Il y a un malaise dans l’air. Le monde a l’impression de se précipiter vers quelque chose, même si personne n’arrive à s’accorder sur la nature de ce quelque chose. Derrière les débats sans fin, les changements politiques, les avancées technologiques et les conflits mondiaux, il y a une crise plus profonde – UNE MÉTACRISE – qui parle de l’effondrement du sens (The crisis of meaning), de la dégradation de la vérité (Post-Truth) et de l’érosion des liens humains (Loneliness in a Connected World).
The Metacrisis, Our Fears and the Road to Authoritarianism (ma traduction)
Dans son article sur la « métacrise » Chusana Prasertkul propose un graphique qui parle. J’en ai fait une traduction que voici :
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Sur la question de la diminution des liens sociaux, un sujet que déjà en 2000 Robert Putnam abordait (fr) dans son Bowling Alone: The Collapse and Revival of American Community, Derek Thompson propose un long article dans le dernier numéro (février 2025) de The Atlantic : The Anti-Social Century ($).
J’ai dû m’abonner (premier mois gratuit) pour avoir accès à cet article. J’en ai fait ici une traduction française. Un très bon article que je vous recommande !
crise du logement
Dans son excellent livre Our Crumbling Foundation : How We Solve Canada’s Housing Crisis, » Gregor Craigie passe en revue la situation du logement dans différents pays (et villes) : Tokyo, Singapour, Helsinki, Paris, Vancouver, Montréal, Berlin, Saint-Boniface (Québec), Londre, Toronto, Calgary…
Le chapitre sur Montréal porte sur l’effet Airbnb. Celui sur Saint-Boniface, en Mauricie, porte sur la difficulté des familles monoparentales avec plusieurs enfants à se loger… Ici quelques paragraphes (ma traduction) du chapitre THE AIRBNB EFFECT – Montreal
L’effet Airbnb – Jean-François Raymond ne s’attendait pas à recevoir un avis d’expulsion dans les derniers jours de 2022. Cela faisait vingt-deux ans qu’il vivait dans son spacieux appartement du quartier Hochelaga-Maisonneuve, dans l’est de Montréal.
Une recherche rapide sur Airbnb montre que les appartements de deux chambres à coucher de la rue Ontario se louent entre 265 et 460 dollars la nuit en juillet. (…)un appartement comme celui de Jean-François pourrait atteindre plus de 10 000 dollars par mois en été, s’il était rénové.
La location à court terme est une préoccupation à long terme dans de nombreuses villes, mais l’inquiétude est particulièrement prononcée à Montréal en raison du grand nombre de locataires dans la ville. En fait, Montréal a la plus grande proportion de logements occupés par des locataires de toutes les grandes et moyennes villes d’Amérique du Nord. Selon le recensement de 2016, plus de 63 % des logements montréalais étaient loués. La ville a été connue pendant de nombreuses années comme un paradis pour les locataires en raison des loyers bas et des taux d’inoccupation élevés, grâce à une abondance de logements locatifs de faible hauteur.
En annexe de son livre de 320 pages Gregor Craigie rassemble les 37 recommendations auxquelles il est parvenu suite à ses recherches (ma traduction) :
La crise du logement au Canada est un problème exceptionnellement complexe qui ne peut être résolu par une solution simple. La simple réduction de la bureaucratie dans les mairies ne suffira pas, à elle seule. Il en va de même pour l’interdiction des acheteurs étrangers, le réinvestissement dans le logement social, la restriction des locations saisonnières à court terme et diverses autres mesures proposées – aucune ne fonctionnera seule. Toutes sont nécessaires. Voici une liste de mesures pour résoudre la crise du logement au Canada, basée sur les recherches qui ont servi de base à ce livre :
- Construire plus de logements ! La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) affirme que le pays aura besoin de 3,5 millions de logements supplémentaires d’ici 2030. Ce chiffre s’ajoute aux 2,3 millions de logements qui devraient être construits entre 2021 et 2030.
- Construire davantage de logements sociaux. Le gouvernement fédéral a été l’un des principaux constructeurs de logements pendant les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, mais cela a pris fin dans les années 1990. Les autorités fédérales doivent revenir dans le secteur du logement de manière beaucoup plus importante, au-delà de ce que le gouvernement fédéral actuel s’est engagé à faire.
- Conserver les terrains publics vacants et les transférer aux ministères provinciaux du logement, aux fournisseurs de logements sans but lucratif et aux administrations municipales dans le but précis de construire des logements abordables.
- Réinvestir dans les coopératives d’habitation. Un quart de million de Canadiens vivent dans des coopératives d’habitation sans but lucratif, mais un investissement renouvelé de tous les niveaux de gouvernement pourrait permettre d’en loger des centaines de milliers d’autres. Si nous cherchons une cible, nous pourrions copier l’Allemagne, où les coopératives d’habitation représentent 5 % du parc immobilier du pays. Si nous doublions le nombre de logements coopératifs existants, nous pourrions loger un quart de million de Canadiens supplémentaires.
- Financer les agences provinciales de logement, comme BC Housing et la Société de logement de l’Ontario, pour qu’elles augmentent leur capacité de construction et qu’elles construisent beaucoup plus de logements subventionnés.
- Protéger le parc existant de logements abordables par le biais d’un droit de préemption. Les gouvernements provinciaux peuvent donner aux gouvernements locaux et aux autorités chargées du logement la première chance d’acheter des immeubles d’appartements locatifs abordables existants qui sont susceptibles d’être achetés par des sociétés de placement immobilier et rénovés pour en faire des logements locatifs plus chers ou des appartements en copropriété. Les provinces peuvent également protéger les écoles désaffectées et autres bâtiments publics susceptibles d’être transformés en logements.
- Mettre fin au zonage unifamilial. Les municipalités dont la population augmente et dont les prix sont élevés (la plupart des villes canadiennes) pourraient mettre fin à la prédominance des maisons unifamiliales. En modifiant les lois locales pour permettre la construction de maisons en rangée et de multiplex sur les mêmes terrains que ceux réservés aux maisons unifamiliales, les constructeurs pourraient ajouter de nouvelles maisons à mesure que les anciennes seraient démolies et remplacées par de nouveaux bâtiments.
- Permettre une densité encore plus grande des nouveaux développements si des engagements en matière d’accessibilité sont pris. Cette stratégie a été adoptée à Portland, dans l’Oregon, de sorte que quatre logements sont autorisés sur chaque lot, mais jusqu’à six si la moitié des logements sont désignés comme abordables, selon une formule liée au revenu médian de la ville.
- Augmenter les subventions fédérales à la construction pour les propriétaires et les constructeurs privés qui profitent de la recommandation ci-dessus et d’autres initiatives qui créent des logements abordables.
- Le gouvernement fédéral devrait offrir davantage d’allègements fiscaux, tels que des exonérations de TPS, aux constructeurs qui créent davantage de logements abordables.
- Le gouvernement fédéral pourrait offrir des prêts sans intérêt ou à faible taux d’intérêt par l’intermédiaire de la SCHL aux constructeurs qui créent des logements plus abordables.
- Augmenter de plusieurs milliards l’investissement public dans le Fonds national de co-investissement dans le logement afin qu’il puisse financer la construction de nouveaux logements en période de hausse des taux d’intérêt.
- Introduire de nouvelles subventions fédérales pour les villes qui approuvent rapidement les nouvelles constructions, dans un délai prédéterminé. Le promoteur vancouvérois Bob Rennie propose 10 000 dollars par appartement locatif, 15 000 dollars par logement social et 7 500 dollars par maison individuelle de moins d’un million de dollars. Cela aiderait les villes à financer l’embauche de personnel supplémentaire pour traiter rapidement les demandes de permis de construire.
- Les villes pourraient mettre à la disposition de tous les propriétaires qui demandent un permis de construire des plans de logements prêts à l’emploi pour les immeubles collectifs et les maisons en rangée. Cela permettrait d’économiser beaucoup d’argent sur les demandes de conception et de dérogation qui augmentent les coûts de propriété.
- Les villes pourraient organiser des concours de conception avec des prix pour les architectes afin d’obtenir les conceptions susmentionnées qui répondent aux critères de la ville. Cela permettrait une plus grande diversité visuelle en permettant aux habitants de choisir entre plusieurs conceptions, tout en réduisant les coûts.
- Lier le financement fédéral pour le logement abordable directement aux chiffres annuels de l’immigration pour chaque province. Dans de nombreuses provinces, les investissements fédéraux dans le logement n’ont pas suivi le rythme des besoins locaux et du nombre de nouveaux arrivants chaque année.
- Construire des logements pour les travailleurs essentiels, comme les infirmières et les pompiers, et mettre en place des rabais à la location et à l’achat afin qu’ils puissent vivre dans les communautés où ils travaillent. Ces mesures peuvent prendre plusieurs formes : appartements locatifs réservés aux travailleurs essentiels, suppléments au loyer, remises à l’achat et propriétés exclusives.
- Construire davantage de logements pour les autochtones. Les récents budgets fédéraux ont inclus de nouveaux investissements, mais avec une augmentation prévue de 50 pour cent du nombre de logements sur le territoire national, il faudra faire plus. Les gouvernements fédéral et provinciaux pourraient augmenter les dépenses consacrées au logement indigène et s’engager à atteindre des objectifs spécifiques en matière de logement, dans les réserves et hors des réserves.
- Le gouvernement fédéral et les provinces pourraient s’associer pour apporter un meilleur soutien aux campements de sans-abri afin que les personnes puissent trouver un logement avec des services de soutien suffisants.
- Réparer et réaménager les hôtels à chambre unique et les maisons de chambres. Les gouvernements fédéral et provinciaux pourraient faire des investissements importants pour réparer et réaménager les bâtiments qui abritent les résidents les plus pauvres du pays, comme les nombreuses maisons de chambres du Downtown Eastside de Vancouver.
- Envisager d’instaurer un contrôle des loyers entre deux locations. Les provinces qui n’ont un contrôle des loyers que pour la durée d’une location pourraient également plafonner les augmentations de loyer entre deux locations.
- Créer des registres des loyers. Les gouvernements provinciaux peuvent mettre en place des registres pour suivre l’augmentation des loyers entre deux locations.
- Construire de meilleurs transports en commun, avec des stations centrales fréquentes. Les trains, les trains légers, les bus rapides et d’autres moyens de transport rapides et fiables permettront de déplacer plus de personnes de manière plus efficace et de rendre plus accessibles les quartiers denses et accessibles à pied, ce qui peut contribuer à l’accessibilité financière. De bons transports en commun réduiront également le besoin de places de parking, qui augmentent les coûts de construction.
- Assouplir les exigences en matière de stationnement, en particulier pour les petits appartements et dans les zones denses bien desservies par les transports en commun. Certaines municipalités réduisent le nombre minimum de places de stationnement par unité de logement. D’autres les suppriment complètement ou remplacent les exigences en matière de stationnement des véhicules par des exigences en matière d’aires de stockage des vélos.
- Les gouvernements provinciaux peuvent instaurer des délais garantis pour la délivrance des permis, en vertu desquels une ville est tenue de délivrer des permis aux constructeurs dans un délai prédéterminé, sous peine d’être soumise à des pénalités financières.
- Introduire des restrictions sur Airbnb, Vrbo et d’autres locations de vacances à court terme afin de laisser plus de logements ouverts aux locataires à long terme. Ces locations pourraient être totalement interdites, restreintes aux zones commerciales ou limitées aux logements dont le propriétaire est toujours présent.
- Lorsque les locations de vacances à court terme sont autorisées, les provinces et les grandes villes peuvent collaborer avec les entreprises qui proposent ces locations, en établissant des règles claires qui imposent aux entreprises qui hébergent les annonces de location de vacances la responsabilité d’éliminer les contrevenants aux règles.
- Les provinces et les villes peuvent instaurer des taxes sur les logements vacants, en vertu desquelles les propriétaires qui ne louent pas de résidences secondaires paient davantage pour ce privilège. La Colombie-Britannique affirme que ce type de taxe a permis d’augmenter de 20 000 le nombre d’appartements sur le marché de la location. D’autres provinces pourraient adopter des mesures similaires.
- Décourager la revente de maisons en instaurant des taxes provinciales anti-revente (en plus de l’impôt fédéral de 50 % sur les plus-values des immeubles de placement**) pour les propriétaires qui vendent leur bien moins de trois ans après l’avoir acheté.
- Le gouvernement fédéral pourrait étendre l’impôt sur les plus-values aux résidences principales, et pas seulement aux immeubles de placement. Cette idée ne manquera pas d’être impopulaire auprès de nombreux propriétaires, mais elle aurait un effet dissuasif sur la spéculation. Si cela n’est pas souhaité pour tous les propriétaires, les plus-values pourraient s’appliquer aux résidences principales qui sont vendues rapidement – par exemple, moins de trois ans après leur achat – afin de décourager les opérations de « home-flipping » visant à réaliser un profit rapide.
- Envisager d’interdire aux non-résidents étrangers d’acheter des biens immobiliers au Canada, comme l’ont fait d’autres pays. Cette mesure ne devrait pas viser un pays ou une nationalité en particulier et ne devrait pas s’appliquer aux immigrants ou aux non-citoyens qui vivent à plein temps au Canada, mais uniquement aux non-résidents qui achètent des propriétés au Canada et les gardent vides la majeure partie de l’année.
- Les provinces pourraient nommer des commissaires à la lutte contre le blanchiment d’argent afin d’empêcher que des maisons et des condominiums soient achetés avec les produits de la criminalité.
- Le gouvernement fédéral pourrait modifier la loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement du terrorisme pour y inclure les prêteurs hypothécaires, les courtiers et les assureurs non réglementés, ainsi que les registres fonciers.
- Les provinces pourraient exiger que les bénéficiaires effectifs, tels qu’un étudiant adulte dont les parents possèdent une luxueuse demeure, soient identifiés et enregistrés.
- Les universités peuvent ouvrir des agences de partage de logements. L’université Simon Fraser gère actuellement un service de jumelage de chambres entre personnes âgées et étudiants. Les personnes âgées isolées bénéficient d’un peu de compagnie, d’une aide à la maison et d’un revenu supplémentaire, tandis que les étudiants bénéficient d’un logement sûr dans une maison enregistrée auprès de l’université et de la police.
- Offrir des incitations gouvernementales aux fabricants et aux développeurs de technologies pour qu’ils commercialisent et démontrent de nouvelles méthodes de construction innovantes qui améliorent la rapidité, l’efficacité environnementale et les besoins en main-d’œuvre de la construction de logements, comme l’impression 3D, la préfabrication modulaire, etc.
- Étudier la faisabilité de la mise en place d’un régime national d’épargne-logement obligatoire, à l’instar du Central Provident Fund de Singapour. Étudier également la possibilité d’élargir le Régime de pensions du Canada ou d’autres fonds importants pour les utiliser dans le domaine du logement.