Impressions culturelles

Rêve européen ou cauchemar américain ?

Mais pourquoi ai-je eu tout d’abord l’impression que les Français (Européens?) ont intériorisé des règles de civilité, de vie en société plus que les Québécois (Américains) ?

J’ai déchanté lorsque, installé à une table, coin Tolbiac et d’Italie, j’assistai, médusé, à une heure de pointe pas du tout civilisée… Chaque conducteur s’accrochant aveuglément au pare-choc de la voiture avant même en traversant l’intersection, dans l’intention arrêtée, même si inavouable, de NE PAS laisser passer le flux perpendiculaire de voitures lorsque viendra son tour… parce que ces conducteurs à leur tour agiront de même… Cercle vicieux des incivilités… n’étant pas conducteur moi-même et n’ayant pas habituellement à trafiquer dans ces eaux (je me rends à pied au travail) je ne peux comparer les degrés d’incivisme parisien et montréalais. Mais il me semblait évident qu’on ne pouvait faire pire. Alors, d’où me venait cette impression d’un supplément de civisme français ?

Quelques exemples : malgré le « droit » qu’ont les gens d’amener leurs chiens dans certains endroits publics, ils n’en abusent pas, beaucoup moins que je ne le craignais (amener son chien dans un resto ?!) ; malgré la réputation qu’on leur a fait, les parisiens ne m’ont pas semblé très agressifs au volant… en tout cas pas plus que les québécois, qui sont beaucoup moins nombreux ; les stations de métro et endroits publics en général me sont apparus plutôt tranquilles et les gens très pausés, malgré la quantité phénoménale d’utilisateurs et de visiteurs… Certains amis m’ont fait part d’une pression sociale des groupes, vers l’intégration, la conformité qui serait plus forte ici qu’au Québec… je ne saurais juger n’ayant jamais eu à vivre autrement qu’en tant que touriste ici. Peut-être certains lecteurs auront-ils à ce sujet quelques commentaires éclairants ?

Relevant du même type d’observation : la différence entre les comportements des serveurs et commis dans les commerces et endroits publics. Ici je dois dire que j’avais un préjuger fondé sur mes premières expériences vécues il y a quelques dix ans : la manière hautaine dont on vous faisait répéter une simple demande dans un café (ah, du Beuuuuurrrre !) avait de quoi vous faire sentir plouc pendant quelques années ! À tel point que je m’étais préparé quelques répliques que je voulais péremptoires : Le mépris est compris avec le service ? ou quelque chose d’approchant…

Mais j’ai été agréablement surpris… ou bien j’ai su m’adapter plus rapidement à la prononciation… qui saura ? Ce qui m’a frappé cette fois, ce ne sont pas les serveurs de bars et cafés mais les commis dans les boutiques… à la FNAC ou dans les chaînes : plus blasés que ça, tu meurs. Je me suis vu, à plus d’une reprise, faire face à un vendeur, seul à son comptoir qui n’avait d’autre client que moi mais qui feignait de classer, déplacer ses machins sur son bureau… regardant ostensiblement ailleurs… attendant de ma part que je l’interpelle… alors que, chez nous, le b-a-ba du métier veut qu’on s’intéresse au client avant les papiers et bibelots. J’ai senti à plusieurs reprises que ces petits employés ne partageaient aucun intérêt avec l’entreprise qui les embauche : ils s’en foutent royalement, c’est pas de leurs affaires. Est-ce moi qui fabule ou s’il est vrai qu’au Québec les relations avec la clientèle dans les commerces sont plus avenantes… indiquant d’une certaine façon que les employés partagent un tant soit peu l’intérêt de l’entreprise. On peut sans doute interpréter cela comme une forme d’aliénation : ces employés sont mal payés, pas assez en tout cas pour que l’appellation d’associés, utilisée par les grandes chaînes américaines, soit autre chose que manipulation ! Mais on peut aussi, tout simplement, y voir le reflet d’une réalité bien concrète : si le bateau coule, les matelots iront avec.

Je retrouve un point de vue convergeant dans le pavé de Rifkin sur Le rêve européen : la qualité de vie, le savoir vivre, la conception du bien-être et de l’espace public, de la responsabilité publique sont à cent lieux de l’inculture américaine axée sur l’accumulation, une conception de la liberté qui supporte bien des horreurs (685 personnes par 100 000 sont incarcérées aux USA contre 87 en UE, sans compter les millions de citoyens laissés sans soins de santé… les Etats-Unis étant le seul pays développé avec l’Afrique du Sud à accepter telle situation).

Mais revenons à cette impression de savoir vivre, particulièrement sensible à l’heure de pointe du soir, où les millions de parisiens retourne à la maison mais, ce me semble, plus relaxes et détendus que les montréalais (pour parler de ceux que je connais) : plusieurs s’arrêtent au café près du bureau ou en arrivant à la maison pour prendre un demi et discuter… malgré les embouteillages, très peu de « colère au volant » et plutôt beaucoup de bonne volonté. C’est sans doute la saine patience devant l’inéluctable ! Mais j’imagine très bien le montréalais pressé de rentrer chez lui engueulant celui qui ose s’immiscer dans le flot devant lui. Et justement la différence est là : pressé de rentrer chez lui.

Le parisien semble moins pressé, moins stressé… et ça me surprend ! Si on empilait une fois et demie la population du Québec sur une superficie plus petite que l’île de Montréal… me semble…

Cette interface entre le bureau (ou l’usine) et la maison, symbolisée par le bistro, le café, n’existe pas à Montréal. C’est le rush hour, on quitte le travail pour se précipiter à la maison : si on pouvait se téléporter on le ferait. Là sans doute est une partie de l’explication : six européens sur dix mettent moins de vingt minutes à se rendre au travail (The social situation in the European Union in 2002, cité par Rifkin, p. 105).

A suivre…

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