biorégion, habitation, finances…

vendredi en vrac

Bilan démographique des régions du Québec

Le bilan démographique de chacune des 17 régions administratives est détaillé dans la publication Fiches démographiques – Les régions administratives du Québec en 2024 publiée aujourd’hui par l’Institut de la statistique du Québec.

Biorégionalisme

Bioregioning 101

[1h28 sur Youtube] J’ai écouté en activant les sous-titres, et la traduction automatique…

Introduction de la discussion :
Le siècle dernier a été marqué par l’essor de la mondialisation dans tous les sens du terme : production, culture, agriculture, consommation, etc. Cette tendance a apporté beaucoup de richesses et d’opportunités à de nombreuses personnes, mais qu’avons-nous perdu et oublié au cours de ce processus ?

En anglais mais avec sous-titres (en anglais ou en traduction française). Les trois invités du panel animé par Nate Hagens :

  • Daniel Christian Wahl, auteur de Designing Regenerative Cultures. Décrit comme le « Whole Earth Catalog » du 21e siècle, ce livre pose la question suivante : « Comment pouvons-nous collaborer à la création de diverses cultures régénératives adaptées aux conditions bioculturelles uniques d’un lieu ? Comment pouvons-nous créer des conditions propices à la vie ? »
  • Samantha Power, économiste régénératrice, futurologue et biorégionaliste, cofondatrice et directrice du BioFi Project, un collectif d’experts soutenant les biorégions dans la création de mécanismes de financement de la transition vers des économies régénératrices. Son nouveau livre, Bioregional Financing Facilities : Reimagining Finance to Regenerate Our Planet, explore ce concept.
  • Isabel Carlisle, communicatrice, éducatrice et organisatrice de projets à grande échelle au Bioregional Learning Center. Basé au Royaume-Uni, « nous créons des collaborations pour faire évoluer le sud du Devon vers une résilience climatique à long terme. Nous travaillons à l’intersection de l’économie, de l’écologie, de l’apprentissage, des arts et de la culture, ainsi que dans les zones intermédiaires. »

Une ressource citée par un des panelistes: la Ceinture alimen-terre liégeoise

Quelle est la profondeur des liens historiques et indigènes de l’humanité avec le mode de vie biorégional ? De quelle manière les individus peuvent-ils commencer à s’engager dans leurs biorégions locales et contribuer à un avenir régénérateur ? Enfin, comment un plus grand nombre d’êtres humains connectés et en relation avec la terre peuvent-ils influencer les sociétés et les cultures futures pour qu’elles soient plus en phase avec le bien-être de toutes les formes de vie ?

What is a Bioregion, and why do they matter?

Une vidéo de moins de 5 minutes, introduction au concept de biogégion. (sous-titres en français disponibles)

HABITER

Une autre vision de l’habiter, de la famille, des soins (care).

Une entrevue audio de 44 minutes. Feeling at Home Transforming the Politics of Housing
« Alva Gotby remet en question le mythe de l’accession à la propriété en tant que succès et plaide en faveur d’une politique de transformation qui privilégie la stabilité, la prise en charge et la communauté plutôt que le profit, en faisant valoir qu’un système de logement juste pourrait révolutionner l’existence quotidienne. »

Le livre – Feeling at Home: Transforming the Politics of Housing par Alva Gotby, une écrivaine et une organisatrice.

La construction de logements au « prix du marché » ne résout pas la crise du logement abordable.

« Dans les trois arrondissements montréalais les plus pauvres, soit Montréal-Nord, Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension et Le Sud-Ouest, [les loyers moyens] ont respectivement augmenté de 48 %, 59 % et 92 %. »
L’abordabilité n’a rien de naturel, elle « résulte la plupart du temps de politiques qui ont été adoptées dans le but précis de la préserver. »
L’abordabilité ne coule pas de source en habitation par Louis Gaudreau et Renaud Goyer, Le Devoir.

Le gouvernement du Québec rend disponibles ses terrains

Mesure phare de la Stratégie québécoise en habitation déposée en août dernier, celui-ci vise à rendre disponibles des terrains et bâtiments afin que les offices d’habitation, les organismes à but non lucratif et les coopératives d’habitation développent rapidement des projets d’habitation.

Une méthode qui a fait ses preuves contre le sans-abrisme

La ville de Manchester en Angleterre veut s’inspirer d’un dispositif finlandais qui fonctionne pour aider les sans-abris à relever la tête. Ici, un logement est proposé d’emblée au SDF sans condition préalable ainsi qu’un soutien personnalisé. Cette technique contraste avant les méthodes bureaucratiques culpabilisantes où ces derniers doivent d’abord prouver qu’ils cherchent un emploi.

FINANCE et capitalisme

Finance et planification économique

Un numéro spécial de la revue Competition and Change : Rethinking Economic Planning.

J’ai traduit cet article qui fait un survol riche en références (127) : Finance et planification économique

« La question est de savoir si et comment la planification peut être menée sous une forme plus démocratique et orientée vers les besoins sociaux et écologiques plutôt que vers la seule valeur actionnariale, mais aussi si les appareils de planification financière et leur pouvoir de coordination peuvent être appropriés pour une telle transformation.« 

Les six articles de ce dossier sont en accès libre :

Nancy Fraser on alternatives to capitalism

Le podcast de la semaine (selon The Syllabus).
Les alternatives significatives au capitalisme ne dépendent pas seulement de la démocratisation des processus de prise de décision, mais aussi de la réimagination des structures mêmes de la vie économique. Notre podcast de la semaine plaide en faveur d’une priorité donnée aux soins, à la gestion écologique et au bien-être collectif plutôt qu’au profit et à l’extraction incessante.

L’épisode du podcast Future Histories International dure 1h40. En anglais. Mais c’est Nancy Fraser ! Sur la page d’intro de l’épisode, plusieurs publications-sources citées.

Capitalism without growth (audio anglais)

Un épisode du podcast Macrodose. En anglais. Audio seulement.

« La politique est de plus en plus polarisée, mais s’il y a une chose sur laquelle les hommes politiques de tous les grands partis sont d’accord, c’est sur la croissance – que leurs rivaux politiques n’ont pas réussi à produire de la croissance, que nous en avons besoin davantage, et que l’obtention de cette croissance résoudra tous nos problèmes, de l’inégalité et de la pauvreté à l’effondrement des services publics et à l’immobilisation des investissements.

Mais tout le monde n’est pas d’accord. Pour un mouvement croissant d’économistes de la post-croissance et de la décroissance, la croissance économique n’est ni neutre ni souhaitable. Au contraire, beaucoup appellent de plus en plus à l’abandon de notre modèle économique dépendant de la croissance, au motif que la croissance effrénée conduit notre climat et nos écosystèmes au bord du gouffre.
Notre invité d’aujourd’hui, Hans Stegeman, est une figure inhabituelle dans cette communauté : un banquier qui souhaite que la finance, et plus largement l’économie, dépasse la croissance pour le bien de la planète. Hans est économiste en chef à la Banque Triodos, ainsi que l’un des principaux auteurs et penseurs de l’économie post-croissance. Dans l’épisode d’aujourd’hui, Hans et Adrienne discutent de la décroissance, du mythe de la finance verte et des raisons pour lesquelles la rupture avec les règles de l’économie traditionnelle est la première étape vers un avenir durable. »

Autres articles traduits de l’anglais

Notre avenir est peut-être en grande partie derrière nous

Traduction d’une entrevue avec Ruha Benjamin sur Urbanomnibus : Perhaps a Lot of Our Future Is Behind Us, 2025.01.16 – [Une référence The Syllabus]

L’auteure critique les technologies « intelligentes » et les projets futuristes – comme la colonisation de l’espace ou les « villes intelligentes » à forte surveillance – qui masquent les inégalités structurelles et renforcent les inégalités raciales et sociales. Au lieu de cela, elle plaide pour des formes d’imagination collectives et libératrices, enracinées dans les soins, les réalités vécues et les connaissances communes.

Malm et Mangione (extraits)

Au milieu de la décadence capitaliste, de la violence d’État et de l’effondrement écologique, Andreas Malm critique la violence politique et interroge l’immoralité des profits tirés de la destruction de la planète. Ce texte décrit les espoirs déçus sous Biden, du rétablissement post-pandémie à l’action climatique bloquée par les intérêts des entreprises et des combustibles fossiles, incarnés par Joe Manchin. L’aggravation des problèmes de santé et de la précarité économique ouvre la voie à la protestation dramatique de Luigi Mangione, qui dénonce la mainmise des entreprises sur la survie élémentaire. Mais les actes isolés ne démantèleront pas le pouvoir – seule une action collective soutenue peut le faire.

Le dépassement et l’objectif d’un réchauffement de 1,5 degré Celsius

Traduction de : OVERSHOOT AND THE 1.5-DEGREE CELSIUS WARMING TARGET de David Schwartzman. Il s’agit d’un long commentaire sur le livre Overshoot publié par Andreas Malm et Wim Carton.

Je me demande COMMENT Schwartzman compte s’y prendre pour réaliser ce qu’il nomme, en passant : L’élimination complète du complexe militaro-industriel, y compris de son infrastructure de combustibles fossiles, libérera de vastes quantités de matériaux, en particulier de métaux, pour la création d’une infrastructure mondiale d’énergie éolienne et solaire. On n’a pas l’air parti pour ça !

écologie sociale et capital

Du point de vue de l’écologie sociale, l’économie capitaliste repose ainsi sur quatre relations métaboliques fondamentales. À côté des relations de production et de consommation, qui sont les structures classiques qu’analyse l’économie politique, s’ajoutent les relations sociales d’extraction et de dissipation, relations métaboliques qui encadrent et déterminent le processus économique du capitalisme et son écologie.

Extrait de la présentation de The social ecology of capital, par Éric Pineault, dans le Bulletin de l’IRIS – publié (rediffusé) par PresseGauche

Pendant la plus grande partie de son existence (des centaines de milliers d’années) l’humanité (homo sapiens) a parcouru les continents en cueillant fruits et plantes comestibles, chassant et pêchant. Son impact sur l’environnement était limité par la rusticité de ses moyens (outils, armes) même si sa capacité d’action collective lui a permis d’affronter et même d’éradiquer certains des plus grands mammifères ayant vécu sur notre planète. 

Le langage et les artefacts développés par les humains permirent d’accumuler savoirs et techniques à propos des cycles de la nature, des modes et aires de reproduction des plantes et des animaux qu’ils apprirent à domestiquer. Le développement de l’agriculture et de l’élevage fournirent des surplus alimentaires. Il y a environ 12 000 ans, les premières formes d’écriture, d’architecture et de métallurgie ont augmenté la capacité des sociétés humaines de produire nourriture, outils, moyens de transport et armes. Cette nouvelle relation métabolique de l’humanité avec son environnement décuplait déjà sa capacité d’extraction par rapport au régime antérieur de cueillette et de chasse et pêche. Cités-États et empires se sont succédés, en conflit les uns avec les autres ou avec les peuples nomades qui les entouraient, ou plus simplement après l’épuisement des terres qu’ils cultivaient. Les savoirs cumulés permirent le harnachement des rivières et du vent pour faire tourner les moulins, et pour la navigation vers de nouveaux territoires. Les forces motrices du régime agraire étaient encore essentiellement celles des humains et des animaux domestiques. 

En utilisant la puissance des combustibles fossiles pour transformer à grande échelle et systématiquement d’autres ressources minérales telles que les métaux, l’industrie rompt également avec sa dépendance à l’égard de l’extraction et de la production médiatisées et limitées par un flux d’énergie et de matériaux provenant des cycles écologiques, tels que la transformation des arbres en charbon de bois pour fondre le fer, ou la transformation du grain en force musculaire incorporée pour extraire le minerai par le travail humain et le travail animal. C’est plutôt lorsque le charbon a été mis au travail pour extraire plus de charbon, que l’on peut considérer qu’une transition vers un nouveau régime métabolique avait commencé. pour qu’un nouveau régime fossile-industriel entre dans une longue phase de croissance exponentielle de la production, du débit (throughput) et de la population urbaine. 

A Social Ecology of Capital (p. 136)

Bien que le charbon ait été utilisé pour 20% des besoins de chauffage au milieu du XIXe en Angleterre, ce n’est qu’à partir du moment où ce même charbon fut utilisé, dans les premières pompes à vapeur, pour faciliter et accélérer l’extraction du charbon que nous sommes passés du régime agraire à celui de l’industrie-énergie fossile. C’est le passage d’une société basée sur une énergie essentiellement renouvelable (bois, vent, soleil, force animale) à une société basée sur une énergie fossile, accumulée sur des millions d’années, qui avait cette puissance concentrée extraordinaire.  

Continuer la lecture de « écologie sociale et capital »

sabotage et révolution

J’ai commencé d’écrire ce billet il y a. plusieurs semaines… il n’y avait pas encore la guerre de Gaza. La guerre de l’Ukraine et les tensions sino-américaines étaient bien là mais un nouveau front chaud au Moyen-Orient sous lequel l’Iran montre les dents pourrait-il déstabiliser le fragile équilibre international ? Par l’émergence d’une coalition Chine-Russie-Iran ? Ou bien le poids économique des USA pour la Chine (et vice-versa) comme acheteur de ses produits et fournisseur de biens et services saura-t-il freiner les manifestations guerrières ?

La même journée je recevais un poster de Adbusters et l’annonce du dernier numéro de la revue hexagonale Socialter, dont le thème était On se soulève et on casse ? Le premier pointait un doigt accusateur accompagné d’un impératif Fuck You s’adressant aux décideurs : Vous déclarez une urgence climatique globale avant la fin de l’année sans quoi Nous, le peuple du monde, allons nous soulever et paralyserons votre machine infernale ! Le numéro de Socialter quand à lui reprenait la question du sabotage 1et de la désobéissance civile récemment popularisée par Andreas Malm avec son Comment saboter un pipeline mais aussi, surtout, soulevée par la dureté des manifestations contre certains projets de développement (lignes de transport rapide, projet de « méga-bassines » à Sainte-Soline, dans le département français des Deux-Sèvres).

Il faut passer à l’action… les mots et les promesses qui sont proférés par nos dirigeants sont de plus en plus vides de sens et contredits quotidiennement par les gestes, ou encore par la passivité, le non-geste. Ces deux publications venaient, au même instant, donner du poids, du sens à cette impression diffuse mais persistante qu’il faut aller au-delà des mots, MAINTENANT. Il faut taper là où ça fait mal. Mais où ça, taper ? Sur les propriétaires de SUV, en dégonflant les pneus ? En forçant les participants à une conférence pétrolière à passer une barrière symbolique de reproches ?

J’ai été abonné à la revue Adbusters il y a une vingtaine d’années, du temps où cette petite maison d’édition de Vancouver menait des campagnes d’anti-publicité contre les grandes marques comme Nike, ces chaussures de sport haut-de-gamme fabriquées dans des usines insalubres, ou encore Absolut, cette boisson génératrice d’impotence2Voir image Le dernier numéro de la revue prend la forme d’un manifeste : Manitesfo for World Revolution.

Ce Manifeste pour la révolution mondiale se lit un peu comme les mémoires de Kalle Lasn, initiateur de la revue Adbusters qui fut aussi parmi les animateurs du mouvement Occupy Wall Street. Aujourd’hui agé de plus de 80 ans, il nous raconte ses premières années comme enfant lithuanien vivant dans des camps de réfugiés suite à l’invasion de son pays par l’URSS… ses études en Australie puis en Autriche, sa carrière comme jeune professionnel de la publicité à Tokyo, puis comme documentariste à l’ONF au milieu des années ’80. Comment il a été touché, transformé par les mouvements sociaux… de la Beat generation à Mai 68… à la contre-culture de San Francisco.

Les Beats nous ont donné la permission d’être sauvages et insouciants. Les situationnistes nous ont appris à vivre sans temps mort. Les hippies nous ont repoussés dans la nature. Les punks ont réglé notre radar pour détecter l’hypocrisie et notre volonté de résister. Les « fantassins » d’Occupy Wall Street nous ont fait croire que la révolution mondiale est possible – et ont donné le ton de ce qui est à venir.

Manifesto for World Revolution, p. 196. Ma traduction

En plus d’identifier 7 fronts3 sur lesquels je reviendrai dans un autre billet où mener bataille le manifeste raconte les débuts de la lutte de son groupe pour faire passer de courts messages anti-publicitaires sur les chaines télé au Canada et aux États-Unis. Bataille où toutes les grandes chaines ont refusé de diffuser les messages éducatifs de Adbusters. La contestation juridique s’est arrêtée avant d’atteindre les plus hautes cours, vu les moyens disproportionnés des mass media devant le groupe militant.

Autrement dit ça fait longtemps que la parole publique est muselée, limitée, formatée par les intérêts du commerce, de la finance et de la bienséance. D’ailleurs, la parole sur la place publique n’a-t-elle pas toujours été orientée, colorée politiquement ou culturellement ? La création des média professionnels, rendue possible par les revenus publicitaires, allait contribuer à la grande accélération non seulement en diffusant les messages d’incitation à la consommation mais aussi en refusant les messages qui pouvaient contredire, contrecarrer les effets délétères de notre société de consommation.

Un effet pervers du financement publicitaire des médias : il ne reste plus de place pour un discours alternatif, une remise en question de la mode, des us et des croyances; une recherche sérieuse de la vérité.

Socialter # 60La tragédie de la propriété : quand l’accaparement ruine la planète

Pourtant je dis cela (il n’y a plus de place pour un discours alternatif) alors que ce billet porte sur des publications « alternatives » diffusées librement sur le Net qui appellent à la révolution ou au soulèvement. Bon, la question du soulèvement est abordée, discutée dans le Socialter #59. Le débat entre Monbiot et Malm y est intéressant. Mais c’est la « lettre de lecteur » d’un chauffeur d’autobus en introduction du numéro qui m’a le plus « bluffé ».

Et les perspectives « révolutionnaires » de Adbusters-Kalle Lasn sont utopiques et radicales mais il y manque le « ventre de l’économie » pour en faire un programme capable d’ouvrir la poigne de fer, ou d’enfer qui enserre l’économie du monde.

Notes

  • 1
    et de la désobéissance civile
  • 2
    Voir image
  • 3
    sur lesquels je reviendrai dans un autre billet

moment de repos

Après une semaine de travaux « lourds » (merci Marc-Olivier !) : terrassement, muret, marches… je goûte le plaisir de ce nouvel endroit pour lire en fin d’après-midi…

L1011480

Un recueil de cinq textes, par autant d’auteurs, sous le titre Le capitalisme a-t-il un avenir ? aux éditions La Découverte.

le paquebot de l’extractivisme

Quelques réflexions suscitées par ce récent billet de Louis Favreau (État social (2) : le New Deal proposé par l’écologie politique) et celui qui l’a précédé (L’État social au Québec à une étape critique de son histoire : état des lieux (1)). 

L’économie sociale et solidaire, les mouvements écologiste et syndical sauront-ils à eux seuls faire virer le paquebot de l’extractivisme capitaliste ? À temps pour minimiser l’impact en retour des dettes environnementales accumulées jusqu’ici par la société industrielle ? Non, évidemment. Si, comme le dit Louis Favreau citant le BIT, l’économie sociale compte, à l’échelle internationale, pour « 10% du PIB, 10% des emplois, 10% de la finance » – en effet, « ce n’est pas rien ». Mais ça ne pèse pas lourd devant les 50% d’emplois, 60% du PIB et 80% de la finance (mes approximations) qui sont inscrits dans une stricte logique de marché. Il faudra plus que des positions communes et de la concertation (« sortir du travail en silo ») pour donner au 10% l’effet de levier nécessaire pour changer de cap, rapidement.

La verve avec laquelle Favreau tisse une synthèse de plusieurs écrits et mouvements est inspirante et nous donne un peu d’air dans une conjoncture étouffante. De quoi penser quand on a l’impression de tourner en rond. Nous t’en savons gré, Louis.

Mais j’ai des doutes, comme je viens de le dire, sur la capacité de cette « écologie politique » d’influencer l’orientation de l’État suffisamment pour transformer l’économie. J’ai aussi des réserves, de fortes réserves quand je le vois pester contre la professionnalisation (des mouvements sociaux, des organisations communautaires) [La professionnalisation de l’action collective a amené sur le devant de la scène le lobby, l’expertise, l’organisation de colloques…La transformation d’ex-militants en consultants et de chercheurs en experts – et j’aurais pu ajouter plusieurs autres citations. J’ai déjà critiqué cette façon qu’il a d’opposer militants et professionnels, groupes d’intérêt et mouvements sociaux. ]. Pourtant il reconnait que les forces progressistes ont « peu de présence dans l’espace public, espace plus occupé que jamais par les Think Tanks amoureux du « tout au marché » ». Il en faudra des professionnels de la finance, de l’écologie, de la politique et des communications pour déconstruire les idées préconçues instillées par les dits think tanks depuis des décennies.

Il en faudra des think tanks de gauche (et de centre aussi) pour faire connaitre des modèles alternatifs de développement. Et pas seulement alternatifs à la marge :  une alternative à cette société fondée sur l’extraction intensive (d’énergie, de matières, de richesses) sans égard à l’avenir. Une utopie « social-écologique », oui, mais qui se donne les moyens de ses ambitions. Qui ne reste pas qu’une utopie, donc. Comment pourrons-nous « contrer cette pensée et cette politique du « tout au marché » de plus en plus omniprésente » ? Ici, et ailleurs dans les deux textes de Favreau, je crois qu’il faudrait faire une distinction entre le marché et le capitalisme. Entre l’entreprise privée et le capitalisme. Un capitalisme dominé par les entreprises monopolistiques et la finance internationale. Un capitalisme financier bien servi par des gouvernements endettés, à genoux pour renouveler leurs emprunts et quémander des investissements.

Malgré une reconnaissance du bout des lèvres que les PME, c’est pas la même chose que le « capitalisme de marché globalisé », la conception de la société qui sous-tend l’utopie de Favreau est encore en noir et blanc : il y a l’État et le marché. Il faut faire fléchir l’État vers une orientation « social-écologique », grâce à une alliance des syndicats, coopératives et mutuelles… et quelques mouvements sociaux. Mais elle est où l’économie dans tout ça ? Pas juste l’économie des multinationales mais celle de ces milliers d’entreprises, petites et moyennes, qui emploient encore la majorité des travailleurs.

Comment allons-nous sortir ces travailleurs des « griffes » idéologiques des CAQ et autres partis de droite ? Beaucoup de ces petites entreprises sont le fait d’artisans qui ont gagné la confiance d’une clientèle par la qualité de leur produit et la fidélité, la proximité de leur service. Pour beaucoup de ces (petites) entreprises le capital financier a moins d’importance que le capital humain : la gestion, la motivation de leurs ressources humaines prend plus de place que la gestion financière. Le soin accordé aux relations à la clientèle prend plus de place que la gestion financière. Ces entreprises sont moins capitalistes que petites !

Si nous souhaitons encore vivre en démocratie, nous devrons mobiliser ces travailleurs et propriétaires de PME, les assurer qu’ils auront une place dans la nouvelle société que nous imaginons. Et ce n’est pas en brandissant le modèle coopératif que nous les convaincrons. Ni en promouvant le retour de l’État social, même renouvelé à la sauce écologique. Il nous faudra une approche plus inclusive, qui n’impose pas les solutions d’avant-garde comme modèles, mais saura inciter au changement même les entreprises privées.

Il y a plus de social qu’on le pense dans les PME « ordinaires ». (Voir Entreprises du XXIe siècle). Un social à reconnaitre, renforcer plutôt que de le mépriser. Si nous devons inventer un nouveau mode de production mieux adapté aux limites et au caractère fini des ressources de cette planète, ce sera avec le monde. La responsabilité sociale des entreprises, la mesure de leur impact social, le soutien aux dimensions sociales qu’elles incarnent sont des avenues à explorer, des expérimentations à faire.

Enfin, je suis surpris de ne pas trouver de lien dans le texte de Favreau vers la réflexion menée par le RIPESSVision globale de l’économie sociale solidaire: convergences et différences entre les concepts, définitions et cadres de référence. Enfin une clarification de la différence entre économie sociale et économie solidaire. Une définition inclusive, pluraliste de cette dernière. Des questions et stratégies que nous devrions étudier encore, notamment en vue du prochain Forum social mondial qui se tiendra à Montréal en 2016 !