ça dort au gaz, à la CAQ

L’Hydro-Québec de la CAQ invite les industries gourmandes en électricité, mais incite les villes à se brancher au gaz !

La ville de Saint-Bruno-de-Montarville a sans doute de bonnes raisons pour expérimenter des solutions qui assureraient la résilience en cas de crise climatique : plusieurs se rappellent de la longue, très longue crise du verglas de 1998.

Et la géothermie ? Pourquoi HQ n’incite pas plutôt à installer et expérimenter des solutions de géothermie qui joueraient le rôle du gaz pendant les pointes hivernales et estivales… et, associées à des capacités de stockage locales, pourraient doublement servir en pointe ?

Je suis sidéré de voir qu’on peut faire sortir de terre des quartiers complets (Angus, Griffintown…) alors qu’on creuse profondément le sol pour y couler les fondations d’édifices en hauteur (pour Griffintown en tout cas) et qu’on ne profite pas de l’occasion pour installer des systèmes autonomes de géothermie qui serviraient à rafraichir l’été et chauffer l’hiver, et cela en diminuant la demande faite au système central d’HQ. La solution promue par cette dernière est plutôt de dire aux villes de se brancher sur le gaz, afin de réduire la demande de pointe sur le système. Sans doute parce que l’électricité ainsi épargnée peut être alors vendue plus chère aux clients commerciaux ou internationaux ?

C’est en lisant un article de La Presse : 700 logements avec vue sur un poste électrique sur Berri que cette idée m’est revenue. Je l’avais tiré de ma lecture (énergie propre et patrimoine) des mémoires déposés lors de la consultation estivale faite par le gouvernement de la CAQ sur l’encadrement et le développement des énergies propres au Québec.

Comment se fait-il que les grands projets de développement immobiliers n’ont pas encore adopté la géothermie (associée à des mesures de stockage local) comme source écologique d’énergie ? Parce que les tarifs résidentiels pratiqués actuellement ne justifient pas de tels investissements. Ni pour Hydro-Québec, ni pour les constructeurs. Pourtant, comme plusieurs le suggèrent, si la production décentralisée (municipalités, coopératives) était favorisée, avec des mesures de stockage et d’échange bi-directionnel permettant de diminuer la pression de pointe sur le système (par exemple en permettant d’utiliser la batterie des autos électriques ou les accumulateurs d’ensembles résidentiels) c’est la productivité de l’ensemble qui y gagnerait. 

énergie propre et patrimoine, Gilles en vrac…, 2023.09.03

Il n’est pas besoin de changer les tarifs résidentiels seulement d’inclure l’investissement nécessaire dans la facture globale des infrastructures de HQ. Un tel investissement est rentable en ce qu’il permet de réduire la demande de pointe, comme le soulignait le mémoire du Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement déposé aux consultations de l’été dernier.

[A]u vu de la nécessité d’électrification de notre société, il est clair que ces mesures portant sur la consommation ne seront pas suffisantes et qu’il faut également déployer des mesures portant sur l’appel de puissance.

Concernant le chauffage résidentiel, il est important de rappeler que les mesures de sobriété et d’efficacité énergétiques, dont notamment la rénovation thermique, auront directement pour effet de réduire l’appel de puissance lors des pointes. En parallèle, les développements des thermopompes, des accumulateurs de chaleur et de la géothermie doivent être priorisés et systématiquement évalués pour les nouveaux bâtiments. Concernant les véhicules électriques, ils offrent une grande possibilité de déplacer l’appel de puissance en dehors des pointes et pourraient également contribuer à fournir de l’électricité au réseau en agissant comme autant de batteries.

GB souligne. Mémoire du RNCREQ, été 2023.

Mais c’est aussi un investissement qui est rentable du point de vue de nos objectifs d’augmenter la résilience de nos systèmes tout en réduisant notre dépendance collective aux énergies fossiles.

Comme le demande une centaine d’organisations et de regroupements de la société civile québécoise, nous avons besoin d’une planification intégrée (et non en silos) du développement énergétique québécois. Voir 14 revendications d’un regroupement de la société civile pour un avenir énergétique juste et viable au Québec.

intelligence artificielle et bêtise humaine

On nous sert l’intelligence artificielle (IA) à toutes les sauces : des scénarios à la Terminator aux exploits de l’IA dans le pliage des protéines. À la fois menace existentielle et promesse radieuse.

Imaginons que je vous ai invité à manger à ma table, gratuitement, depuis une quinzaine d’années. Je vous ai nourri, diverti, informé sans vous demander un sou. Pas un sou, seulement la récolte de vos conversations, de vos connexions, de vos appartenances… De ces informations j’ai peu à peu su tirer des modèles de prédiction, de comportement qui me permettent aujourd’hui (ou me permettront bientôt) de produire des informations, des analyses, des projections qui remplaceront peu à peu les analyses et projections faites par des humains… À qui appartiennent ces modèles développés à partir des contenus et comportements laissés sur le web par les milliards de participants innocents ?

L’histoire de l’IA que retrace Daniel Andler dans son Intelligence artificielle, intelligence humaine : la double énigme est instructive en ce qu’elle montre bien l’évolution des prétentions de l’IA depuis ses débuts, une évolution vers plus de circonspection et d’humilité dans la recherche d’une intelligence générale. Cinq (5) replis ou renoncements ont marqué la croissance de l’IA telle qu’on la connait aujourd’hui : renoncement à la pensée « pensante », renoncement à l’équivalence avec l’intelligence humaine, renoncement à une intelligence générale, renoncement à l’indépendance à l’égard de l’intelligence humaine, puis renoncement à la réflexion.

L’IA symbolique des débuts a laissé place au connexionnisme1Le connexionnisme modélise les phénomènes mentaux ou comportementaux comme des processus émergents de réseaux d’unités simples interconnectées. Le plus souvent les connexionnistes modélisent ces phénomènes à l’aide de réseaux de neurones.. Plutôt que de tenter de prévoir toutes les questions possibles et d’y accoler toutes les réponses appropriées… les modèles massifs de language (LLM – large language models) utilisent d’énormes volumes de données pour comprendre le langage humain. La caractérisation ou l’étiquetage de ces masses de données permettent ensuite de prédire ou de classer de nouvelles données ou de répondre à de nouvelles questions. Malgré la qualité des productions langagières des ChatGPT ces systèmes sont toujours atteints de « cécité sémantique » : ils ne savent pas de quoi ils parlent !

Les IA sont devenues performantes parce qu’elles se sont spécialisées et sont devenues des SAI, des systèmes artificiels intelligents. Si certains peuvent encore rêver d’une IA générale, il lui manque encore plusieurs « ingrédients » : la conscience, le sens, le sens commun et des attributs du sujet : métacognition, affects.

Alors que les SAI deviennent de plus en plus performants, dépassant parfois incontestablement les capacités humaines, l’IA semble toujours incapable devant des tâches que des humains « ordinaires » ou même des enfants peuvent réaliser. Ce qui amène Andler à reformuler la question de la comparaison entre intelligence humaine et IA. L’intelligence animale a beaucoup en commun avec ce qui de l’intelligence humaine manque à l’intelligence artificielle. Andler est amené à distinguer deux types d’intelligence : l’intelligence (et la résolution) d’un Problème et l’évaluation d’une Situation vécue. Si la première forme d’intelligence correspond bien au champ d’application et d’expertise de l’IA, l’ancrage historique, écologique (phylogénétique) de l’intelligence animale (humaine ou non) lui permet de répondre avec plus ou moins d’intelligence aux Situations rencontrées.

Mais l’intelligence de l’animal, qu’il soit ou non humain, est celle d’un organisme vivant autonome naviguant dans un monde qui est le sien. C’est parce que l’animal a un monde, son Umwelt, et que c’est sa Situation qui le concerne et dont il veut se tirer au mieux, qu’au même titre que l’humain il résiste en dernière analyse à la comparaison avec l’intelligence artificielle.

Intelligence artificielle, intelligence humaine : la double énigme, Daniel Andler, Gallimard, 2023

Après avoir identifié des secteurs où une IA « puissante » se développera, dans son chapitre de conclusion intitulé L’intelligence artificielle et le bien Andler propose un principe général de modération. Qui prend parfois la forme d’un « principe de subsidiarité : ne faire appel à l’intelligence artificielle que lorsque sa contribution nette est positive. » Ou qui incite à ne pas donner de forme humanoïde à des systèmes qui n’ont que des capacités limitées. Aussi, il faut résister à la tendance qui ferait de l’IA une technologie de plus en plus essentielle, omniprésente. Pour éviter de voir la cité se transformer au service des intérêts de la technologie, comme cela s’est produit avec la diffusion de l’automobile.

Finalement, Andler en appelle même à « bannir l’intelligence artificielle de toute démarche requérant cette part de l’intelligence humaine qui, par-delà, ou en-deçà de la capacité à résoudre les Problèmes, permet à l’homme de naviguer dans l’existence — ce sans quoi il ne peut faire face aux Situations difficiles ou nouvelles. »

L’IA est essentiellement fondée sur la prise en compte massive du passé. Un passé qui pèse lourd pour maintenir le statut quo. Cependant, tel que formulé, cet appel à bannir l’IA des démarches d’orientation existentielle de l’humain me semble inapplicable : les humains utiliseront (toujours) toutes les intelligences à leur disposition pour s’orienter. Mais comme les puissances de l’IA coïncident de plus en plus (voir tableau 8.4, dans ce billet) avec les puissances financières, bannir l’IA… reviendrait à ouvrir des négociations entre humains (et vivants non-humains ?) sur l’avenir de la planète, SANS LA PRÉSENCE des puissances financières ! C’est une idée, ça.

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Notes

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    Le connexionnisme modélise les phénomènes mentaux ou comportementaux comme des processus émergents de réseaux d’unités simples interconnectées. Le plus souvent les connexionnistes modélisent ces phénomènes à l’aide de réseaux de neurones.