’histoire centenaire des Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie racontée par Dominique Laperle; et puis L’aventure fraternelle des Capucins à Hull, de 1967 à 2014.
Excellent billet mon cher Gilles. Je pense que nous avons besoin en ce temps de rupture de mettre l’accent sur les continuités plutôt que les ruptures dans l’histoire de l’action collective au Québec. Un bon exemple. Je me permets d’ajouter à ta liste de lecture l’excellent ouvrage de Lucia Ferretti (1992), Entre voisins. La société paroissiale en milieu urbain. Saint-Pierre-Apôtre de Montréal, 1848-1930, Boréal.
Merci René, je vais certainement jeter un oeil à cette publication. De même que je compte rencontrer quelques personnes qui ont encore en mémoire les acteurs et mouvements qui ont marqué ces décennies de changement.