reconnaitre la valeur publique

Recognizing Public Value, par Mark H. MooreC’est le titre du dernier livre de Mark H. Moore, Recognizing Public Value. L’auteur qui a, dès 1995, défendu (introduit ?) la création de valeur publique comme stratégie alternative au New Public Management qui sévissait déjà.

Je tente ici d’esquisser (bien subjectivement) le propos d’un livre (450 pages) qui présente 7 cas de transformation de la mise en valeur, de la définition de l’action publique. Il s’agit du département de police de New York, de la ville de Washington D.C. au complet, du département du revenu du Minnesota, d’un programme de « welfare-to-work » de l’Illinois, de la mobilisation de Seattle autour de la gestion de ses déchets, d’un tableau de bord pour le progrès de l’Oregon et du département des services sociaux du Massachusetts. À travers ces exemples, l’auteur développe ses concepts et outils, dont le compte de valeur publique (public value account) et des  fiches de suivi (scorecards) pour les pôles ou perspectives de la légitimation et des opérations (voir les fiches numérisées à la fin). Ces trois pôles correspondant au triangle stratégique de la création de la valeur publique. (Voir B. Lévesque, dont je tire le paragraphe et le graphique suivants).

Triangle stratégique valeur, Moore

Le triangle stratégique de la valeur publique selon Moore s’appuie sur trois préoccupations qui doivent s’imposer aux dirigeants politiques et aux gestionnaires des services publics. En premier lieu, la définition de la valeur publique, soit concrètement la clarification des objectifs et des finalités des services qui doivent inclure la production de valeur non seulement pour les individus directement touchés mais aussi pour les communautés concernées, ce qui suppose de faire le lien entre l’usager et le citoyen et de faire appel à la délibération puisque la valeur publique est plurielle et qu’elle n’est jamais définie une fois pour toutes. Le gestionnaire public (public servant) joue un rôle important pour faire que cette préoccupation de la valeur publique soit effectivement prise en compte pour la production et la livraison des services publics. En deuxième lieu, la préoccupation pour la valeur publique ne peut se réaliser sans un environnement autorisé et légitime puisqu’il faut à la fois le support des autorités publiques et la construction d’une coalition des parties prenantes (usagers, communautés, secteur privé, secteur public, secteur associatif) aux intérêts diversifiés. En troisième lieu, la capacité opérationnelle de construction de biens et de services s’impose, ce qui renvoie à la faisabilité en termes de mobilisation des ressources opérationnelles (financières, personnelles, de compétences, technologiques) à l’intérieur et à l’extérieur des organisations nécessaires pour obtenir les résultats, y compris sur le plan de la valeur publique. À nouveau, la fonction publique joue un rôle important pour favoriser l’alignement de ces trois préoccupations dans la mise en œuvre. Continuer la lecture de « reconnaitre la valeur publique »

le manuel « maître » des résidences privées

Manuel d’application du règlement sur les résidences pour ainés

Le ministère vient de publier le Manuel d’application du Règlement sur les conditions d’obtention d’un certificat de conformité et les normes d’exploitation d’une résidence privée pour aînés – DOCUMENT MAÎTRE

140 pages, dont la moitié pour les 19 annexes, dont plusieurs décrivent les registres qui devront être établis et tenus à jour par les résidences (dates et lieux de formation des préposés, services offerts par la résidence et acceptés par chaque résident…). En voyant la liste des accords donnés pour transmission d’informations personnelles, et pour réception de services divers au moment de signer le bail, on se demande si les locataires ne devront pas dorénavant se faire accompagner d’un avocat !

Un manuel exigeant pour les résidences privées, mais aussi pour les CSSS, qui devront s’engager à donner des services complémentaires à ceux des résidences, accessibles rapidement. Sans doute plusieurs résidences ont déjà des ententes formelles et informelles, leurs résidents étant déjà souvent usagers des services à domicile des CSSS. Mais les contraintes administratives pèseront  plus lourd sur les petites résidences. L’application d’une telle règlementation assurera une qualité minimale, mais aura des conséquences couteuses pour les résidents.

L’obligation de signer des ententes formelles avec chaque résidence pourrait être l’occasion de préciser, affiner l’articulation entre l’offre de services publics et celle des résidences privées. Jusqu’où les CSSS soutiendront-ils cette période critique, en facilitant les acquisitions de compétences, les formations ad-hoc, le développement d’une offre de services de qualité dans les résidences de leur territoire ? La négociation des ententes se fera-t-elle sous le seul angle du rationnement, donnant à chaque résident une part équitable de ressources publiques rares de soins infirmiers… ou si on fera aussi la promotion de pratiques souhaitables (nutrition, loisir et socialisation, santé mentale, santé physique, prévention…) ? Peut-être la position initiale du CSSS ne doit-elle pas être vue comme seulement pourvoyeur de services mais aussi comme animateur d’un réseau : soutenir les échanges d’information et apprentissages entre partenaires; les résidences, pharmacies, associations d’ainés, cabinets médicaux sont tous des partenaires de ce réseau local; et les familles de ces ainés hébergés… où sont-elles dans ce réseau ?

partenaires invisibles des RLS

Le dernier paragraphe de la page web décrivant les réseaux locaux de services sur le site du MSSS se lit comme suit :

Le système sociosanitaire québécois compte près de 300 établissements offrant des services dans plus de 1700 points de service. Il regroupe près de 200 établissements publics, une cinquantaine d’établissements conventionnés sans but lucratif et une cinquantaine d’établissements privés offrant de l’hébergement et des soins de longue durée. Il compte également plus de 3 500 organismes communautaires et près de 2000 cliniques et cabinets privés de médecine.

J’ai été surpris de ne voir qu’une cinquantaine d’établissements privés d’hébergement et de soins de longue durée dans la liste des organisations comprises dans « le système sociosanitaire québécois ».  Pourtant plus de cent mille personnes âgées habitent dans des centaines de résidences offrant des services et reçoivent de l’État québécois plus de 200 M$ de financement par année (voir autre billet). Le fait que ce financement passe par un versement en argent au contribuable ne devrait pas faire oublier que pour une grande part ce financement est fait en contre-partie d’un achat de service à une organisation reconnue, accréditée. Un achat, fait par le client hébergé, qui représente trois fois plus d’argent que la part de l’État. Ne pas inscrire ces acteurs comme partie prenante du système sociosanitaire québécois, c’est méconnaître leur importance dans l’atteinte des objectifs des réseaux locaux de services.

Oui, ces objectifs « de rapprocher les services de la population et de les rendre plus accessibles, mieux coordonnés et continus » (définition du MSSS) ne semblent pas très contraignants ou intégrateurs.  Pourtant, sur le terrain, les réseaux intégrés de services se multiplient, autour de programmes spécifiques : santé mentale, perte d’autonomie liée au vieillissement, diabétiques, hypertendus…

RiS ou RLS ?

Il est sans doute plus facile de définir un « réseau intégré » avec ce que cela a de définitif, déterminé, lorsque le besoin est clairement identifié (une maladie, un diagnostic) et que les rôles des différentes parties du réseau le sont aussi. Encore plus si les clientèles sont définies et identifiées. Mais lorsque les rôles doivent s’adapter, fluctuer en fonction des conditions changeantes ou différentes des milieux de vie, des ressources disponibles dans ces milieux (dans  telle garderie ou dans telle résidence) – la définition d’un réseau intégré se complexifie. Encore plus si la clientèle doit être activement rejointe (reached-out). Il est parfois plus facile d’obtenir la collaboration d’un acteur autour des besoins d’une personne ou d’une famille si l’on ne formalise pas cette collaboration dans des rôles définitifs, des contrats formels. Ce qui ne veut pas dire que des définitions plus formelles et des contrats explicites définissant les responsabilités et moyens des acteurs ne soient pas utiles.

L’évolution des réseaux locaux de service vers une plus grande intégration et contractualisation doit être conçue en appui à une mobilisation ouverte vers plus de santé, d’équité et d’accessibilité plutôt que de représenter un enfermement des acteurs autour de programmes et clientèles définis une fois pour toutes. Certains réseaux de services et de collaboration entre fournisseurs (et entre fournisseurs et clients) peuvent sans doute atteindre une grande stabilité, dans la mesure où les ratios besoins/ressources sont stables, que les technologies et protocoles le sont aussi, que les clientèles ont été dépistées… Mais dès qu’un écart existe, persiste ou, pire, s’accroît entre les besoins perçus et les ressources disponibles il faut rediscuter, faire évoluer, transformer les modes et conditions de la collaboration. Dans ce contexte la contractualisation des relations devient moins importante que l’établissement d’une gouvernance souple, basée sur la confiance et capable d’initiative et d’innovation, d’expérimentation.

L’approche réseau et la responsabilité populationnelle n’ont pas éliminé la planification par programmes et clientèles ciblées. Au contraire on a vu croître dans la période où s’implantaient les CSSS (et la responsabilité populationnelle des RLS) une pression vers la standardisation des programmes (au nombre de neuf) à travers l’établissement de politiques-cadres nationales et de programmes cadres régionaux. De plus, une quantification des cibles à atteindre pour chaque CSSS et chaque programme fut établie à travers les ententes de gestion négociées avec les agences régionales. Ce contexte est-il favorable à l’exploration et l’innovation ?

La question n’est pas de nier l’intérêt des « bonnes pratiques » ou de la diffusion des mesures éprouvées — lorsque celles-ci existent. Mais lorsque les « bonnes pratiques » sont encore à inventer, que les programmes peinent à rejoindre leurs cibles ou à maintenir un minimum de continuité dans leur intervention, il peut devenir contre-productif de chercher à tout prix à mesurer l’output ou comptabiliser les gestes. Si 60% des enfants québécois de 0-5 ans sont inclus dans les programmes des CPE et maternelles mais que les enfants de milieux défavorisés y sont sous-représentés, c’est donc dire qu’un enfant sur deux venant de milieux pauvres n’est pas encore rejoint. Une approche intégrative visant à resserrer les boulons contractuels de l’intervention CSSS-CPE-Scolaire peut sans doute « optimiser » l’action auprès des enfants déjà rejoints mais elle ne peut remplacer la souplesse et la recherche nécessaires pour rejoindre ceux encore hors d’atteinte – notamment en travaillant avec ces « partenaires invisibles » que sont les services de garde en milieu familial « non régis ».

Dans le même sens si 10 % des personnes âgées habitent dans des résidences privées avec services mais que les personnes en provenance de ces résidences représentent de 40 à 60 % des entrées en CHSLD — cela devrait suffire à justifier une action concertée plus intégrée des deux réseaux. Mais comment les deux logiques à l’oeuvre (de service public/ de marché) s’articuleront-elles ? Un espace d’expérimentation et de réflexion d’autant plus important à nourrir que la croissance prévisible des besoins à ce niveau semble vertigineuse.

gouvernance en réseau et gestion de la valeur publique

J’ai voulu traduire, même imparfaitement, ce texte de Stoker  – Public Value Management, A New Narrative for Networked Governance ? (pdf), qui m’apparait le plus stimulant parmi ceux que j’ai lu autour de la question de la valeur publique. Le traduire parce que je sais que plusieurs collègues et citoyens engagés lecteurs de ce blog ne pratiquent que très peu la langue anglaise. Et puis cet effort de quelques heures — avec l’aide de Google — m’aura permis de mieux assimiler ce texte.

Pourquoi cette importance soudaine de la « valeur publique », et surtout de la « gestion » de la valeur publique ? Parce qu’on ne peut pas simplement opposer de la résistance passive aux efforts d’implantation de mesures de productivité, visant la performance, la pertinence ou l’accessibilité des services publics. Parce que si on ne se donne pas de théorie du changement, de théorie de la gestion, ce seront les théories des autres qui orienteront, donneront tout le sens à notre action. Mais surtout parce que nous avons des défis à relever, nous les citoyens et communautés préoccupés de la santé et du bienêtre d’aujourd’hui et de demain. Ces concepts me semblent très utiles pour mieux situer et comprendre le contexte et les perspectives ouvertes par la responsabilité populationnelle,  les réseaux locaux de services… Voici les premiers paragraphes de Stoker. Le lien vers le texte complet plus bas.

« La gouvernance en réseau (…) oblige l’Etat à orienter la société de nouvelle manière à travers le développement de réseaux complexes et la montée des approches ascendantes de la prise de décision. Les formes institutionnelles établies de gouvernance semblent remises en cause, et de nouvelles formes de gouvernance semblent émerger. La gouvernance en réseau est un cadrage particulier de la prise de décision collective qui se caractérise par une tendance à un plus grand nombre de participants qui seront considérés comme des membres légitimes du processus de prise de décision dans des contextes de grande incertitude et de complexité. On sent une pression pour trouver de nouvelles façons de collaborer alors que l’interdépendance des individus et des organisations s’intensifie.

«L’arrivée de gouvernance en réseau implique une façon différente de travailler pour les politiciens ainsi que pour les gestionnaires du secteur public ou ses administrateurs. Au niveau de la pratique, comme Kettl (2002) l’affirme, «les gestionnaires publics doivent s’appuyer sur des processus interpersonnels et interorganisationnels comme compléments – et parfois comme substituts – de l’autorité » (p. 168). Ils ont besoin, entre autres, de gérer à travers des réseaux, d’être ouvert à l’apprentissage de différentes façons de faire, et de puiser aux ressources de diverses provenances. Mais cet article soutient qu’ils ont besoin quelque chose de plus. Ils ont besoin d’imaginer un paradigme alternatif, un cadre global dans lequel mettre leurs nouvelles habitudes. Sans une théorie plus générale de l’administration publique pour la gouvernance en réseau, les administrateurs publics et les autres acteurs seront moins en mesure de caractériser la nature des systèmes émergents dans la gestion des services publics et des programmes, et encore moins d’évaluer les forces et les faiblesses de ces changements. »

Ma traduction du texte de Stoker : La gestion de la valeur publique : une nouvelle approche pour une gouvernance en réseau. [En format Word ou Acrobat Reader:  .docx .pdf ] Et si certains lecteurs ont des suggestions pour améliorer cette traduction plutôt rapide, je serais heureux de les recevoir, et les intégrer…

valeur publique

Après une première lecture enthousiaste de La nouvelle valeur publique, une alternative à la nouvelle gestion publique ?, à la seconde lecture j’ai été un peu déçu, trouvant l’insistance sur l’innovation trop importante à mon avis. N’est-ce pas sous le couvert de l’innovation que trop souvent on a tenté de réformer de manière économiste ou à courte vue le réseau public ces dernières années. La promotion d’une gestion plus collaborative, de l’importance de l’engagement des usagers dans le processus et l’orientation de la production de service, ne sont-ce pas la des approches, des manières particulières que nous avons tenté d’incarner, de développer au cours des dernières décennies dans des institutions associées au modèle québécois ?

Mais une troisième lecture m’a finalement réconcilié avec le travail de Benoît Lévesque car il s’agit d’une belle introduction au concept de la nouvelle valeur publique. Cependant la traduction du terme public value management par nouvelle valeur publique, que je trouvais intéressante de prime abord, me semble, elle aussi mettre trop l’accent sur l’innovation. Je préférerais le terme « gestion de la valeur publique » où plutôt que de mettre l’accent sur la nouveauté, on pourrait mettre l’accent sur ce qu’il y a de commun, d’hybridable entre les modes de l’administration traditionnelle, de la nouvelle gestion publique (NPM) et d’une autre approche capable de relever les défis d’aujourd’hui et de demain. Plutôt que d’opposer, ou de remplacer la nouvelle gestion publique par la nouvelle valeur publique, il s’agit bien de travailler à faire émerger une compréhension commune de l’intérêt collectif, de la valeur publique.

Est-ce là simplement une autre mode, ou tendance dans un monde de la gestion friand d’effets de manche (les Powerpoint) et de pop psychologie ?  Peut-être y aura-t-il une certaine « mode » autour de la « valeur publique ». C’est même souhaitable, si l’on veut inscrire ce concept dans les formations de masse données aux nouveaux managers qui remplaceront les BBBoomers qui s’en vont. Mais c’est surtout souhaitable pour sortir de l’impasse des confrontations sourdes de collaborateurs qui se méprisent plus facilement qu’ils ne s’estiment. Si nous voulons relever les défis sociaux qui nous confrontent plutôt que de crouler sous le traitement des maux qu’ils engendrent, nous devrons apprendre à travailler à plusieurs, ayant plusieurs points de vue, en s’entendant sur des principes, des objectifs tout en permettant la contribution de plusieurs partenaires.

Comment pourrons-nous relever le défi du vieillissement démographique sans accentuer les iniquités déjà grandes ? Sans augmenter plus encore le pouvoir des castes médicales ? Sans accroître indûment les charges sur la population active ? Il faudra que les retraités eux-mêmes (et tous les producteurs de services, pas seulement ceux du secteur publique) soient impliqués dans le débat, car les solutions ne seront pas seulement comptables ou pharmaceutiques. De la même manière l’accroissement de la couverture ET de la qualité des services à la petite enfance (CPE, garderies familiales) exigent de mobiliser les acteurs présents, les compétences et volontés déjà active dans ce champ — dans le respect des valeurs, de la culture, des désirs des familles utilisatrices et des productrices de ces services.

Cette orientation de gestion vers la valeur publique est essentielle devant de telles problématiques. La définition de la valeur publique résultant de la délibération des partenaires (parties prenantes – usagers, producteurs, administrateurs, élus) de telle manière manière qu’elle engage ces partenaires, pour en faire des co-producteurs. Les leaders d’une telle administration en réseau, inter-institutionnelle, devront jongler avec les contraintes internes vers la transparence et l’imputabilité et celles issues des échanges et engagements externes sur des terrains hors du contrôle immédiat de l’organisation. Des leaders qui doivent apprendre à manier avec délicatesse (a light touch) le pouvoir dont ils sont investis. (Government needs to learn to steer with a light touch, and the capacity and skills to act in such a way will have to be installed in the governance systems – Stoker –Public Value Management, A New Narrative for Networked Governance ?) Voir ma traduction de ce texte.

Élus, administrateurs, professionnels, militants et citoyens doivent trouver leur place autour de la table.

nouvelle valeur publique

Je parlais, en juin dernier (et ici du concept et , plus récemment) d’une version anglaise de ce texte de Benoît Lévesque (Social innovation and governance in public management systems: Limits of NPM and search for alternatives?). Voici donc la version française, documentée, éclairée de quelques graphiques. Merci, professeur Lévesque. Et merci à Jacques pour le lien.

Ce texte répond à la question que j’avais concernant la traduction en français du concept de Public Value Management (gestion de la valeur publique, gestion d’intérêt public ?) : La nouvelle valeur publique, une alternative à la nouvelle gestion publique ?  (pdf). Un texte publié dans la dernière livraison de la revue Vie économique dont le thème est L’État québécois: les enjeux actuels.

Ajout : Voir aussi sur ce thème la page où j’ai rassemblé plusieurs billets : À propos de valeur publique.

RLS et RLiS

Un atelier sur les réseaux locaux de services avait lieu mercredi dernier dans le cadre des JASP. Plusieurs interventions ont au cours de la journée mis en lumière des expériences intéressantes d’action locale en réseau visant la meilleure santé des populations. Mais aussi plusieurs ont souligné les difficultés, les freins qu’il faut dépasser, éviter pour qu’une véritable gouvernance en réseau se développe. Pas facile en effet de faire se concerter des organisations et professions qui ont toutes à défendre leur version de l’autonomie, des priorités, des meilleures méthodes… Et le rôle du CSSS dans tout ça ? Responsable ? Coordonnateur ? Animateur ?

On parle de « leadership partagé ». Un concept qui semble plus facile à énoncer qu’à incarner ! surtout lorsque votre propre leadership est soumis à des pressions directes pour plus d’imputabilité, plus de productivité… et que la « responsabilité populationnelle » qui justifie les efforts d’animation de ce réseau local de services ne fait même pas partie des objectifs mesurables du contrat de gestion qui vous lie.

Il y a sans doute beaucoup de raisons pour réduire à sa version minimale cette responsabilité populationnelle animant l’agir en réseau des partenaires locaux : j’ai pas assez d’argent, je dois augmenter ma productivité, j’ai de nouveaux employés à former pour remplacer ceux qui partent à la retraite, ou encore je dois négocier ma prochaine convention… Pourtant, dans la mesure où il y a encore beaucoup à faire pour rencontrer les besoins de demain, dans la mesure où il faudra innover encore (les méthodes éprouvées ne sont pas toutes trouvées !) pour faire travailler ensemble cliniques médicales, résidences pour aînés, services à domicile; services périnataux, de garde en milieu familial, services de soutien aux familles… il y a quelque chose à chérir et à découvrir dans cette gouvernance en réseau qui serait la marque, selon certains, d’un changement de paradigme nécessaire pour sortir du conflit paralysant entre la gestion publique traditionnelle qu’on accuse d’être couteuse et peu flexible et la nouvelle gestion publique (new public management) qui tend à réduire l’intérêt public à la somme des intérets individuels et a une fâcheuse tendance à prendre la gestion privée (orientée vers le moindre coût à court terme) comme modèle. Un changement de paradigme vers une gestion de la valeur publique (public value management – voir Stoker, Public Value Management: A New Narrative for Networked Governance ?) où la valeur ajoutée dans l’intérêt public est plus importante que le mode de livraison (secteur public ou privé); où l’identification de cette valeur publique est faite grâce une délibération entre les parties prenantes; où les leaders suivant cette nouvelle approche se montrent capables de soutenir cette délibération, cette action concertée d’acteurs provenant d’horizons divers. Continuer la lecture de « RLS et RLiS »

alternative au NPM

Une présentation succincte du New Public Management (nouvelle gestion publique) et de son influence, avec introduction d’une alternative : le Public Value Management. Un texte éclairant, comme toujours, par Benoît Lévesque : Social innovation and governance in public management systems : limits of NPM and search for alternative ? (pdf – 39 pages)

Ajout : disponible en français version  synthétique et légèrement modifiée par l’auteur.

Voir aussi :  O’Flynn – From New Public Management to Public Value: Paradigmatic Change and Managerial Implications, ou Stoker – Public Value Management, A New Narrative for Networked Governance ?

gérer le risque : le vrai et l’imaginaire

Le dernier numéro de la revue Télescope porte sur La gestion des risques (pdf – 233 pages).

On peut aussi charger les articles un à un à partir de la page du numéro actuel (mais qui ne sera celle de ce numéro que jusqu’à la sortie du prochain) ou encore en cliquant sur le lien du volume 16 numéro 2, dans la liste des publications.

Pandémie, tremblement de terre, terrorisme… quand on entend risque, on pense à ces évènements extraordinaires qui obligent les sociétés et les organisations à prendre des mesures spéciales, à mobiliser ressorts, ressources et créativité dans des contextes hors du commun ou pour atteindre des objectifs ponctuels, conjoncturels… Mais le risque n’est pas toujours équivalent à l’irruption de l’imprévisible comme le souligne Roux-Dufort : il est souvent le résultat de négligences soutenues, d’ignorances persistantes…

La gestion du risque n’est pas qu’un discours scientifique : c’est un enjeu politique (H1N1 en France); un discours idéologique porté par ceux qui sont parfois à l’origine des risques…

(1) l’analyse des risques est une activité sociale plutôt que scientifique; (2) l’analyse des risques ne guide pas les prises de décision pour qu’elles reflètent les risques, mais sert plutôt à justifier des décisions déjà prises par les élites; (3) les organisations qui emploient des experts de l’analyse des risques et qui déterminent les paramètres de cette analyse sont souvent impliquées dans la production de ces risques, elles ont tendance à se montrer intrinsèquement incapables de prendre en compte le potentiel de cas graves et participent parfois activement à la suppression de ces connaissances; [L’analyse des risques et leur dimensions sociales – K. Tierney]

http://www.enap.ca/OBSERVATOIRE/docs/Telescope/Volumes16/Telv16n2_gilbert-bourdeaux-raphael.pdf