un optimiste du climat

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How to be a climate optimist, par Chris Turner

Un auteur canadien vivant à Calgary, Chris Turner collectionne les bons coups, les avancées technologiques et politiques (dont plusieurs canadiennes) qui lui permettent d’être encore « optimiste » face à l’avenir climatique. La qualité de son travail lui a valu de gagner le prix Shaughnessy Cohen 1Pour une œuvre politique, décerné par la Société d’encouragement aux écrivains canadiens, est attribué à l’auteur d’un ouvrage non romanesque qui traite d’un sujet politique et qui éveille l’intérêt des lecteurs canadiens tout en approfondissant leurs connaissances sur ce sujet..

Il n’est pas seul à être optimiste, Jon Palais, dans son livre La bataille du siècle sur lequel je reviendrai bientôt, disait « il faut toujours combattre le défaitisme structurel qui est resté très fort dans le milieu politisé et militant écologiste. Il y a une tendance à l’autoflagellation, aux discours pessimistes, aux récits selon lesquels tout est déjà perdu, qui explique une part significative du niveau encore trop faible de notre rapport de force. Le défaitisme est la première condition pour garantir une défaite. » Et aussi « « Il faut allier le pessimisme de la raison à l’optimisme de la volonté », écrivait Antonio Gramsci. Mais il y a aussi un optimisme de la raison. En quoi la transformation de notre société à partir d’alternatives déjà existantes serait-elle moins faisable que d’autres prouesses dont nous avons été capables ces dernières décennies ? Comment s’imaginer incapables d’organiser des villes sans voitures alors qu’on a été capables d’envoyer des hommes marcher sur la Lune ? »  (je souligne).2Mariana Mazzucato, dans son livre Mission Economy est aussi une optimiste qui fait appel à l’esprit du projet Apollo sans que ses arguments soient tout à fait convaincants

Mais revenons à Turner dont la prose engageante nous fait voyager, en tant qu’enfant d’une famille de militaire puis en tant que reporter pour visiter le siège social de Unilever en Allemagne ou encore diverses initiatives autochtones canadiennes en matière d’énergie photovoltaïque. Il me fait découvrir cette compagnie montréalaise dcbel, qui permet de transformer son véhicule électrique en génératrice d’appoint en cas de panne du réseau, ou encore le fait que la Colombie Britannique a adopté un code du bâtiment ( le British Columbia’s pioneering Energy Step Code) visant à faire que chaque (nouvelle ?) maison soit « net zéro » en 2032. Il raconte avec verve les origines et l’impact qu’a eu le projet Energiewende (transition énergétique) en Allemagne. Nous allons visiter une petite île danoise qui expérimente un réseau électrique intelligent…

Turner se fait le chantre d’un optimisme quasi euphorique (« What I mean is dammit this transition has to be optimistic. It has to have some excitement to it, at least a little exuberance, the promise of euphoria » p. 255). C’est probablement plus attrayant en tant que conférencier. Je suis même d’accord avec lui quand il affirme « The global energy transition has to be not a flight from danger but a march, even a race, toward a better world (…) People, masses of them, don’t build something much better in panic and terror. » (pp. 252, 255). Il est tellement optimiste que, d’après lui le scénario d’augmentation de la température à 2,50C est le pire qui puisse arriver ! (the 2.5°C scenarios now strike me as verging on the worst case.) Cet optimisme de principe vise à amadouer le quidam qui, on le sait, a plus peur de perdre maintenant qu’envie de gagner plus tard. Comme dit si bien l’adage : « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». Mais le parti pris technophile de Turner est un peu trop insistant et facile. Très peu de remise en question du tout pour l’auto, même si sa couverture positive des villes plus denses et complètes (quartiers de 15 minutes) et ses références incidentes à la bicyclette pourraient ouvrir à une telle critique. Restons positifs, tel semble être le motif, la stratégie principale : pour compenser les discours trop défaitistes, sans solution. C’est d’ailleurs la principale critique qu’il adresse à Wallace-Wells et son The Uninhabitable Earth, qui disent qu’il faut changer de paradigme, freiner la consommation, réduire la dépense énergétique : on ne répond pas au Comment ! Comment faire pour changer de paradigme. Les discours s’arrêtent le plus souvent au constat, à la liste des catastrophes actuelles ou attendues, avec souvent comme sous-texte qu’il est (presque) trop tard. Autrement dit on est toujours positif sauf quand il s’agit des environnementalistes à qui il réserve ses pires critiques.

L’auteur raconte avec enthousiasme la construction d’une nouvelle usine d’aluminium au Lac St-Jean3et avec autant d’enthousiasme l’arrivée des F150 électriques qui auront besoin de beaucoup de cet aluminium avec un nouveau procédé plus propre en oubliant d’inclure dans le portrait les dégâts que causent l’extraction de l’alumine (alumina)en provenance de l’Amazonie ! (De quelle couleur est votre aluminium ? En anglais)

On ne peut pas dire que la dimension humaine ou politique soit absente de son essai, c’est même une des parties les plus intéressantes : quand il parle des initiatives autochtones en matière d’énergie photovoltaïque… Mais la solution ne viendra pas de l’ONU, dit-il en tête de chapitre. Il faudra encore des Walmart et des Siemens dans le monde de demain. Pour répondre aux besoins quotidiens des gens autant que pour les déplacer dans les trains du futur…

L’égoïsme, les comportements inadmissibles des minorités riches et des corporations aveugles ? On ne les rencontre pas dans cette hagiographie4Des histoires de saints des innovateurs, des technologies prometteuses, des projets expérimentaux et des miracles nécessaires…

C’est vrai, on ne construit pas un monde meilleur dans la précipitation, encore moins dans un état de panique. Et qu’on n’attire pas les abeilles avec du vinaigre. Mais je ne peux m’empêcher, en terminant ce livre primé comme le « meilleur essai politique canadien », d’avoir un arrière goût d’aluminium dans la bouche. Oui le chemin parcouru au cours des dix ou vingt dernières années est fantastique, surtout quand on se centre, pour les besoins de la démonstration, sur certains aspects de la réalité : les avancées technologiques, les changements rapides d’attitudes…

Mais la rapidité avec laquelle les changements climatiques additionnent les catastrophes, les précédents, les points de bascule potentiels devrait nous inviter à la prudence dans notre optimisme. L’optimisme euphorique dans ce contexte confine à l’inconscience et au déni confortable du repu.

Turner propose une longue citation d’une scientifique (Katharine Hayhoe), où elle souligne que l’information qui a eu le plus d’impact dans ses communications sur le climat est d’avoir dévoilé qu’elle est Chrétienne. La science n’est pas suffisante, c’est l’identification avec le porteur de nouvelles qui pèse, comme on a pu s’en apercevoir pendant la pandémie. L’argument scientifique, la logique et la raison n’ont que peu de poids devant l’habitude, l’intérêt personnel immédiat et le conformisme.

La politique est un rapport de force, c’est ce que n’oublie jamais Jon Palais, dans La bataille du siècle, qui sera l’objet de mon prochain billet.

Notes

  • 1
    Pour une œuvre politique, décerné par la Société d’encouragement aux écrivains canadiens, est attribué à l’auteur d’un ouvrage non romanesque qui traite d’un sujet politique et qui éveille l’intérêt des lecteurs canadiens tout en approfondissant leurs connaissances sur ce sujet.
  • 2
    Mariana Mazzucato, dans son livre Mission Economy est aussi une optimiste qui fait appel à l’esprit du projet Apollo sans que ses arguments soient tout à fait convaincants
  • 3
    et avec autant d’enthousiasme l’arrivée des F150 électriques qui auront besoin de beaucoup de cet aluminium
  • 4
    Des histoires de saints

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