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Aisha Ahmad Publié : 11 février 2025 12.07pm EST sur The Conversation
Alors que le président des États-Unis Donald Trump menace sans relâche d’annexer le Canada, certains Canadiens craignent qu’une invasion américaine ne devienne un jour une réalité.
Comment ce scénario se déroulerait-il ? En regardant la taille de l’armée américaine, beaucoup de gens pourraient croire que Trump jouirait d’une victoire facile.
Cette analyse est erronée. Si Trump décide un jour d’utiliser la force militaire pour annexer le Canada, le résultat ne sera pas déterminé par une confrontation militaire conventionnelle entre les armées canadienne et américaine. Au contraire, une invasion militaire du Canada déclencherait une résistance violente de plusieurs décennies, qui finirait par détruire les États-Unis.
Mais dans ce scénario cauchemardesque, les Canadiens pourraient-ils résister avec succès à une invasion américaine ? Absolument. Je le sais parce que j’ai étudié les insurrections dans le monde entier pendant plus de vingt ans et que j’ai passé du temps avec des gens ordinaires qui se sont battus contre de puissantes armées d’invasion.
Lire la suite : Attempting to annex Canada would spell disaster for the U.S. at home and abroad
Comment naissent les insurrections
Les recherches sur les guérillas montrent clairement que les parties les plus faibles peuvent utiliser des méthodes non conventionnelles pour paralyser un ennemi plus puissant pendant de nombreuses années. Cette approche considère la guerre comme un travail secret, à temps partiel, qu’une personne ordinaire peut effectuer.
Les guérilleros utilisent des embuscades, des raids et des attaques surprises pour saigner lentement une armée d’invasion, et les communautés locales soutiennent ces combattants en leur offrant des abris sûrs et un soutien matériel. Les citoyens qui les soutiennent peuvent également s’engager dans des formes de « résistance quotidienne », en utilisant des millions d’épisodes de sabotage passif-agressif pour frustrer et assécher l’ennemi.
Trump se fait des illusions s’il croit que 40 millions de Canadiens accepteront passivement la conquête sans résistance. Il n’y a pas de parti politique ou de dirigeant prêt à renoncer à la souveraineté canadienne pour des raisons de « coercition économique », et donc si les États-Unis voulaient annexer le Canada, ils devraient l’envahir.
Cette décision déclencherait un cycle de violence inarrêtable. Même en imaginant un scénario dans lequel le gouvernement canadien se rendrait sans condition, une bagarre s’ensuivrait dans les rues. Un adolescent pourrait lancer une pierre sur les soldats envahisseurs. Il se ferait tirer dessus, puis il y aurait d’autres pierres et d’autres coups de feu. Une insurrection serait inévitable.
Le mythe de la « gentillesse » canadienne
Cette idée peut choquer les Canadiens d’aujourd’hui, qui se considèrent comme des personnes amicales et affables. Cependant, l’image actuelle de « gentillesse » du Canada n’existe que parce qu’il est en paix. La guerre change les gens très rapidement, et les Canadiens ne sont pas plus pacifiques que n’importe quel autre être humain.
Lorsque votre enfant meurt dans vos bras, vous devenez capable de violence. Lorsque vous perdez ce que vous aimez, la résistance devient aussi naturelle que la respiration.
À l’exception de quelques collaborateurs et kapos, mes recherches suggèrent que de nombreux Canadiens s’engageraient probablement dans diverses formes de résistance quotidienne contre les forces d’invasion, qui pourraient impliquer le vol, le mensonge, la coupure de câbles et le détournement de fonds.
Pendant ce temps, les insurgés se livreraient à une dévastation physique des cibles américaines. Même si un pour cent de tous les Canadiens résistants s’engageaient dans une insurrection armée, cela constituerait une insurrection de 400 000 personnes, soit près de 10 fois la taille des talibans au début de la guerre d’Afghanistan. Si une fraction de ce nombre s’engageait dans des attaques violentes, elle mettrait le feu à l’ensemble du continent.
La géographie du Canada rendrait cette insurrection difficile à vaincre. Avec ses forêts profondes et ses montagnes escarpées, le nord du Canada ne peut être ni conquis ni contrôlé. Cela signifie que les loyalistes des forces armées canadiennes pourraient mobiliser des recrues civiles pour former des unités de combat décentralisées capables de frapper, de se replier dans la nature et de se fondre dans les communautés locales qui les soutiennent.
La frontière canado-américaine est également facile à franchir, ce qui permettrait aux insurgés d’accéder aux infrastructures critiques américaines. La construction d’un oléoduc coûte des dizaines de milliards de dollars, mais son explosion n’en coûte que quelques milliers.
Qu’en est-il des frappes aériennes américaines ?
Les Américains n’écraseraient-ils pas la rébellion à coups de missiles et de drones ? Ils essaieraient, mais cette approche de la contre-insurrection ne fonctionne pas.
En fait, il s’agit d’un piège bien connu de la guerre insurrectionnelle. Plus les nations puissantes frappent fort, plus l’insurrection s’élargit et se fragmente, rendant impossible toute victoire militaire ou tout accord négocié. Le terrain accidenté du Canada protégerait les insurgés de ce type d’attaques, tandis que l’indignation mondiale suscitée par les bombardements ne ferait que renforcer le soutien à la rébellion.
Les Américains ont déjà été vaincus par les insurgés dans de nombreuses régions du monde parce qu’ils n’ont pas pu échapper à ce piège. S’ils osent envahir le Canada, ils créeront ce problème de sécurité insoluble sur leur propre sol.
Montée en puissance de la Russie et de la Chine
Comment les Canadiens pourraient-ils payer pour cette insurrection qui dure depuis des décennies ? La réponse se trouve dans tous les exemples historiques du vieil adage : « L’ennemi de mon ennemi est mon ami ».
La perspective de voir les Américains pris au piège d’une insurrection sur leur propre continent réjouirait Moscou et Pékin, qui pourraient facilement établir des passages secrets vers le nord pour envoyer des armes à l’insurrection. Le financement d’une insurrection est un moyen efficace de piéger et de ruiner une puissance rivale, car les opérations de contre-insurrection sont exponentiellement plus coûteuses que le prix de quelques livraisons d’armes.
Une insurrection violente chronique en Amérique du Nord pourrait coincer financièrement et militairement les États-Unis pendant des décennies, ce qui finirait par provoquer un effondrement économique et politique. La Russie et la Chine, quant à elles, connaîtraient une montée en puissance incontestée.
Prévenu
Ce scénario garantirait la destruction du Canada et des États-Unis. Aucune personne saine d’esprit ne choisirait cet avenir effroyable plutôt qu’une alliance pacifique et mutuellement bénéfique avec un voisin ami.
Néanmoins, si Trump est assez imprudent pour penser que l’annexion violente du Canada est un objectif réalisable, qu’il sache que tous ces résultats horribles étaient prévisibles bien à l’avance, et qu’il a été prévenu.
Traduction de l’article : Why annexing Canada would destroy the United States paru sur le site The Conversation le 11 février 2025.