données ouvertes et gouvernement ouvert

Du 7 au 13 mai prochain, on « célèbrera » la Semaine du gouvernement ouvert (Open Government Week). Pourquoi faudrait-il « jouer le jeu » de l’Open Government, du Gouvernement ouvert (GO) (1) et ainsi donner du crédit à un Parti Libéral qui se fait le champion du GO de par le monde ? N’en va-t-il pas des politiques d’ouverture et de données ouvertes comme des promesses de réduction des émissions nocives et de virage technologique : des paroles qui justifient ou critiquent l’inaction mais qui, ultimement, peuvent retarder le passage à l’acte, à l’action concrète qui impacte réellement notre prédation des ressources de la planète et des générations futures ?

Il faut jouer ce jeu-là comme il faut jouer le jeu de la démocratie… parce que malgré tous ses défauts, ça demeure le moins pire des systèmes. Et assurer un accès le plus ouvert possible aux données publiques et d’intérêt public, participe à la construction de la démocratie de demain.

Jouer le jeu ne veut pas dire suivre aveuglément ou docilement les règles. Ça veut dire discuter des chiffres, des résultats mais aussi des méthodes et des indicateurs utilisés. Cette capacité de définir et de changer les règles est d’ailleurs un principe essentiel de gestion de communs résilients (Ostrom).

Jouer le jeu veut aussi dire de ne pas aller trop vite ; pour tenir compte d’où les gens partent, de leur investissement, leur endettement ou dépendance à l’égard des règles et des systèmes actuellement dominants. Le vendeur d’automobile ou le travailleur des sables bitumineux ont plus à perdre devant les changements nécessaires qu’une bibliothécaire de quartier ou un professeur habitant une tour du centre-ville.

Jouer le jeu – des données ouvertes – pour comprendre, surveiller, appuyer les objectifs de développement visés – adoptés. « Canada lacks the mechanisms necessary to ensure that EDC’s operations are aligned with government objectives« , le G&M du 16 avril. Surveiller, prévenir, accompagner, commenter, critiquer, informer, soutenir, contrer… les actions et programmes publics grâce à un accès le plus ouvert possible aux données.

Mais cet accès ouvert aux données publiques n’implique-t-il pas une certaine paralysie, ou réduction de la capacité d’initiative et d’innovation du service public ? N’est-ce pas donner aux « privés » qui utiliseront ces données, sans être soumis aux mêmes exigences d’ouverture, un avantage stratégique, leur laisser l’initiative ? Est-ce que cela ne conduira pas le public à restreindre ses efforts en matière de lisibilité et d’accessibilité si un tel effort est vu comme une « compétition déloyale » à l’endroit d’entreprises qui souhaiteraient en faire leur pain et leur beurre ? De telles questions ne me semblent pas suffisamment présentes lorsque le bilan de mi-parcours du Plan d’action pour un gouvernement ouvert aborde la question du soutien à l’innovation et aux entreprises privées utilisatrices des données ouvertes (Objectif 15 du plan d’action). Il semble que cette question mériterait d’être discutée : « plusieurs acteurs de la société civile ont remis en question le niveau de fonds actuellement consacrés à la promotion du développement du secteur privé, en particulier par rapport au manque relatif de ressources disponibles pour les organisations de la société civile poursuivant des objectifs similaires. » Page 88 du Rapport d’étape 2016-2017, réalisé par Michael Karanicolas, de Right to Know Coalition of Nova Scotia pour le Mécanisme d’évaluation indépendant. Le rapporteur recommande d’ailleurs de « créer une structure parallèle pour l’incubation des programmes de la société civile dans ce domaine ». 

Si les organisations communautaires (OBNL, coop) ou à but lucratif peuvent tirer parti de cette ouverture pour développer leurs affaires et services, il faut prendre garde à ne pas affaiblir ou minimiser le rôle du service public. Pour qu’il y ait des données fiables, utiles et accessibles à partager, il faut une instance publique qualifiée, honnête et digne de confiance.

On a beaucoup parlé ces derniers temps de la protection des données personnelles… L’Europe s’apprête à implanter un nouveau régime de protection mettant l’accent sur un consentement plus éclairé à une utilisation plus transparente des données recueillies sur les usagers de plateformes telles Facebook ou Google. Pourtant l’enjeu ne se limite pas à une question de vie privée à protéger ; il s’agit aussi d’assurer l’administration équitable et éthique d’un savoir collectif tiré des données personnelles.

Prenons l’exemple de ces données très personnelles que sont les rapports d’impôts ou encore les dossiers médicaux. S’il est important de continuer de protéger le caractère privé et la confidentialité de ces données, l’analyse de la répartition géographique ou encore politique (comtés, villes) ou administrative des données ainsi recueillies est nécessaire pour assurer un accès équitable et judicieux aux crédits et services mis à disposition par les programmes publics. Analyser pour mieux comprendre afin de mieux agir. Comprendre d’abord, pour éviter que des décisions bien intentionnées, basées sur des données quantitatives trop simples (ex. : moyenne) ne viennent contrer l’intention visée, empirer une situation. Comme une politique qui viserait à réduire la médication de certaines personnes hébergées sans s’assurer que les conditions d’encadrement humain d’une personne dorénavant plus agitée soient réunies…

Voir Démocratieouverte.org, la communauté francophone de l’OpenGov

Ouvrir, partager les données publiques c’est aussi construire de nouvelles données, de nouvelles lectures des anciennes données ou encore établir de nouveaux indicateurs, de nouvelles méthodes qui s’articuleront à des institutions, des pratiques sociales et réseaux d’action.

Pour que les données ouvertes soient plus qu’une posture il faut qualifier l’utilité, l’utilisabilité de ces données. Harlan Yu et David G. Robinson (The New Ambiguity of “Open Government”) proposent une évaluation des données selon deux axes : l’un allant de la donnée inerte (exemple : un tableau en format PDF) à la donnée en format facilement manipulable (ex: flux de données lisibles mécaniquement) l’autre axe allant de la livraison de services (ex: horaires d’autobus) à la responsabilité publique ou imputabilité (ex: contrats gouvernementaux ou contributions aux campagnes politiques).

Et pour augmenter cette utilité et cette « utilisabilité » il faut en soutenir l’utilisation. Et pas seulement l’utilisation commerciale : une utilisation sociale, collective visant le bien commun qui permette l’exploration et l’innovation. En ce sens il serait important que le ministère de la Santé reprenne le développement interrompu par la disparition de la région de Montréal (comme instance), en matière de mise à disponibilité de données et d’outils de consultation sur l’utilisation et la performance du réseau (notamment la plate forme EMIS). Par ailleurs les fondations et autres utilisateurs concernés de la société civile (universités, OBNL…) pourraient, avec le soutien du Programme de gouvernement ouvert, concerter leurs efforts et leurs données afin de faire parler les données publiques et les rendre accessibles et utiles.

Le Canada se positionne comme leader international en tant que membre du comité directeur du Partenariat pour un gouvernement ouvert, de même qu’en tant que l’un des 7 gouvernements membres du D7 – les Digital Seven. Et pourtant, sur des questions aussi stratégiques que la Loi d’accès à l’information, l’identification des bénéficiaires ultimes des entreprises canadiennes ou encore la co-construction des politiques, le Canada est loin d’être à l’avant-garde(2,3,4). Si on ne veut pas que l’ouverture ne soit que poudre aux yeux et que ce qui devait contribuer à renforcer la démocratie finisse par accroître le cynisme à son égard, il faudra mieux qualifier les données et mieux soutenir leur utilisation. Soutenir la capacité d’utilisation des données dans l’intérêt commun devrait aussi accroître notre capacité à surveiller et réguler l’utilisation des données publiques et personnelles par les agences et conglomérats privés.

Sources :

capital, patrimoine, privé, public

Capital is back est un document de 900 pages disponible en ligne (en version intégrale ou écourtée – 50 pages) , avec fichiers Excel et graphiques… comparant sur une longue période (de 50 à 300 ans) la composition et l’évolution du capital des principales nations riches (occidentales), par Piketty et Zucman.

Daté de décembre 2013, ce document suit de quelques mois Le capital au XXIe siècle, publié au Seuil en septembre de la même année par Thomas Piketty, professeur à l’École d’économie de Paris et directeur d’études à l’EHESS. Ce dernier document (un pavé-papier de 970 pages) est lui aussi accompagné de ses annexes et des fichiers de référence (données brutes, graphiques et tableaux excel). On retrouve un extrait, ou le sommaire à cette page.

Je ne fais qu’amorcer ma plongée dans cette somme remarquable mais la disponibilité des données et graphiques me pousse à vous en parler immédiatement. L’évolution dans le temps et la comparaison entre régions du monde des revenus de rente, du poids relatif des patrimoines, du rôle de l’inflation dans la répartition des richesses… 

Fruit de quinze ans de recherches, cette étude, la plus ambitieuse jamais entreprise sur cette question, s’appuie sur des données historiques et comparatives bien plus vastes que tous les travaux antérieurs. Parcourant trois siècles et plus de vingt pays, elle renouvelle entièrement notre compréhension de la dynamique du capitalisme en situant sa contradiction fondamentale dans le rapport entre la croissance économique et le rendement du capital.

Si la diffusion des connaissances apparaît comme la force principale d’égalisation des conditions sur le long terme, à l’heure actuelle, le décrochage des plus hautes rémunérations et, plus encore, la concentration extrême des patrimoines menacent les valeurs de méritocratie et de justice sociale des sociétés démocratiques.

Les grands titres de la table des matières :

Première partie. Revenu et capital
 1. Revenu et production
 2. La croissance: illusions et réalités
Seconde partie. La dynamique du rapport capital/revenu
 3. Les métamorphoses du capital
 4. De la Vieille Europe au Nouveau monde
 5. Le rapport capital/revenu dans le long terme
 6. Le partage capital-travail au 21e siècle
Troisième partie. La structure des inégalités
 7. Inégalités et concentration: premiers repères
 8. Les deux mondes
 9. L’inégalité des revenus du travail
 10. L’inégalité de la propriété du capital
 11. Mérite et héritage dans le long terme
 12. L’inégalité mondiale des patrimoines au 21e siècle
Quatrième partie. Réguler le capital au 21e siècle
 13. Un Etat social pour le 21e siècle
 14. Repenser l’impôt progressif sur le revenu
 15. Un impôt mondial sur le capital
 16. La question de la dette publique

données ouvertes et transport en autobus

Un appel de Montréal Ouvert, début septembre, pour améliorer l’accès aux données de Montréal.

J’écrivais, le 11 septembre dernier, aux représentants de la « société civile » sur la Table de concertation sur l’ouverture des données de la Ville de Montréal :

Dans le domaine du transport public nous avons fait des progrès et c’est beaucoup plus agréable et efficace de se déplacer en autobus-métro maintenant. Mais on pourrait faire encore mieux, surtout depuis que les communications en temps-espace réel sont devenues abordables. Dans un contexte idéal les planifications horaires du système de transport en commun suffiraient à maintenir les coûts de transaction, les irritants, à un niveau acceptable. Mais les conditions ne sont pas idéales : les intempéries, les travaux et accidents routiers, les imprévus de toutes sortes rendent X % des voyages en décalage par rapport aux prévisions fines. Sûr qu’on ne peut prévoir quand arriveront et combien de temps dureront les arrêts du métro mais on pourrait au moins savoir où en est le prochain autobus sur la ligne. 

Ce que je voulais dire, en clair, c’est qu’il serait avantageux de doter les autobus d’une borne émettant sa position GPS qui pourrait être captée par quiconque ayant un cellulaire. En y repensant je me disais qu’il serait ainsi possible non seulement que l’autobus transmette en temps réel sa position géographique, mais ce faisant elle pourrait recevoir des messages en provenance des institutions, évènements, lieux significatifs des environs immédiats. Des messages pouvant changer, suivant les jours, moments, et parcours. Encore de la publicité ? De l’information… Je suis conscient du fait que la gestion du transport en commun, ce n’est pas la ville. Mais la STM a déjà fait des efforts à ce niveau, peut-être pourrait-elle encore innover ?

Et puis il y a la question du mode d’accès à cette information mobile : par téléphone (3G…) ou par Wi-Fi ? Un arrêt sur trois pourrait être doté d’une borne Wi-Fi… Je m’aventure ici à la limite de mes compétences. Est-ce faisable ? Et combien ça coûterait ?

transport et développement

Quel Avenir has been weighing up different transit funding options all week and now poses us the question: you have to fund the development and maintenance of transit in the urban area, which do you choose and why? An environmentalist also writes about the need for strong public transit to strengthen Montreal as it grows this century. – Kate, Mtlcity blog. J’ai ajouté le lien vers le blogue de La Presse Avenir Montréal

Par ailleurs, une « opération créative » se tiendra le 23 mai (L’Autobus des créateurs) dans le but d’améliorer l’expérience des usagers du transport en commun en utilisant des données ouvertes offertes ou pouvant être offertes par la Ville de Montréal. Il faut s’inscrire le 11 mai au plus tard et avoir un projet crédible…