Comme c’est souvent le cas, en finissant une période intense de réflexion et d’écriture (voir dernier billet), j’ai eu un sentiment d’insatisfaction, de culpabilité même. Le sentiment d’avoir tourné les coins ronds, d’avoir parlé au dessus de mes compétences… On appelle cela le syndrome de l’imposteur, ou de l’autodidacte. Je connaissais le premier terme mais j’aime bien le second, qui correspond assez à ma situation professionnelle où j’ai souvent appris par moi-même, l’informatique mais aussi l’urbanisme, l’économie, la santé publique, la gestion du logement communautaire, la nutrition, la gérontologie… en fait tous ces secteurs où mon métier d’organisateur communautaire m’amenait à accompagner des citoyens qui désiraient apprendre, prendre du pouvoir devant des appareils et professionnels qui étaient peu enclins à s’ouvrir à l’influence de leurs clients ou commettants.
Aujourd’hui à la retraite, je continue d’avancer à tâtons, sans avoir de plan ni de vision claire des enjeux. Finalement je poursuis une réflexion très personnelle, un parcours idiosyncrasique. Je suis un « columnist » sans journal qui, du haut de sa colonne, porte le regard, propose une interprétation, porte un jugement ou pose des questions. Du haut de sa boîte à savon, plutôt !
Ma réflexion est ancrée dans une vie de recherche et d’action, une culture d’alternative, d’opposition, de solidarité, d’engagement, de don. Une posture qui ressemble beaucoup à un ancrage religieux même si elle a pu prendre des formes anti-cléricales.
Cette religion qui donnait du sens et cadrait moralement, mais aussi culturellement, matériellement et socialement notre monde s’est disloquée sous la pression des jeunes qui refusaient la répression sexuelle; des femmes qui voulaient contrôler les naissances trop nombreuses et aussi accéder aux même droits que les hommes. La professionnalisation des métiers d’enseignante, d’infirmière, de travailleuse sociale rendait de plus en plus difficile le maintien de l’autorité religieuse sur les institutions de services publics. Cependant que plusieurs religieuses et pères et frères ont été des pionniers, des formateurs et fondateurs dans ces professions du soin et relation d’aide.
Il est temps de revenir à une société moins exubérante et excessive, moins obsédée par la réussite et l’enrichissement personnels. Une société qui valorise la sobriété dans la durée, le respect de la nature et de la vie sans artifice.
P.S. Il semble que j’aie glissé d’un sujet à l’autre… Du syndrome de l’imposteur à… celui de sauveur ? Ça m’apprendra à ne pas laisser un texte reposer quelques heures en mode brouillon !
Bonjour Gilles,
Si tu permets et si c’est pertinent de le faire, j’aimerais souligner trois livres qui mettent des perspectives socio-politiques sur certaines problématiques qui interpellent beaucoup de québécois (entre autres) et qui jettent un regard réconfortant (jusqu’à une certaine mesure).
Sans doute, tu as entendu parler des travaux de Steven Pinker, un américain d’origine montréalaise qui enseigne la psychologie cognitive à Harvard.
Le livre La part d’ange en nous (traduit en 2017) fait l’histoire de la violence et son déclin (aussi incroyable que cela paraisse). S’appuyant sur des milliers d’études, plus de trente années de recherches et des statistiques, Pinker montre que, malgré le terrorisme, malgré les conflits contemporains, la violence n’a cessé de diminuer dans le monde au cours des siècles.
D’autre part, son dernier livre, le Triomphe des lumières (traduit en 2018) montre, chiffres à l’appui, que la santé, la prospérité, la sécurité et la paix sont en hausse dans le monde entier. Cependant, Pinker tient à y préciser que les valeurs derrière ces progrès (liées aux idéaux du siècle des lumières – raison, science et humanisme) ont besoin, plus que jamais, d’une défense vigoureuse, car elles vont à contre-courant de la nature humaine, de ses tendances à l’autoritarisme et à la pensée magique (autant de biais qui nourrissent les populismes et les dérives religieuses).
De plus, dans certaines sections de ce dernier livre, il y a avec une charge appuyée contre le trumpisme qu’il considère comme une résurgence sans lendemain . Bienvenue aux bonnes nouvelles. Cependant,certaines critiques pourraient être apportées à son livre, au niveau de l’environnement et au niveau des inégalités sociales.
Finalement, le livre de Hans Rosling : Factfulness (traduit en 2019) énonce une dizaine de biais cognitifs normaux et les façons de le contrôler (en s’appuyant sur de nombreux faits). À son tour, il apporte une vision positive de l’avenir, sans fermer l’oeil sur des risques mondiaux qui, à son avis, devraient nous inquiéter: une pandémie mondiale, un effrondement financier, le changement climatique, une troisième guerre mondiale et une extrême pauvreté (via guerres civiles, terrorismes et épidémie). Ses conférences sur YouTube sont des petits bijoux de clarté et d’humour (en comparant les mauvaises réponses des participants concernant leur connaissance de certains faits, avec des réponses fournies par des chimpanzés – qui ont parfois de meilleurs scores.
Bref, ces lectures m’ont procuré plusieurs sourires de complicité avec les auteurs et quelques lueurs d’espoir – lun peu de lumière au bout du tunnel.
Mes meilleurs salutations,
Michel Lamarche, organisateur communautaire retraité
Merci Michel, ces auteurs sont effectivement intéressants. Je lisais le début de ton commentaire et ça me faisait penser, je m’apprêtais à citer… Rosling! Il faut en effet s’appuyer sur, ne pas oublier les tendances positives et les progrès qui ont été faits.
Merci de ton commentaire et tes suggestions.
Bonnes lectures et bonne retraite !