Démantèlement tranquille

démentèlementJ’ai appris hier seulement la parution, au début du mois, de ce petit livre collectif : Démantèlement tranquille, le Québec à la croisée des chemins, rassemblant les plumes de plusieurs auteurs sous la direction de Steve E. Fortin. J’ai dévoré ce livre en extrayant quelques paragraphes pour vous. Des textes courts, qui rappellent les grands enjeux qui ont brassé les dernières années (et décennies) : les CPE, l’éducation primaire-secondaire, l’agriculture et les régions… Ça fait du bien de se rappeler les principes et motivations qui ont orienté nos choix passés, et aussi de revoir, parfois dans le détail avec le témoignage d’acteurs de premier plan, les sinuosités, pour ne pas dire les contradictions, des choix et décisions des derniers 15 ans de néo-libéralisme. Comme disait, en conclusion de son texte, le toujours pétulant Gérald Larose : Vous avez aimé Couillard ? Vous adorerez Legault. À noter que je n’ai pas des extraits de tous les textes… Il y a 18 auteurs en tout (voir la couverture).  Seulement 13,99$ en format numérique!

Débattre, Marie-France Bazzo

Je crains pour le bien commun. Je m’inquiète pour la survie du modèle québécois, démantelé en notre nom, mais sans jamais que sa pertinence ait été discutée sur la place publique.

Petite Enfance, Camil Bouchard

Désormais, [2014] les promoteurs-parents-bénévoles d’un nouveau CPE n’auraient plus droit à une subvention couvrant 100 % des investissements requis pour la construction de nouvelles installations, mais à 50 %. Aux parents des conseils d’administration de se débrouiller pour trouver les 50 % manquants. Résultat : nette accélération des places créées en garderies commerciales et ralentissement marqué de nouvelles places en CPE.

Et puis, ô miracle, 2018 : élections en vue. Le nouveau ministre de la Famille, Luc Fortin, annonce que désormais on n’exigera des promoteurs de CPE que 25 % des fonds requis pour les infrastructures, plutôt que 50 %, et qu’on reviendra à un financement complet dans les milieux défavorisés, en régions-ressources et dans les milieux autochtones.

Politiques sociales, Roméo Bouchard

5 piliers de la révolution tranquille : l’État; le français; la laïcité; la solidarité sociale; le Québec Inc.

« l’absence de véritables gouvernements territoriaux autonomes fait toujours tragiquement défaut ». [Gilles:] La manière dont est traitée la ville de Toronto par FORD est un rappel fort du peu de poids des municipalités et « gouvernements de proximité » dans la constitution actuelle.

Enjeux féministes, Marilyse Hamelin

[P]ourquoi diable un soudeur devrait-il absolument gagner le double du salaire d’une éducatrice en garderie ?

Le temps est venu de rééquilibrer les rôles parentaux et de valoriser des domaines d’emploi largement occupés par les femmes, ceux du soin à autrui. Ça, ce serait un véritable bond en avant.

Écologie, Karel Mayrand

[L]es Québécois dépensent 43 milliards de dollars par année pour le réseau routier, les véhicules et l’essence.

Pourtant, le Québec produit des trains, des rames de métro, des autobus et de l’électricité.

[C]ôté des ménages, les transports accaparent aujourd’hui plus de 20 % du revenu disponible, soit plus que l’alimentation (14 %) et à peine moins que l’habitation (24 %).

[B]ien que le nombre de véhicules vendus au Québec n’ait progressé que de 8 % en dix ans, la valeur des ventes a progressé de 44 %.

[O]utils de gestion de la demande à travers une tarification dynamique et le développement de solutions qui visent à optimiser l’usage des infrastructures existantes.

Économie, Ianik Marcil

L’intervention étatique s’oppose à la liberté individuelle : il s’agit là du socle fondamental de la droite économique.

Ne reste qu’une vision de la société atomisée, individualiste, à court terme et utilitariste alors que le Québec économique moderne a été fondé sur un idéal de développement économique conjoint entre l’État, l’entreprise privée et la société civile.

Éducation, Claude Lessard

La place du réseau scolaire privé: Le Québec est sur ce plan le champion incontesté de l’Amérique du Nord, en grande partie parce que l’État québécois soutient financièrement les écoles privées.

On pourrait aussi financer [les écoles privées] à 100 % et ainsi les intégrer au système public. Si l’on conserve le privé, il faudrait sérieusement s’atteler à définir ce que signifie sa complémentarité avec le public.

Agriculture, Claire Bolduc

Puisque la seule recherche de la croissance économique, qui inspire le plus souvent les grands décideurs et nos gouvernements, n’a pas réglé et ne peut pas régler les problèmes qui confrontent le monde rural et notre société en général, nous devons favoriser une approche territoriale du développement où priment les intérêts et les enjeux des territoires et des communautés humaines qui y sont implantées.

Politiques, Gérald Larose

Il ne s’est jamais agi d’assainir les finances publiques. Elles n’étaient pas malsaines.

Dès leur arrivée en 2003, les libéraux ont accaparé les surplus des CPE sous prétexte que c’était l’argent de l’État, empêchant ainsi tout développement futur.

[L]es baisses successives d’impôt des deux dernières décennies le privaient (l’Etat) de plus de 11 milliards de dollars annuellement.

Le modèle québécois, lui, se configure autour de trois éléments piliers : 1) une société civile organisée et mobilisée ; 2) des hommes et des femmes politiques qui ont des idéaux et qui croient au rôle de la puissance publique pour atteindre des objectifs de société ; 3) des mécanismes de dialogue social (des instances ou des institutions), de concertation, de coconstruction ou de coproduction de politiques ou de services

Dans cette idéologie, en dépit de ce qu’ils racontent, l’austérité n’est pas une traversée du désert ou un mauvais moment à passer. C’est une arme pour façonner un nouvel habitus culturel.

S’attaquant à l’État, méprisant la société civile et reléguant l’appartenance nationale à un choix individuel, les néoconservateurs et néolibéraux discréditent la vie politique et gangrènent la démocratie.

 

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