Je voulais revenir sur cette publication récente de la santé publique de Montréal à propos de l’accessibilité des parcs à Montréal. Je voulais comprendre d’où venait plus précisément cette « norme » de 800m de distance utilisée pour qualifier un parc d’accessible. J’ai retrouvé le texte duquel on a tiré cette « norme »: Neighborhood Road Environments and Physical Activity Among Yought : The CLAN Study. C’est étrange que le document de la santé publique de Montréal réfère à cette recherche en présentant la longueur choisie de 800 mètres ( La mesure de distance qui a été retenue est une mesure de distance euclidienne, c’est-à-dire une distance à vol d’oiseau représentant le trajet le plus court entre le parc comprenant des installations sportives et le lieu de résidence. Basée sur la littérature scientifique, la longueur choisie est de 800 mètres*[ici la note #29 vers le document de référence]). À noter qu’une distance de 800 mètres à vol d’oiseau signifie pratiquement toujours une distance plus longue lorsqu’on suit le quadrilatère des routes. Pourtant, l’étude de référence ne portait pas sur l’effet de la distance sur les pratiques d’activités, mais plutôt sur les obstacles et particularités rencontrées sur le chemin menant aux parcs (nombre de feux de circulation, dos d’âne… ce qu’ils nomment le « road environment »). En fait, et je cite le document ayant servi à justifier le 800m « [I]t is important to note that this study focused only on objective features of the road environment and did not examine other objective measures which may also influence MVPA and walking trips, such as the proximity of shops, parks, and recreational facilities » – page 541.
Alors, la recherche utilisée pour justifier le 800 mètre comme norme d’accès ne mesurait pas l’impact de la distance sur l’utilisation ou la fréquence d’activités physique, mais plutôt tentait de mesurer l’effet des particularités du chemin. Ce que cette recherche m’a rappelé, cependant c’est que les jeunes (8-9 ans) et jeunes adolescents (13-15 ans) se déplacent souvent à bicyclette et que de ce point de vue, 800 mètres peut apparaître une distance praticable. Mais l’exercice de géomatique montréalais visait plus large : on présente le document comme portant sur l’accessibilité des parcs et installations sportives pour les familles montréalaises. Il ne s’agissait pas d’une étude sur les pratiques adolescentes. On parle même des installations « les plus utilisées par les tout-petits et leur famille » sur la page web introductive. Ce qui pourrait être intéressant, car une mesure de proximité pour les « tout-petits » pourrait fort bien s’appliquer aux aînés, ces oubliés des « familles » dans le sens santé-publique-montréalaise.
Pour faire suite à la réflexion d’il y a quelques jours, j’ai tenté de trouver dans le plan d’aménagement urbain de Montréal une règle, ou consigne qui aurait donné la source de la norme de 300 mètres de distance qu’utilisait l’arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve dans son propre plan, sans succès. Je n’ai pas examiné l’ensemble des plans locaux, seulement celui de Rosemont-Petite-Patrie et les documents centraux. Mais je suis heureusement tombé, par hasard, sur le plan directeur des espaces verts de la ville d’Ottawa.
La ville d’Ottawa : « Le Plan officiel vise l’objectif consistant à faire en sorte que, dans les secteurs résidentiels, toutes les résidences soient situées à moins de 400 mètres d’un espace vert, c’est à dire à une distance de marche de cinq minutes environ. (…) Chez les populations plus jeunes et plus âgées, par exemple, une distance plus courte vers les espaces verts constitue une mesure d’accessibilité plus appropriée. Une distance plus courte peut également s’avérer appropriée dans les secteurs plus denses, où l’on observe parfois moins d’espaces extérieurs privés et un plus grand besoin d’accès aux espaces verts publics. Un objectif plus ambitieux de distance à pied fixée à 250 mètres a également été examiné et est illustré à la figure 6 [PDF 1.56 MB]. La Ville se tire très bien d’affaire lorsqu’on la juge selon ces normes plus strictes car la plupart des lotissements résidentiels du secteur urbain d’Ottawa disposent, sous une forme ou sous une autre, d’espaces libres ou de terrains de loisirs à moins de 250 mètres. [extrait de Espaces verts accessibles]
Il est intéressant de voir que l’arrondissement de Mercier-Hochelaga-Maisonneuve était plutôt « dans le mille » avec son 300 mètres ! En fait je trouve intéressant de faire entrer dans la formule la question de la densité.
Je continue de penser qu’une revue de la littérature qui conclue, après un exercice théorique, à une accessibilité des espaces verts à 100% (ou 99%) alors que les planificateurs considèrent, eux, qu’ils ont encore du chemin à parcourir en terme d’accessibilité, ça reste une revue de littérature qui aurait dû rester sur les tablettes ! Ou qui aurait pu se payer le luxe d’un petit tour sur le terrain afin de mettre à l’épreuve de la réalité ces conclusions étonnantes !