Avancées de la sociologie

(ici recopié en mode « page permanente » un billet riche de sources en sociologie contemporaine)

Posée y il a quelques jours sur ce carnet, j’ai eu l’audace de relancer cette question (Quels ont été les avancées les plus marquantes de la décennie qui s’achève pour la sociologie ?) auprès de sociologues que je connaissais, ou encore ceux qui animent des blogues.

Et j’ai déjà (malgré le temps des fêtes, qui en a sans doute amené plusieurs à s’éloigner de leur clavier-courriel) reçu plusieurs réponses intéressantes ! La plus rapide, et humoristique, venant d’un sociologue professeur à l’UQAM, et co-directeur du Réseau québécois de recherche partenariale, Jean-Marc Fontan. Je me permet de citer ici l’essentiel de sa réponse (les liens hypertextes sont de moi):

Dans Changer de société, refaire de la sociologie, Bruno Latour (2006) annonce une fin de la “société d’hier et de sa sociologie” au profit de la “société de demain et d’une nouvelle sociologie”, latourienne, il va sans dire. Touraine en fait autant dans “Après la Crise” (2010), où il annonce aussi la mort de la société actuelle. Elle serait arrivée à un point d’aboutissement; prête à être renouvelée par une renaissance de la question sociale, libérée des contraintes… bien évidemment économiques… Plus prêt de nous Jacques Hamel (Woody Allen, au secours de la sociologie, 2010) en fait autant en se questionnant sur la décadence actuelle de la sociologie et son incapacité de réaliser sa pleine potentialité…

Alors, de façon contre productive nous pourrions dire qu’une des révélations des dix dernières années serait l’annonce de la mort de la société (après la fin de l’histoire !) et celle de l’entrée de la sociologie dans une zone de grande perturbation, pour ne pas dire une crise aigüe de confiance…

À contrario, il n’y a jamais eu autant de sociologues que maintenant, autant de diploméEs de sociologie que maintenant, autant de livres, articles, publications produites par des sociologues que maintenant…

Un autre professeur de socio, à l’Université d’Ottawa cette fois, Maurice Lévesque, directeur du département de sociologie, m’aura orienté vers des auteurs et une branche de la sociologie que je connaissais peu : sociologie des réseaux, avec Harrison White [ici un des rares textes en français de cet auteur Réseaux et histoires, avec une Introduction à la théorie de H. White, dans la même revue — une introduction qui vaut d’être lue, si vous voulez éviter un trop grand choc à la lecture du texte original de White], Degenne, Forsé… et aussi la Sunbelt, conférence annuelle de l’ International Network for Social Network Analysis. [Incidemment, en français, ce texte de Alain Degenne, Introduction à l’analyse des réseaux sociaux (pdf, 5 pages), publié dans Math. & Sci. hum. / Mathematics and Social Sciences no. 168, 2004 – pour aller plus loin, avec le même auteur : Les réseaux sociaux — Voir aussi la page Wikipedia Analyse des réseaux sociaux]

J’ai aussi interpellé des sociologues anglophones, dont Lane Kenworthy, de l’Université de l’Arizona, animateur du blogue Consider the evidence. Ce dernier me répondait en disant pourquoi ma question n’était pas vraiment utile… Une réponse qui n’est pas sans intérêt : la sociologie est à la fois trop vaste (trop de champs spécialisés qu’il est difficile de suivre avec précision); et en même temps trop étroite : les questions intéressantes sont transversales, et demandent un examen interdisciplinaire (économie, politiques, sociologie) rendant caduque (ou presbyte !) l’appréhension d’un phénomène comme les inégalités sociales à travers la seule lunette sociologique; et finalement, il se disait moins enclin à traquer les nouveautés qu’à documenter des questions avec tous les savoirs disponibles, qu’ils soient anciens ou nouveaux. Sur ce dernier point il me suggérait un texte de Stanley Lieberson, ancien président de l’American Sociological Association. J’ai retracé ce texte de 1992 : Einstein, Renoir, And Greeley: Some Thoughts About Evidence in Sociology.

Et finalement, une réponse d’autant plus argumentée qu’elle est le résultat de l’intelligence collective des lecteurs du blogue en sociologie orgtheory.netFabio Rojas, de l’Université d’Indiana, répondait à ma question en avançant 5 candidats au titre de sociology’s most important breakthrough in ten years en identifiant pour chaque question quelques auteurs : l’évolution récente de l’inégalité globale (Firebaugh/Moran/Hung & Kucinskas); l’analyse statistique des réseaux (Wasserman with p*, Buskens goes to  ERGM in the 2000s); l’analyse des conséquences de l’emprisonnement massif des Noirs américains (Western, Pager, Quillian, Wacquant, Uggen); marqueurs génétiques et comportements sociaux (Guo, Udry); l’analyse de la financiarisation de l’économie américaine (Davis, Kripner, etc).

Les commentaires à cet article viennent ajouter des sources, ou argumenter pour des avancées sociologiques différentes : l’émergence féminine en formation universitaire; la dés-affiliation religieuse (aux USA) due à la politisation des dernières années… Allez-y voir par vous même… et peut-être laissez-y votre grain de sel ?

J’ai commencé de fouiller ces thèmes et trouver des sources, que je rassemblerai ici bientôt. Pour le moment, en vrac, les premiers qui me sont « tombés sous la main » : de Wakefield et Uggen, Incarceration and Stratification (pdf – 20 pages); à propos de l’analyse mathématique des réseaux : Exponential Random Graph (p*) Models for Social Networks (pdf – 30 pages) et An Introduction to Exponential Random Graph (p*) (pdf 25 pages) de Robins et al. – et tout un site est consacré à l’analyse de réseaux utilisant l’ERGM : MelNet. À propos des relations entre génétique et comportements sociaux, cenuméro spécial de l’American Journal of Sociology porte sur le thème. Trois articles y sont d’accès libre, même si celui de Pescosolido, cité par le commentateur « KMD » ne l’est pas. Mais on peut trouver cet article ailleurs : Under the Influence of Genetics :  How Transdisciplinarity Leads Us to Rethink Social Pathways to Illness (pdf, 31 pages).

Des lectures et travaux en perspectives ! Merci à ceux-celles qui m’ont répondu. D’autres se sont annoncés, en me disant qu’ils allaient y réfléchir.

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