nos villes et nos villages

dans des écosystèmes à protéger

Le projet de loi 16, amendant la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, a reçu quelques 33 mémoires déposés lors des consultations tenues à la fin avril

La lecture de ces mémoires m’a appris plusieurs choses.

La loi des mines prime sur la loi des villes. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les droits des « claims » miniers priment sur ceux des municipalités : aucune déclaration de zonage ne peut s’opposer au droit du propriétaire d’un claim1Un claim minier est un droit exclusif permettant de vérifier la présence de minerai sur un territoire de 160 000 mètres carrés. Pour moins de 100 $, l’acquisition d’un claim se fait en quelques minutes seulement par l’entremise de la plateforme de gestion des titres miniers (GESTIM) du ministère des Ressources naturelles et des Forêts.– Ici, le libellé de l’article 246 (voir ci-après) me semble donner beaucoup plus qu’un « droit de vérifier la présence ». .

Le fameux article 246 de l’actuelle Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) dont plusieurs (7) des mémoires déposés recommandent purement l’abrogation :

246. Aucune disposition de la présente loi, d’un plan métropolitain, d’un schéma, d’un règlement ou d’une résolution de contrôle intérimaire ou d’un règlement de zonage, de lotissement ou de construction ne peut avoir pour effet d’empêcher le jalonnement ou la désignation sur carte d’un claim, l’exploration, la recherche, la mise en valeur ou l’exploitation de substances minérales et de réservoirs souterrains, faits conformément à la Loi sur les mines (chapitre M‐13.1).

Une telle préséance du régime minier sur le régime d’aménagement du territoire freine ou empêche les efforts de protection du territoire. Comme le rappelle le mémoire de la SNPC2Société pour la nature et les parcs du Canada, section Québec : « [L]e régime minier actuel (…) permet l’obtention presque automatique d’un claim minier donnant à son propriétaire le droit d’effectuer d’importants travaux d’exploration y compris l’extraction d’un maximum de 50 tonnes métriques de minerais. »

Les mémoires sont accessibles en consultant la page des travaux de la Commission de l’aménagement du territoire, plus précisément ses Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme et d’autres dispositions. Les 33 mémoires déposés sont accessibles sous le lien « Mémoires« 3(colonne de droite, en haut, deuxième item sous le titre Document(s) associé(s) au mandat).

Une situation d’autant préoccupante que le nombre de « claims » a explosé, croissant de 65% au cours des deux dernières années :

Expropriation « déguisées » ou évaluations gonflées ?

Une autre demande, répétée par plusieurs intervenants à la commission, vise à protéger les élus contre les poursuites intentées par des propriétaires de terrains à développer : les expropriations déguisées. C’est d’ailleurs le premier point soulevé par l’Union des municipalités dans son mémoire. Quelques exemples de telles poursuites qui ont fait l’objet de reportages :

Il semble que les propriétaires au Québec sont avantagés (et les collectivités désavantagées) par la loi (extrait du mémoire de l’UMQ):

Le droit québécois en matière d’expropriation est basé sur une approche où l’indemnité versée à la partie expropriée se fonde sur la « valeur au propriétaire » plutôt que sur la « valeur marchande » de l’immeuble exproprié. La valeur au propriétaire est ainsi établie en considérant l’utilisation potentielle de l’immeuble par son propriétaire. Le Québec fait figure d’exception à ce niveau à l’échelle canadienne. Le calcul de l’indemnité d’expropriation sur la base de la valeur au propriétaire consacre le droit de propriété au détriment du droit de la collectivité de verser un prix juste, fidèle au marché et de nature à réparer les préjudices qui découlent directement de l’expropriation.

Mémoire de l’UMQ à la Commission sur le Projet de loi 16

Autrement dit, un propriétaire de terrain (de golf, par exemple) peut souhaiter y développer des centaines de logements… et demander qu’on lui verse tous les profits qu’il aurait fait si on lui interdit de le faire ! C’est ce qu’on peut entendre par la « valeur au propriétaire ». « La spéculation sur les milieux naturels ne devrait pas prévaloir sur l’intérêt collectif qui commande leur protection. », affirme le mémoire de l’UMQ.

Avec une telle logique on peut imaginer que tous les terrains potentiels seront achetés, prenant automatiquement la « valeur au propriétaire »… Ce sont les « claims miniers » qui s’invitent dans le tissu urbain ! Bon, des claims qui coûtent un peu plus que 100$…

Il faut « moderniser la Loi sur l’expropriation afin de faciliter l’acquisition d’immeubles, notamment pour la protection de milieux naturels« , (3e recommandation du mémoire de l’UMQ). La protection des milieux naturels, oui mais aussi le développement des services collectifs et de proximité nécessaires à la création de collectivités viables. Le mémoire de la Ville de Montréal souligne avec force ce que plusieurs ont identifié comme problème : les municipalités doivent fournir gratuitement les terrains pour la construction des écoles. « Plus de vingt projets de construction d’écoles sont actuellement prévus. Cela représente des coûts de près de 200 M$ seulement pour l’acquisition de terrain. » (mémoire de la ville de Montréal) Cent-vingt millions (120M$) pour la ville de Laval, qui prévoit 14 nouvelles écoles. Et 24 millions à Brossard, pour deux écoles. Pourquoi les terrains à Brossard sont-ils plus chers qu’à Montréal ? Ce devrait être moins cher en banlieue que sur l’île ? Est-ce parce que les écoles seront plus grandes ou bien que les égos y ont une « valeur au propriétaire » plus pesante ? Sur cette question de l’expropriation, le point de vue d’avocats défendant des propriétaires : Ce qu’il doit en coûter d’exproprier (La Presse, 12 avril 2023).

Les villes demandent que le Québec paie la note des terrains, en plus de celle des bâtiments, quand il décide qu’il y a besoin d’une école. Mais les villes demandent aussi que les écoles soient moins loin et moins grosses (et dépendantes du transport scolaire), ce qui semble la formule privilégiée actuellement par les administrations scolaires. Il serait sans doute plus facile aux municipalités d’assumer la contribution du terrain si le prix de celui-ci n’était pas gonflé par la « valeur au propriétaire ».

Parmi les autres choses apprises en lisant ces mémoires : il existe une Coalition des terrains de golf en transition ! Une appellation que j’ai d’abord trouvée surprenante, sans doute parce que le golf est associé pour moi à « faire des affaires »… mais en y repensant, le golf est aussi, souvent, le fait d’amoureux des espaces verts. Et le poids des joueurs de golf n’est sans doute pas très grand quand les dollars des développeurs viennent peser dans la balance. De là une Coalition de sept comités de citoyens défenseurs des golfs comme espaces verts à préserver qui «permettraient de répondre aux objectifs de développement urbain durable que s’est donnés la région métropolitaine ». En plus de promouvoir de meilleures conditions de consultation (six (6) des 13 recommandations du mémoire portent sur l’amélioration de la consultation publique) la Coalition fait des liens avec la Loi sur le développement durable (adoptée en 2006) ainsi que la Stratégie de Développement durable 2023-2028. Connaissiez-vous le principe des 3-30-300 ?

La règle du 3-30-300 mis de l’avant par l’OMS pour guider les pratiques de planification territoriales en milieu urbain :

  • chaque personne devrait pouvoir voir trois arbres à partir de son domicile;
  • le taux de canopée urbaine devrait être d’au moins 30%;
  • et l’accès à un espace vert devrait être à moins de 300 mètres d’un domicile.

Le mémoire présente la carte des territoires protégés qui ont évolués depuis 2002. Mais les résultats sont encore loin du compte, en particulier dans le sud.

Source : Ministère de l’environnement et de la lutte contre les changements climatiques; tirée du mémoire de la Coalition des terrains de golf en transition

« Pour être cohérent avec les engagements pris par gouvernement du Québec lors de la COP15, désormais nous devrons donc considérer que lorsque que nous avons moins de 30% de milieux naturels protégés dans une province naturelles ou un domaine bioclimatique, toutes les superficies qui restent sont rares et précieuses et doivent être conservées. De plus, un effort de restauration doit être déployer pour atteindre le 30%. »

« Les principaux obstacles à l’atteinte de la cible de conservation dans la province naturelle des Basses-terres du St-Laurent est liée à la forte pression d’urbanisation et la tenure privée de la majorité des terres. Pourtant, nous devons protéger et restaurer les milieux naturels qui s’y trouve pour lutter contre les effets des changement climatiques, contrer l’effondrement de sa biodiversité et donner un accès à la nature et aux espaces verts à sa population. »

Mémoire de la Coalition des terrains de golf en transition

Zonage différencié et abordable pérenne

Deux autres changements importants ont été demandés par plusieurs intervenants : l’ajout du qualificatif « pérenne » au vocable « logement abordable ».Dans la formulation de la Ville de Montréal, la recommandation clé 10Modifier la notion d’abordable par l’abordable pérenne, de façon à garantir la portée dans le temps.

Et l’ajout d’un « zonage différencié » au nouveau « zonage incitatif » prévu par le PL 16. Une demande soutenue par le Chantier de l’économie sociale (dont le mémoire s’intitule : Le zonage différencié, une réponse à la crise du logement au Québec), mais aussi par la ville de Montréal. Pour « offrir un bonus de densification octroyé spécifiquement au développement de logements pour les projets dont 100 % des unités construites sont abordables de façon pérenne. »

Si vous souhaitez vous plonger dans le texte des mémoires déposés :

Liste des mémoires sur le projet de loi 16
Union des municipalités du Québec (PDF, 956 Ko) 
Ordre des urbanistes du Québec (PDF, 1 Mo) 
-2_Entremise (PDF, 3 Mo) 
Alliance ARIANE (PDF, 1 Mo) 
Communauté métropolitaine de Montréal (PDF, 1 Mo) 
Michel Rochefort et Hélène Doyon (PDF, 858 Ko) 
Alliance des corporations d’habitations abordables du territoire du Grand Montréal (PDF, 862 Ko) 
Chantier de l’économie sociale (PDF, 1 Mo) 
Charles Breton-Desmeules (PDF, 2 Mo) 
Association professionnels construction habitation Québec (PDF, 2 Mo) 
Institut de développement urbain (PDF, 1 Mo) 
Ville de Laval (PDF, 9 Mo) 
Corporation Cadillac Fairview Limitée (PDF, 816 Ko) 
Association des directeurs généraux des municipalités du Québec (PDF, 765 Ko) 
Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (PDF, 622 Ko) 
Centre d’écologie urbaine de Montréal (PDF, 2 Mo) 
Société pour la nature et les parcs du Canada section Québec (PDF, 4 Mo) 
Fédération québécoise des municipalités (PDF, 7 Mo) 
Association des directeurs municipaux du Québec (PDF, 1 Mo) 
Association des aménagistes régionaux du Québec (PDF, 11 Mo) 
Regroupement des organismes de bassins versants du Québec (PDF, 6 Mo) 
Ville de Montréal (PDF, 839 Ko) 
Union des producteurs agricoles (PDF, 813 Ko) 
Ville de Québec (PDF, 706 Ko) 
Vivre en ville (PDF, 1 Mo) 
Corporation des officiers municipaux agréés du Québec (PDF, 985 Ko) 
Institut du nouveau monde (PDF, 1 Mo) 
Corridor appalachien (PDF, 914 Ko) 
Coalition Terrains de golf en transition (PDF, 1 Mo) 
Fédération des producteurs forestiers du Québec (PDF, 1 Mo) 
Collectif G15+ (PDF, 1 Mo) 
Association des architectes paysagistes du Québec (PDF, 1 Mo) 
Paré + Associés inc. (PDF, 1 Mo) 
Les liens conduisent au site gouvernemental. Si la disponibilité des documents vient à faire défaut, je pourrais déposer les documents sur un répertoire accessible de ce blogue.

Notes

  • 1
    Un claim minier est un droit exclusif permettant de vérifier la présence de minerai sur un territoire de 160 000 mètres carrés. Pour moins de 100 $, l’acquisition d’un claim se fait en quelques minutes seulement par l’entremise de la plateforme de gestion des titres miniers (GESTIM) du ministère des Ressources naturelles et des Forêts.– Ici, le libellé de l’article 246 (voir ci-après) me semble donner beaucoup plus qu’un « droit de vérifier la présence ».
  • 2
    Société pour la nature et les parcs du Canada, section Québec
  • 3
    (colonne de droite, en haut, deuxième item sous le titre Document(s) associé(s) au mandat)

combien grand ? comment vaincre ?

Éléments de réflexion éthique et stratégique

Il ne faut pas seulement verdir le code du bâtiment (isolation, énergie…) mais verdir le zonage ! Extraits d’un billet de Lloyd Alter sur Substack.

Le Canada est le troisième pays en superficie par personne dans les résidences, après l’Australie, les USA. Soixante-douze (72) mètres carrés par personne au Canada, contre 35 en Espagne, 43 en France… Avons-nous besoin de si grand ?

Mettre à niveau le stock actuel de logements, pas par petits projets ciblés ou exemplaires, mais systématiquement, massivement, rue par rue.

Et favoriser la construction de petits ensembles, quatre à six étages, en bois, minimisant le contenu carbone à la construction et à l’usage (chauffage, aération, climatisation).

« [T]he single biggest factor in the carbon footprint of our cities isn’t the amount of insulation in our walls, it’s the zoning ».
(Le plus grand facteur de l’empreinte carbone de nos villes ce n’est pas le degré d’isolation de nos murs, c’est le zonage)

How big should a home be? If you’re measuring upfront carbon, size matters. , par LLOYD ALTER

Une stratégie de lutte

La bataille du siècle, Stratégie d’action pour la génération climat, par Jon Palais. « [U]ne approche stratégique de la lutte. Le premier moteur d’engagement, c’est l’émotion, la colère, l’inquiétude. (…) On doit construire de la cohérence entre les strates et utiliser l’ensemble des leviers qui sont à notre disposition, en même temps. Si on les utilise les uns après les autres, ça ne fonctionne pas. » Extrait d’une entrevue avec l’auteur publiée sur Vert : « Ne serait-ce que pour durer longtemps dans la lutte, il faut être heureux, joyeux et solidaires« .

Je n’ai pas encore lu La bataille du siècle, mais je l’ai ajouté à ma tablette. Je veux terminer d’abord le texte trouvé il y a quelques mois mais oublié un temps : Disruptive seeds: a scenario approach to explore power shifts in sustainability transformations, (pdf 18 pages) par Lucas Rutting, Joost Vervoort et al.

Lecture que je viens de terminer, dont je retiens deux textes de la bibliographie étoffée (pour aller plus loin…) : Powershifts: a framework for assessing the growing impact of decentralized ownership of energy transitions on political decision-making, 2019, par Marie-Claire Brisbois; Power in sustainability transitions: analysing power and (dis)empowerment in transformative change towards sustainability, 2009, par Flor Avelino and Jan Rotmans.

À partir du modèle à Trois horizons, les auteurs de « Disruptive seeds… » se concentrent sur l’horizon 2, le moment où les initiatives perturbatrices (disruptive seeds, ma traduction) entrent en conflit avec les régimes dominants et peuvent saisir des « fenêtres d’opportunité » ou mobiliser des alliés pour renverser les rapports de force et s’imposer comme nouveau régime.

Extrait de Disruptive seeds: a scenario approach to explore power shifts in sustainability transformations

L’expérimentation a permis d’identifier, de raffiner des questions pour aider les participants à mieux cerner les moments, les facteurs et les acteurs (alliés ou opposés) d’une bataille à mener.
 

À l’ombre des tours à fric

Au moment d’écrire le billet précédent, Une place où vivre ou un placement ?, le 30 janvier dernier je n’avais pas encore pris connaissance d’un dossier publié en octobre 2022 par l’organisation Vivre en ville : Portes ouvertes – pour une sortie de crise durable en habitation (PO). Une synthèse impressionnante de 64 pages (pdf), complétée d’une annexe proposant 87 solutions pour l’abordabilité durable (PO-A) (pdf). 

Après un état des lieux en matière d’abordabilité et de durabilité : des prix inabordables dans les villes qui poussent vers un étalement urbain incompatible avec les objectifs de la transition climatique, le rapport met en lumière les grands gagnants de la crise actuelle. Les grands promoteurs immobiliers, les propriétaires de longue date, les investisseurs immobiliers, les courtiers immobiliers et les finances municipales. 

Graphique tiré de Portes ouverte, page 37

Il est notable que cette crise de l’accessibilité du logement est particulièrement marquée au Canada par rapport aux autres pays du G7 : 

Graphique tiré de Portes ouverte, page 24

Cette crise est complexe et il n’y aura pas de solution passe-partout. 

Pour en finir avec la crise de l’habitation et des changements climatiques, les défis à relever sont des défis de gouvernance et de solidarité. Les solutions mises en place ne seront jamais assez bonnes, assez innovantes, assez bien financées pour nous décharger de l’obligation de changer. Changer la façon dont on aménage le territoire, changer la façon dont on épargne de l’argent, changer la mesure d’espace que l’on se réserve à nous­-mêmes et que l’on protège des autres, changer ce qu’on exige de nos élus et de nos professionnels. (PO p. 26)

Quatre « portes à ouvrir » pour sortir de la crise : 

Combler le déficit d’espace habitable dans les milieux durables 

  • Réformer le cadre d’aménagement québécois
  • Augmenter les capacités résidentielles des milieux urbains
  • Encourager la densification
  • Freiner l’étalement urbain

Créer un marché immobilier sans spéculation 

  • Affranchir les municipalités de leur dépendance à l’appréciation foncière
  • Redistribuer la plus-value immobilière
  • Empêcher la spéculation sur les immeubles locatifs
  • Protéger le parc locatif de la conversion en hôtels clandestins

Construire une abondance d’unités à but non lucratif

  • Financer et coordonner les programmes de logements sociaux
  • Faciliter la mise en œuvre de projets innovants
  • Donner un avantage compétitif aux projets à but non lucratifs
  • Habiliter les municipalités à exploiter un parc immobilier rentable

Décupler la productivité du secteur de l’habitation

  • Remanier le cadre réglementaire
  • Uniformiser le processus de développement résidentiel
  • Prévenir le « pas dans ma cour » en fin de projet
  • Développer l’industrie locale pour établir une chaine d’approvisionnement

De cet ensemble de pistes qui exigeront audace et leadership j’ai été frappé par la proposition visant à Redistribuer la plus-value immobilière. Ma première réaction : c’est un peu comme le slogan « faisons payer les riches ». Mais en y repensant, il est vrai que la rente foncière et immobilière représente un profit généré par la collectivité : on achète un terrain, ou une habitation et, sans qu’on ait rien à faire, cette propriété prend de la valeur ! Cette valeur ajoutée est d’autant plus grande que le milieu de vie est jugé désirable… Et puis, ce n’est pas une idée neuve, même un économiste tel Sir Paul Collier la mettait de l’avant dans The Future of Capitalism (j’en ai parlé ici) ou encore le groupe Dark Matter qui proposait dans A Smart Commons de récupérer une partie de la plus value privée générée par les investissements publics. 

« Le sacrifice de l’épargne en immobilier est un passage obligé pour créer des conditions de marché au service de tous les consommateurs. Sans engagement concret et prolongé en ce sens, les portes des collectivités viables ne seront jamais ouvertes. » (PO p. 37)

Une telle idée ne serait pas facile à mettre en œuvre ! Évidemment il faudrait distinguer le propriétaire qui se construit une fortune à coup de flips et de rénovictions et le  petit propriétaire occupant qui a misé une (trop) grande partie de son épargne dans un logement onéreux… Mais à moins de se satisfaire de demi-mesures comme l’aide à l’accès à la propriété qui ne fait qu’ajouter au problème1« Les mesures de soutien à la demande constituent un remède plus nocif que le mal qu’il cherche à traiter » – PO p. 36, et d’accepter l’étalement urbain comme un phénomène inévitable, il faudra oser. En commençant par oser imaginer que la maison que j’ai achetée 100 000$ il y a 25 ans et qui « vaut » 750 000$, minimum, aujourd’hui… pourrait ne me rapporter que 500 K$. Pourquoi un investissement sécuritaire comme l’immobilier devrait-il rapporter du 8-9% par an alors que les placements sécuritaires ailleurs vous donneront (moins de) la moitié moins ? Il y a « quelque chose de pourri au royaume » de l’immobilier. 

Une autre idée radicale avancée par le document de Vivre en ville : taxer les terrains plutôt que le bâti qui s’y trouve. Une manière de favoriser la densité : trois unifamiliales occupant la même superficie de terrain qu’une tour de 20 étages supporteraient le même fardeau fiscal. 

Comment imaginer qu’on pourrait à la fois réduire, récupérer une bonne part de la plus-value au moment de la revente; augmenter substantiellement les taxes sur les petites propriétés (moins denses) tout en évitant une révoltedes électeurs-propriétaires ? 

  • En donnant quelque chose en retour à ces « victimes » du changement
  • En donnant beaucoup aux locataires actuels et futurs 
    qui sont (encore) majoritaires à Montréal !

L’ampleur du besoin

Comme le souligne le document de Vivre en ville, il faut construire plus que le strict minimum, afin de donner le choix aux gens, leur permettre de changer de logement suivant leurs besoins qui évoluent dans le temps. Mais aussi, ce que ne souligne pas assez le document Portes ouvertes, afin de rénover le stock actuel de logement : isolations thermique et sonore, systèmes de chauffage, climatisation, aération… Il faudra des logements où déplacer les ménages pendant que des rénovations importantes seront faites sur le stock actuel.

Répondre à l’ampleur du défi, en termes de qualité et quantité, exigera des efforts de recherche-développement en matériaux, techniques, processus, outillages et chaines d’approvisionnement. S’il faut à la fois multiplier la quantité et élever la qualité des habitations produites, ne peut-on imaginer la production en milieu contrôlé, par exemple la fabrication en usine d’unités, non pas des maisons mais des pièces-coquilles, à l’isolation thermique et sonore optimisées, conçues pour être facilement assemblées sur le terrain ?

Un effort de développement de la qualité et la productivité des processus qui devrait permettre d’expérimenter et définir des normes, des produits certifiés, des protocoles d’installation et de vérification qui auraient un effet d’émulation sur l’ensemble de l’industrie. 

Prendre au sérieux l’effort, le défi qui se pose devant nous, sous nos pieds, exigera un engagement collectif, une mobilisation de l’industrie vers des objectifs quantitatifs audacieux, composés, accrus par une obligation de rehaussement de la qualité et de la productivité, sans la facilité, le lubrifiant d’un taux de profit faramineux !

Choisir entre l’épargne et l’abordabilité ?

S’il est vrai que certains propriétaires considèrent le logement comme un investissement, escomptant un retour de 8-9 % par an, ou même 15-20% selon le produit (voir tableau 5 du document de l’IRIS, Analyse du marché immobilier et de la rentabilité du logement locatif, 2020), pour la majorité des gens la valeur de la propriété est virtuelle. Seuls ceux qui vendent aujourd’hui réalisent cette valeur. 

Pour plusieurs des propriétaires de longue date la valeur théorique de leur logement est… exagérée, pour ne pas dire ridiculement élevée. Et si on consacrait une partie de cette valeur spéculative pour construire du logement de qualité, à bon marché, adapté aux défis climatiques et de densité urbaine ? 

Faut-il vraiment, pour atteindre l’abordabilité, « sacrifier l’épargne », comme le suggère le document PO page 37 ? Ce n’est pas l’épargne qu’il faut sacrifier, c’est une épargne à croissance spéculative. S’il faut dégonfler la bulle pour orienter ailleurs et autrement l’industrie, ne pourrait-on offrir aux épargnants de participer volontairement à ces investissements socialement nécessaires ? Les retours seraient moins faramineux, mais ils permettraient de répondre aux besoins de demain, tout en améliorant le tissu urbain et la qualité de l’habiter. 

Quelques questions à éclaircir 

Qu’est-ce qui empêche Montréal de devenir propriétaire, tel que suggéré à la solution-clé #12 (PO p. 47) ?

  • La SHDM ne peut-elle être ce bras immobilier ?

Et si les conditions du marché restent les mêmes, les constructions nouvelles ou rénovations majeures conduiront à des prix similaires, non ? 

Mais Montréal a-t-elle les moyens d’investir ?

  • Alors qu’il faudrait des milliards (G$) pour acheter terrains et propriétés pour construire et rénover des dizaines de milliers de logements
  • Alors que certaines (?) contraintes réglementaires et légales empêchent les villes de… faire des déficits (?) d’investir et prendre la place, exercer une « compétition déloyale » à l’endroit du capital privé ?

Comment une récupération de la plus-value n’aura-t-elle pas d’effet inflationniste ? 

  • Le vendeur sachant qu’il sera surtaxé de 20% (hypothèse), pourrait augmenter d’autant le prix… et s’il a un acheteur à ce nouveau prix… La ville aurait obtenu des $$$ mais le marché serait encore plus fou ! 
  • En fait il y aurait moins de surenchère si la perspective de revente avec profits élevés devient plus difficile… 

Si, comme le suggérait l’étude de l’IRIS en 2020 : 

  • « Afin de limiter la spéculation immobilière et financer la construction de logements sociaux et communautaires, l’IRIS recommande notamment d’instaurer un impôt progressif sur le patrimoine et d’abolir la déduction pour gain en capital. »
  • Quel effet cela aurait-il sur les G$ de projets en cours de construction (ou ceux encore dans les cartons) ? Suivant la recension de imtl.org il y a présentement (2 mars 2023) 49 édifices de 12 à 63 étages en construction à Montréal, dont les plus importants valent plus d’un demi milliard $.  

L’effet d’un tel, hypothétique, virage serait une douche froide sur le marché, les achats comme placements seraient moins pressés ! Moins d’acheteurs = prix à la baisse. Mais les besoins de logements sont toujours là et si les prix baissent… ils seront plus nombreux à vouloir acheter… donc les prix à la hausse !

Et si la « taxe à la bulle immobilière » n’était pas qu’une simple taxe prélevée par la Ville mais en partie une forme d’actionnariat dans le développement d’un stock de logements abordables, de qualité, durables ? Autrement dit les propriétaires (et promoteurs) se voyaient offrir des actions ou obligations à long terme à rendement sobre, patient en compensation (partielle) de la perte des profit escomptés ? Des actions garanties par les gouvernements, soutenues par les fondations et municipalités, permettant que les nouveaux logements construits, même abordables, demeurent rentables… 

Mais si le marché de l’habitation devient moins spéculatif, les acheteurs de condos-placements se tourneront vers d’autres produits (marché boursier, condos-placements ailleurs…) et les promoteurs qui ont présentement à écouler des centaines d’unités risquent de voir leur château de cartes financier s’écrouler… 

Un malaise nécessaire

Je suis bien conscient de n’être pas un spécialiste, ni du secteur immobilier ni de la finance. J’ai acheté deux maisons dans ma vie. La première, en 1981, était un quintuplex dont le rez-de-chaussée faisait 13 pièces, avec des plafonds aux plâtres moulés à hauteur de 10 pieds. Nous étions tous pauvres, inexpérimentés et en principe opposés à la propriété (!) aussi nous avions proposé aux locataires de participer à l’achat en propriété indivise. Avec une mise de fonds de 1300$ chacun, nous avons pu acheter le quintuplex pour 58 000$.

Extrait de StreetView dans Google Map

Aujourd’hui, ces cinq logements valent « certainement »2Notez que je n’ai pas cherché à établir la valeur actuelle de ces propriétés. Il faudrait retracer les dernières transactions enregistrées, et projeter des valeurs ajustées à l’inflation du marché depuis… plus de 2M$ pris ensemble. 

La seconde maison était un duplex, acheté pour 100K$ en 1995. L’évaluation municipale en situe aujourd’hui la valeur à près de 750 K$ et le marché la valoriserait peut-être encore plus. 

Je ne suis pas spéculateur… même si certains m’accuseront de l’être dans le domaine des idées. Peut-être. Mais une idée n’est spéculation que si elle reste dans le domaine spéculatif sans s’incarner, se réaliser matériellement et socialement. Et il semble que les idées dont je parle ici, certaines d’entre elles certainement, se réalisent présentement. L’exemple le plus récent : la « sortie hors du marché spéculatif » de près de 400 logements à Drummondville, grâce à une initiative de SOLIDES, un propriétaire à but non lucratif, soutenue par « des prêts assurés par la SCHL et des partenaires privés, comme la Caisse d’économie solidaire Desjardins et la Fondation Lucie et André Chagnon ». 

Il faut résister à l’attrait du confort, celui intellectuel qui consiste à s’interdire de penser « hors de la boîte » des habitudes et manières normales, traditionnelles. La bulle immobilière, c’est un peu comme cette bulle de CO2 que nous avons accumulée et dont nous devons trouver moyen de la dégonfler, sans qu’elle n’éclate, si possible. Réduire la consommation d’énergie tout en changeant de combustible principal (et de processus industriels) pour produire cette énergie. 

La bulle immobilière s’est gonflée rapidement après la crise du dot.com et malgré la crise de 2008 a continué de croître. Une valeur refuge, plus sécure que les actions industrielles et qui rapporte autant. Continuer de gonfler la bulle pour permettre à ses enfants d’y participer en achetant malgré les prix exorbitants ? Ou pour maintenir son élan de croissance (ou sa survie) dans un marché payant ? 

Devrions-nous refuser d’explorer des solutions à hauteur des défis, parce que ça risque de choquer les susceptibilités et sentiments des investisseurs ? De les rendre insécures ? Pourtant une bonne partie de ces investisseurs sont des institutions (fonds de pension, fondations, fonds communs…) qui ont une obligation, morale sinon légale, de soutenir le développement de la société. Et puis, si les investissements immobiliers ne rapportent plus du 20-25% mais du 2-4% il faudra aux fonds de pension et consorts trouver de nouveaux filons pour maintenir leurs revenus… mais s’ils sont partenaires d’une amélioration notable de l’offre accessible et durable de logements, c’est dans une société plus riche qu’ils investiront. 

Merci de m’avoir lu jusqu’ici. Vos commentaires sont toujours les bienvenus, ici au bas de l’article ou par courriel : gilles.beauchamp@gmail.com

Autres sources :

Notes

  • 1
    « Les mesures de soutien à la demande constituent un remède plus nocif que le mal qu’il cherche à traiter » – PO p. 36
  • 2
    Notez que je n’ai pas cherché à établir la valeur actuelle de ces propriétés. Il faudrait retracer les dernières transactions enregistrées, et projeter des valeurs ajustées à l’inflation du marché depuis…

le mort saisit le vif

L’arrondissement d’Anjou s’apprête à paver son golf.

La société mourante se défend avec l’énergie du désespoir. Elle empoisonne les meilleurs éléments. Le mort saisit le vif.

Telle est la définition donnée au sens figuré de cette ancienne expression juridique dans le « wiktionaire« . Et je crois que cette expression vieillotte s’applique très bien aux manoeuvres actuelles de certains édiles municipaux.

L’expression m’est venue, sans doute, parce que l’on s’apprête à tuer des espaces vivants, à minéraliser un des rares espaces verts de l’Est de Montréal. Alors qu’il faudrait augmenter ces espaces et les relier entre eux, afin d’en accroître la résilience et la vivacité.

La proposition actuelle a été adoptée par le Conseil de l’arrondissement d’Anjou et elle est soumise depuis le 6 mars à la consultation populaire pour une période de 15 jours se terminant le 20 mars, soit dans 3 jours. La proposition vise à transformer le golf d’Anjou en un immense entrepôt entouré d’espaces de stationnement et de stockage. Mais le golf, ce n’est pas juste un golf. C’est d’abord une éponge pour les pluies, et une zone tampon de protection pour le parc adjacent. C’est une partie importante de l’hydrographie des ruisseaux qui irriguent et pourraient irriguer un Grand parc dans l’Est.

Le parc, le golf dans leur environnement
Le parc et le golf qui lui est adjacent sur deux côtés.

Voir aussi, pour une visite sur le terrain avec M. François Plourde (et merci pour la rapidité de la production !) :

Comme le soulignait le Conseil régional de l’environnement de Montréal, dans sa lettre du 16 mars dernier (Dézonage du golf d’Anjou : urgence de se prononcer!) :

« La consultation à grande échelle présentement en cours pour doter Montréal d’un Plan d’urbanisme et de mobilité digne du 21e siècle ne serait-elle pas une bonne occasion de nous demander, collectivement, comment lier relance économique verte et aménagement urbain ? Et plus spécifiquement : comment éviter de vendre nos derniers vastes terrains végétalisés aux GAFAM de ce monde, dans une vision court-termiste. »

Le Plan d’urbanisme et de mobilité à propos duquel la mairesse Plante annonçait, lors de son allocution de clôture à la conférence de Vivre en ville le 12 mars dernier, qu’une consultation serait lancée en juin… Est-ce que ça fait partie de la conversation nationale sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire, lancée en janvier dernier par le gouvernement de la CAQ ? J’ai eu beau chercher des infos sur le site de l’Office des consultations ou celui d’urbanisme… pas un mot.

Vous pouvez signifier à l’arrondissement votre désaccord ici. Pour un exemple de lettre à adresser au greffe d’Anjou (avant samedi, 20 mars, minuit) : Non au pavage du golf d’Anjou.

Promenade Jane Jacobs sur la rue Adam, prise 2

Les Promenades Jane Jacobs en sont à leur dixième année. Pour ma part, je reprendrai, le samedi 5 mai prochain, avec l’aide de deux étudiants en travail social de McGill, la promenade réalisée l’an dernier. Nous ferons deux promenades simultanées dont une en anglais. Vous pouvez consulter les fiches descriptives De la charité à la solidarité : initiatives communautaires dans Hochelaga-Maisonneuve (lien pour vous inscrire) et en anglais From Charity to Solidarity : Initiatives from Hochelaga-Maisonneuve (to register to the walk). Il n’y a pas de frais, c’est gratuit. Mais il est nécessaire de s’inscrire, car il y a un nombre limité de places.

Une marche de deux heures, le long de la rue Adam, entre Davidson et Viau… Pour voir le « pas-à-pas » du parcours, tel qu’établi l’an dernier : D’un parvis de l’église à l’autre, le pas à pas de notre parcours.

Le même pas-à-pas en anglais (Merci à Annabelle pour la traduction)

L’an dernier nous avions pu entrer visiter deux des organisations devant lesquelles notre marche nous amenait à passer : les Cuisines collectives et l’église St-Nom-de-Jésus. J’espère obtenir la même collaboration cette année. (Nous avons déjà obtenu confirmation de la Paroisse)

 

de la charité à la solidarité

C’est le chemin que je voulais parcourir, en passant d’un parvis d’église à l’autre sur cette rue Adam – dans le cadre des Promenades Jane Jacobs – où plusieurs lieux de culte ont été transformés en centres communautaires. Cliquez le lien ci-haut pour voir le détail du parcours de 3 km.

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L’église Saint-Clément-de-Viauville, coin Viau et Adam


Il y a une filiation de la charité catholique traditionnelle vers le travail communautaire, le travail social auprès des démunis, des poqués  de la société. La générosité et l’entraide, basées auparavant sur le sentiment d’appartenance à la même communauté religieuse et locale, générosité et entraide qui trouvaient à s’exprimer à travers des occasions et activités organisées par la paroisse ou une de ses nombreuses organisations de bienfaisance, ont migré, se sont transformées. L’ampleur des crises et l’enrichissement collectif de l’après-guerre ont amené l’établissement de programmes publics d’assurance et de soutien à la formation et la réinsertion des déplacés ou expulsés du marché du travail. Une intervention étatique qui arrivait à point nommé pour remplacer la ferveur chancelante de la charité catholique. Mais l’invention, sur le terrain, des modèles d’assistance et d’intervention profiteront de l’expertise et de l’engagement de plusieurs religieuses et religieux. Ils et elles ont été souvent des pionnières au coeur de plusieurs initiatives communautaires qui ont remplacé ou succédé aux anciennes soupes populaires et paniers de Noël.

Naturellement ces initiatives communautaires n’ont pas que remplacé la bienfaisance catholique, elles ont été portées et soutenues par des acteurs et des valeurs qui n’étaient pas que catholiques : démocratie, création, expression, liberté, autonomie, dignité, justice… Des valeurs portées par de nouvelles générations, croisées comme fers aux précédentes. Puis alliées entre elles contre la bêtise, la discrimination, le chauvinisme, l’égoïsme ou la bureaucratie…

Finalement je ne suis pas sûr que nous soyons passé de la charité à la solidarité. Il y a plutôt eu ajout, de solidarité à la charité, et des ajouts aussi de formes nouvelles de l’une et l’autre. Ce qui n’a pas empêché les frictions, les tensions d’être grandes lorsqu’il s’est agi de disposer d’un patrimoine collectif historique. Quelles levées de fonds a-t-il fallu faire pour racheter ou remodeler les lieux de culte désertés de Saint-Mathias et Saint-Barnabé ! Jusqu’où les fonds recueillis par la collectivité aujourd’hui doivent-ils être versés pour racheter à la Fabrique et l’Église ce qui a déjà été payé par la collectivité d’hier ? — plutôt que versé pour la transformation et la préservation du patrimoine ? Ces questions n’ont pas été faciles à résoudre, mais elles l’ont été, à l’évidence dans ces deux cas. Reste celui de l’église Saint-Clément… et de beaucoup d’autres sans doute ailleurs !

Il ne faut pas réduire la valeur historique de ces églises à leurs pierres et vitraux.

L’importance de l’investissement qui sera consenti pour acquérir et intégrer une ancienne église dans un projet collectif rehausse la dimension financière du projet mais ancre aussi sa dimension historique. Ce poids financier, nécessaire au changement de vocation du patrimoine bâti, devrait soutenir la construction symbolique du projet. Si le Resto Pop s’est développé pendant 20 ans avant de prendre possession de l’église Saint-Mathias, le CAP a pris racine dès son origine dans les locaux et les entrailles de la paroisse Saint-Barnabé.

L’ancien pensionnat pour jeunes filles, dirigé par les Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie (SNJM), est aujourd’hui devenu la Résidence Sainte-Émélie. Je découvre les archives de la congrégation de même que deux sites web consacrés à cette congrégation : snjm.org et snjm.qc.ca. Une bonne question posée par Soeur Janet Walton, dans un billet intitulé Les vieilles sages et le Chapitre général : Que pouvons-nous faire politiquement pour défier la domination du 1 %?

Je redécouvre aussi ce vieux site des Maisons anciennes de Maisonneuve. (site hors-ligne). Le lien direct vers les maisons de la rue Adam est plus rapide (déplacez-vous en cliquant sur le bouton « suivant » pour aller vers les maisons plus à l’est de la rue Adam). Les deux premières se situant l’ouest de la rue Pie-IX (4020 et 4073 rue Adam) et les autres plus à l’est. Vingt des 23 maisons sont situées entre 4677 (près de Sicard) et 4934 rue Adam (près de Viau). Au delà des églises, c’est la petite histoire de plusieurs belles demeures construites sur cette rue qu’on retrouve sur ce site.

Mais je termine ce billet en ayant l’impression de n’avoir qu’effleuré le sujet en titre… J’y reviendrai certainement d’autant que je viens de mettre la main sur ce dernier tome, tant attendu, de la série L’avènement de la démocratie de Marcel Gauchet, intitulé Le nouveau Monde : « Nous vivons la phase ultime de la « sortie de religion », la religion ne se résumant pas à la foi personnelle, comme nous la concevons aujourd’hui mais formant  le principe organisateur des sociétés d’avant la nôtre. »

Et aussi, pour donner du corps à cette réflexion sur l’héritage laissé par l’action des communautés et personnes religieuses au coeur de plusieurs organisations communautaires,  quelques titres pertinents trouvés à la Librairie Paulines : Et jamais l’huile ne tarit, de Gregory Baum; Entre Concile et révolution tranquille, l’histoire centenaire des Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie racontée par  Dominique Laperle; et puis L’aventure fraternelle des Capucins à Hull, de 1967 à 2014.

la promenade du 6 mai

Les choses se précisent et plusieurs personnes se sont déjà inscrites à notre promenade Jane Jacobs du 6 mai sur la rue Adam. Des messages ont été envoyés aux différentes organisations et paroisses installées le long de cette rue dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Déjà la paroisse St-Nom-de-Jésus offre d’ouvrir ses portes pour que nous puissions y jeter un coup d’oeil en passant.

Qu’est-ce qu’une Promenade Jane Jacobs ? Une façon de faire valoir et mieux connaître le riche patrimoine architectural de Montréal, une façon de partager son savoir : il s’agit de conversations entre voisins et citoyens et non d’un cours donné par un spécialiste. Une façon de célébrer le printemps en marchant sa ville, pour en découvrir un nouveau coin, ou revoir des lieux remplis de souvenirs ou de promesses d’avenir…

J’ai été organisateur communautaire au CLSC Hochelaga-Maisonneuve de 1976 à 2012. Depuis 40 ans j’ai eu la chance de voir naître ou se transformer plusieurs des institutions et organisations qui sont logées le long de la rue Adam dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. J’ai répondu à l’invitation de 150 conversations en marche, en proposant cette promenade d’environ 2 Km.

Un parcours où se juxtaposent les œuvres et les installations du Dr Julien, celles de deux paroisses catholiques (Saint-Rédempteur et Saint-Nom-de-Jésus), et de nombreuses organisations communautaires dont plusieurs ont des racines plongées dans l’action de communautés religieuses (Carrefour familial Hochelaga, Resto Pop, CAP St-Barnabé). On soulignera au passage le presbytère qui fut le siège social du CLSC pendant 30 ans avant d’être converti en la Maison des ainés Hochelaga-Maisonneuve en 2003. Une mission d’habitation à but non lucratif avec services que la Maison souhaite poursuivre avec un autre projet de conversion qui est toujours en discussion : la belle église St-Clément, sise au coin de Viau et Adam.

Coopératives et OBNL d’habitation, projets de la SHDM, de l’OMH, et projets privés de condominium ont participé à la réhabilitation du patrimoine industriel dont témoignent les ensembles entourant et incluant l’ancienne usine Viau, coin Ontario et Viau. Poursuivant sur la rue Viau jusqu’à l’emprise de l’ancienne voie ferrée récemment transformée en voie piétonne et cyclable, nous bifurquerons à l’ouest pour rejoindre le Marché Maisonneuve, non sans un coup de chapeau au Garage à musique, une autre organisation de la fondation du Dr Julien, logé dans un édifice de style Art Déco.

Pour vous inscrire : c’est gratuit mais le nombre de place est limité à 15.

Ici une affichette (format Word à imprimer) qui reprend les informations essentielles.

Durée de la promenade : une heure et demi.

Heure de départ : 10h00 au parc Hochelaga, coin Lafontaine et Davidson (H1W 2W4)

Voir photos du parcours dans le billet précédent.

conversation en marchant sur la rue Adam

J’ai proposé une promenade parmi les dizaines qui se tiendront les 5-6-7 mai prochain dans le cadre des 150 conversations en marche, l’édition 2017 des Promenades de Jane Jacobs . La mienne se tiendra le 6 mai de 10:00 à midi. L’activité est gratuite mais il faut s’inscrire.

Nous suivrons la rue Adam, d’ouest en est de Davidson à Viau, où plusieurs églises, presbytères et Caisses populaires ont été transformés en centres communautaires ou servent à des organisations communautaires. Une promenade de 2,5 km sur la rue Adam qui se terminera, après avoir remonté la rue Viau et longé les nouveaux développements, au marché Maisonneuve, après avoir longé d’est en ouest l’ancienne voie ferrée maintenant aménagée pour piétons et cyclistes. [Cliquez sur l’image pour voir l’album de 59 photos]

Promenade JJ Rue Adam
Photos prises le long du parcours suivi le 6 mai prochain. Avec vous ? Inscrivez-vous !

Qui est Jane Jacobs ?

fiscalité municipale

La dépendance au foncier induit une dynamique malsaine dans les villes car elles n’osent pas s’investir dans le développement durable et l’aménagement urbain. Si elles ne veulent pas augmenter les taxes de leurs citoyens, elles sont condamnées à élargir l’assiette fiscale par l’ajout de nouvelles unités de logement. Cette politique de la «fuite par en avant» est l’une des principale cause de l’étalement urbain [L’actualité, Brian Myles]

Oui c’est une belle question pour les candidats aux prochaines municipales, car sans règlement de ce problème de la diversité des sources fiscales, l’aménagement de la ville de demain sera impossible.  Taxes sur le carbone, mais aussi sur l’énergie en général — il faut arrêter de gaspiller l’électricité. Et pourquoi pas une taxe sur le gaspillage, sur les emballages inutiles et produits non recyclables. Des taxes qui permettraient de soutenir — non pas une diminution des taxes municipales, mais bien le développement de la densité, de l’aménagement d’une ville habitable à pied, et pas seulement au centre-ville. Évidemment de telles taxes demanderont d’être harmonisées, à l’échèle provinciale et fédérale et même poussées à l’internationale. Participant ainsi du mouvement des villes en transition vers un urbanisme compatible avec la survie de la planète.