CHSLD ou quoi ?

À propos des leçons à tirer de la tragédie qui s’est déroulée en 2020 dans les CHSLD et autres organisations de soins de longue durée. 

J’attendais avec impatience la sortie, le 4 mars, du livre de André Picard, journaliste au Globe and Mail. Ses analyses critiques sont habituellement solides et bien écrites. Et puis je me suis rappelé cet autre livre publié récemment, en juin dernier, sur la situation dans les CHSLD et les EHPAD, par des chercheurs, dont Yves Couturier et François Aubry avec qui j’ai pu collaborer dans le cadre d’ARIMA. Je crois que c’est en visitant la bibliothèque virtuelle d’EspaceRézo, mise en place pour soutenir les suites du projet de recherche partenariale ARIMA, que je me suis rappelé du livre de Aubry et Couturier.

Les deux sources documentaires principales pour ce billet : 

Pendant la plus grande partie de ma carrière comme organisateur communautaire dans le réseau de la santé j’ai travaillé de près avec les équipes de soins et services à domicile, de même qu’avec des associations d’aînés, pour développer et soutenir les services aux personnes âgées en perte d’autonomie. De 1976 à 2012 j’ai assisté à la croissance et la transformation des services à domicile de même qu’à la transformation des « centres d’accueil » en centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) qui, d’organisations indépendantes, ont été rattachées aux CSSS (puis, aujourd’hui, aux CIUSSS).

<Flash-mémoire>Une image me revient en mémoire de cette période du début de ma participation à l’équipe « maintien à domicile » du CLSC Hochelaga-Maisonneuve : je participe à un panel filmé avec un ministre du premier gouvernement Lévesque, le jésuite Jacques Couture. Le débat portait sur l’importance de développer les services à domicile plutôt que de construire des « centres d’accueil ». J’avais cité un exemple récent d’une aînée qui avait « cassé maison », c’est-à-dire vendu tous ses meubles, pour entrer dans un centre d’accueil mais qui avait finalement décidé de ressortir, parce qu’elle ne se sentait pas « si vieille ». C’était en janvier 1977 et notre équipe était souvent sollicitée pour témoigner des enjeux liés aux services à domicile… La première Politique de services à domicile du Québec sera adoptée en 1979. Je me souviens d’avoir utilisé, de manière un peu crasse, le passage concomitant du premier ministre René Lévesque à New York devant L’Economic Club pour laisser entendre que le gouvernement péquiste se préoccupait plus de l’opinion des capitalistes que des besoins des aînés ! J’avais 25 ans, j’étais encore marxiste-léniniste, et c’était (feu) l’Office du film du Québec qui avait filmé ce panel.<Fin>

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crédit d’impôt remboursable maintien à domicile

Le crédit d’impôt remboursable pour maintien à domicile d’une personne âgée est une mesure fiscale du gouvernement québécois visant les personnes de 70 ans et plus habitant une résidence avec service ou encore habitant un domicile ordinaire. Le coût de cette mesure est passé depuis 2005, de 91$M à 236$M en 2010 (249$M prévus en 2011). Voir le document Dépenses fiscales 2010, page 59.

J’étais curieux de voir la répartition géographique de l’utilisation de ce crédit d’impôt. De fait j’aurais aimé avoir une ventilation par territoire de CSSS… Pour le moment j’ai obtenu, pour l’année 2010, assez rapidement de la part du ministère des finances, une répartition par région administrative. Un total de 212 945 personnes de 70 ans et plus ont obtenu près de 245$M en crédits d’impôts pour le maintien à domicile pour personnes âgées. Je n’ai pu avoir le détail du type de résidences où logeaient ces personnes, seulement pour celles qui demandaient un remboursement anticipé mensuel, soit la moitié des personnes subventionnées. Pour ce groupe, soient quelques 106 000 contribuables, 91 % d’entre eux vivaient en résidences avec services.

La moyenne de remboursement, à l’échelle du Québec, était en 2010 de 1149 $ par personnes. À Montréal elle était de 1008$. Le dernier rapport détaillé Statistiques fiscales des particuliers disponible pour l’année d’imposition 2008 nous permet de voir l’utilisation de ce crédit d’impôt par MRC, régions administratives, mais aussi par circonscriptions électorales provinciales (ce qui est encore mieux que par CSSS !).

Ainsi, la moyenne des crédits d’impôt pour le maintien à domicile d’une personne âgée en 2008 était de 1137$ au Québec, 1044$ à Montréal, mais de 763 $ dans la circonscription de Rosemont, 825$ dans Hochelaga-Maisonneuve, 922$ dans Bourget, 854$ dans Anjou. Si on se déplace vers d’autres quartiers, mieux nantis, la moyenne de remboursement était de 1179$ dans Saint-Laurent, 1236$ dans D’Arcy-McGee et 1721$ dans Westmount-St-Louis.

Ce qui n’est pas surprenant considérant que le taux remboursement est unique, c’est à dire fixé à 30 % des dépenses admissibles. Ainsi faut-il que la personne débourse 70 % du coût du service pour obtenir un remboursement. Pourquoi n’y a-t-il pas une échelle progressive, comme c’est le cas du crédit d’impôt pour la garde d’enfants (qui représente 274$M par an) ?

ainés en résidences

Je crois bien que c’est en lisant l’article de Lafortune, Béland et Bergman Le vieillissement et les services de santé : une réorientation des pratiques cliniques plutôt qu’un défi économique (dans le dernier Vie économique) que je suis arrivé au rapport S’améliorer avec le temps : planifier, des systèmes de santé adaptés à la population vieillissante rendant compte d’une démarche de la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé. Une série de tables-rondes réalisées dans différentes régions du pays mettent en évidence la nécessité de mieux intégrer les soins, de faire plus de promotion, de mieux soutenir les aidants et les personnes vieillissantes… Ici le rapport synthèse, et ici le  compte rendu de la Table régionale du Québec (pdf) avec présentation de François Béland, dont voici quelques savoureux extraits :

L’évolution de la structure par âge, au Québec et dans le reste du Canada, attribuable au changement du taux de dépendance démographique, n’a pas en soi d’incidence directe sur la viabilité du régime d’assurance-maladie. (…) [A]u Québec, de 1998 à 2007, l’augmentation continue des dépenses de santé est principalement attribuable à la combinaison d’une hausse de l’utilisation et du prix des médicaments et des technologies médicales, et d’une hausse de l’utilisation des services (hausse du volume). (…) Les dépenses non couvertes par le régime d’assurance-maladie continueront de grimper à mesure que la population vieillit. (…) Une bonne part de l’augmentation des dépenses liées aux services de santé et sociaux associées à l’âge est en fait attribuable à l’utilisation des services de santé au cours  des dernières années de vie. On constate toutefois une diminution des dépenses de santé au cours de la dernière année de vie plus l’âge est élevé au moment du décès.

En outre, l’utilisation des soins de longue durée augmente avec l’âge, mais ces services ne sont pas couverts par le régime d’assurance-maladie. (GeV souligne) (Béland, 2010)

Tiré des conclusion du même rapport de la Table régionale : [L]es crédits d’impôt accordés aux personnes âgées qui bénéficient de soins à domicile sont un des programmes clés mis de l’avant par le gouvernement du Québec afin d’aider les personnes âgées à demeurer plus longtemps à la maison.

Parlant des soins de longue durée non couverts par le régime d’assurance-maladie, la commission parlementaire portant sur le projet de loi 16, modifiant principalement les procédure d’accréditation des résidences pour aînés, on retrouve dans les mémoires présentés à cette commission une belle brochette de points de vue sur la situation — mémoires de l’AQESSS, du Regroupement des résidences pour aînés, de l’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitéesLe Protecteur du citoyen (et plusieurs autres accessibles à la page Documents déposés du site de l’ANQ); Le Devoir de ce matin rapporte le point de vue de l’Ordre professionnel des diététistes sur la situation alimentaire des aînés en résidences.

Plusieurs de ces mémoires citaient ces deux sources d’information : Info-hébergement — un bulletin statistique disponible sur le nouveau Portail informationnel Santé et Services sociaux ; et Vieillissement de la population, état fonctionnel des personnes âgées et besoins futurs en soins de longue durée au Québec, un essai de prospective de Robert Choinière de l’INSPQ (voir aussi l’errata corrigeant le tableau 14). Le premier document trace le portrait des taux d’hébergement des personnes âgées, par sous-groupes d’âge et par type de service (CHSLD, RI, RTF et « résidences privées avec services »), tout cela par région administrative. Au total, sur les 140 190 personnes de 65 ans ou plus qui étaient hébergées au 31 mars 2009, 98 211 l’étaient dans des RPSPA (résidence privée avec services pour personnes âgées). Le document de l’INSPQ quant à lui tente d’établir une fourchette de besoins de soins prolongés (qu’il évalue de 12 à 24 % chez les personnes âgées de 65 ans et plus) à partir de trois modèles : les besoins d’aide pour les activités de la vie quotidienne (AVQ), suivant l’ESCC (Enquête sur la santé des collectivités canadiennes); les incapacités sévères et très sévères, suivant l’Enquête (post-censitaire) sur la participation et les limitations d’activités (EPLA); et les difficultés (souvent) avec les AVQ – tirées du recensement.

Un exercice qui lui permet de quantifier les besoins de soins de longue durée par région administrative, puis par territoire de CSSS (Tableau 13, pages 25 et ss). Ce qui met en lumière des différences importantes entre régions et entre CSSS, dues aux taux de personnes âgées mais aussi aux taux de besoins en AVQ selon l’âge. Si les taux pour chaque région demeurent assez stables, le nombre de personnes ayant des besoins de soins de longue durée doublera à l’échèle du Québec, d’ici 20 ans, et triplera dans certaines régions.

Ces études mettent aussi en lumière le fait que nous n’avons même pas de chiffres clairs sur le nombre de personnes vivant en institution : le recensement parle de 90 000 personnes en 2006, alors qu’il y en avait de 30 à 40 000 en CHSLD, c’est donc dire qu’une partie des personnes en résidences privées étaient comptées, mais pas toutes. De même, lorsque Choinière parle des services à domicile, à aucun moment il ne cite le nombre d’usagers de ces services : il est vrai que les services à domicile sont offerts à toutes les personnes, sans égard à l’âge et de plus en plus souvent, dans des domiciles qui sont des résidences privées. Si on veut avoir un portrait fidèle de la situation, il faudrait distinguer les lieux de résidence des clientèles desservies par les services à domicile, de même que les groupes d’âge (ce qui est déjà disponible).

Mais il y a une autre information qu’il serait utile d’inclure dans le portrait, et que je n’ai pas encore trouvée : le nombre de personnes âgées habitant en résidences privées soutenues (et à quelle hauteur) par le programme de Crédit d’impôt pour maintien à domicile d’une personne âgée. On retrouve même sur le site du ministère du revenu un outil de calcul du montant qui pourrait être perçu, selon l’état de la personne et les services reçus. Ces crédits donnent droit à un maximum de 4680$ pour une personne de 70 ans seule autonome, et 6480 $ si cette personne est non autonome. Ces crédits maximums représentent 30 % des dépenses admissibles : ainsi pour obtenir le maximum, une personne non autonome devra avoir payé 21 600 $ en frais de services (repas, entretien, soins personnels, soins infirmiers). Combien l’État a-t-il déboursé, par territoire de CSSS, pour ce crédit d’impôt, pour combien de personnes ? Cela devrait faire parti de l’équation quand il s’agit d’évaluer les besoins à combler en soins de longue durée. La pression sur les services publics est sans doute plus grande là où les aînés ont peu de moyens personnels, alors que dans les quartiers plus riches, l’État subventionne les services, à hauteur plus substantielle, par la porte toute discrète de l’impôt sur le revenu personnel.

trouver une résidence pour aînés

Lorsqu’il faut trouver une résidence offrant un niveau de services à la hauteur à la fois des besoins d’une personne fragilisée et de ses moyens (deux niveaux qui ont malheureusement tendance à fluctuer  de façon inverse !) les ressources et outils à notre disposition ne sont pas toujours à la mesure de la tâche.

Pour la liste des hébergements,

  1. On peut trouver une carte des résidences (privées) pour aînés sur le site du CMIS : (cliquer ici pour un commentaire audiovisuel 24-video-squaresur la consultation de cette carte)
  2. (ajout) Il y a aussi un Registre des résidences sur le site du MSSS avec fiches, cartes de localisation… Les liens utiles (de même que le commentaire de Jean) conduisent à l’ARCPQ
  3. Il y a le Bottin Aînés Hébergement, mais qui ne donne les infos (adresses et tél) que pour les résidences inscrites… et même là, les liens ne semblent pas à jour !
  4. Sur Aînés Info, il semble y avoir une liste de liste, mais ce sont des liens vers des sites privés, comme COGIR, une grande corpo dans le domaine avec qui notre CSSS a fait affaire récemment pour développer une « ressource non institutionnelle ».
  5. Il y a bien aussi ce Réseau Hébergement Québec… qui promet une aide personnalisée pour trouver une résidence… alors que son site donne d’abord l’impression de contenir des informations sur les résidences, il ne sert qu’à conduire vers des noms de « conseillers gratuits » ou encore à recueillir une foule d’informations personnelles. Comment peuvent-ils donner ce service gratuitement ?? Continuer la lecture de « trouver une résidence pour aînés »

améliorer les services dans les résidences pour aînés

Scandals surface on a depressingly regular basis. Ça me rappelle quelque chose… Il me semble que c’est aussi le cas ici, où l’on entend parler des maisons de retraite ou résidences pour personnes âgées seulement quand il y a un scandale, pour ensuite laisser la question sombrer dans l’oubli, jusqu’au prochain scandale. Pourtant dans le nouveau contexte organisationnel du réseau de la santé (approche populationnelle, réseau local de santé…) on peut imaginer autre chose que cette intervention pompier (et voyeuriste).

Tout d’abord, cesser de blâmer les travailleurs de ces résidences et services, pour la plupart mal payés.

« Firstly, we need to stop blaming individual practitioners and care homes. Good people working in poor environments with poor systems of care will inevitably produce poor quality care. »
« A whole systems approach is much more likely to succeed; for example, changing infrastructure, procedures, management techniques, and staff training. (…) Being valued (in financial and non-financial terms) and able to work in a system, atmosphere, and culture that recognises and rewards good quality, informed, thoughtful care is much more likely to be effective than merely providing more training. » [Health and welfare of older people in care homes]

Ces quelques articles récents du British Medical Journal ouvrent les bonnes pistes : de la formation mais aussi une atmosphère de collaboration et de respect. Il est tellement plus facile de jeter le discrédit (tout en se valorisant de sa propre qualité au passage) sur la petite maison de chambre mal tenue… Mais quand on paye 800$ par mois tout compris (logé-nourri) on ne peut en avoir pour 2 500$! Alors, à qui la faute si, pour 800$ ou 1000$ on ne peut se procurer la qualité de services qu’un professionnel du réseau public considère un minimum (pour lui-même ou ses proches) ?

How to bring about changes: « so that these people [the heads of the care homes] become the clinical heroes who can protect, inspire, and lead their staff in the Sisyphean task of long term care of elderly people. » (Via BMJ current issue.)

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sources de bonheur, inégalités d'utilisation des systèmes de santé

Des annonces tirées du Bulletin du Réseau sur le vieillissement. Bonne lecture et bonne semaine !

Sondage auprès des personnes de 55 ans et plus. Rapport de recherche (2006)
(…)La Chambre des notaires du Québec, en collaboration avec le Conseil des aînés du Québec, désirait sonder les aînés sur différents aspects les touchant, notamment leurs sources de bonheur et d’inquiétude, leur mode de vie, leurs attitudes et comportements à l’égard du travail ainsi qu’en matière de protection du patrimoine.

Inequality in health care use among older people in the United Kingdom: an analysis of panel data (2006)
Publié sur le site de la London School of Economics and Political Science, ce document analyse les inégalités dans l’utilisation des soins de santé chez les personnes âgées du Royaume-Uni. Les auteurs mettent l’accent sur les liens entre les inégalités de revenu, la santé et l’utilisation de certains services.

aînés avec déficits cognitifs; utilisateurs d'urgences

Publié sur le site de BMJ

[RESEARCH] Community based occupational therapy for patients with dementia and their care givers: randomised controlled trial: « Interventions 10 sessions of occupational therapy over five weeks, including cognitive and behavioural interventions, to train patients in the use of aids to compensate for cognitive decline and care givers in coping behaviours and supervision. » (…) Results Scores improved significantly relative to baseline in patients and care givers in the intervention group compared with the controls (Via BMJ Online First.)

Un résultat encourageant, décrivant les effets mesurables et persistants d’interventions courtes auprès d’aînés avec déficits cognitifs.

Une autre recherche de la même revue n’est pas aussi concluante : le suivi (case management) de personnes âgées à risque (utilisatrices de l’urgence) ne démontre pas (pas encore) d’effets positifs en terme d’hospitalisation, ou de mortalité… C’est une avenue qu’on songe à utiliser ici aussi. Les aînés qui se retrouvent à l’urgence, le font en bout de ligne… Peut-être que l’hypothèse d’un usage inapproprié et donc facilement résorbable est à revoir ? Ou encore il faudra plus qu’un suivi en case management.