groupe de travail informel et ouvert sur la biodiversité au delà des juridictions nationales

Je sais bien qu’on est en pleine campagne électorale municipale… mais je n’ai pu décrocher du sentiment d’urgence instillé par les rapports et documents qui appellent à une transformation radicale de nos procédés technologiques et pratiques industrielles. Les deux reportages récents diffusés à l’émission Découverte (Les changements climatiques : (1) état des lieux et (2) le mur) ne sont que les derniers à répéter : Nous nous dirigeons plein gaz vers une autre planète. Les cris d’alarme des scientifiques n’y changent rien.

Même si le dernier rapport du GIEC (résumé pour les décideurs [pdf-en] adopté le 27 septembre) consolide, pour les uns, les bases scientifiques de ses prévisions en expliquant les raisons probables de ses erreurs prévisionnelles passées, cela n’empêche pas les autres de prendre ces ajustements (aléas inévitables de toute démarche scientifique – Climate uncertainty shouldn’t mean inaction, G&M) comme des preuves d’incertitudes et de nouvelles raisons de procrastiner.

Pourtant, il faudra bien agir, très bientôt et c’est urgent, non seulement pour réduire enfin le émissions de gaz à effet de serre mais aussi protéger ce qui reste des ressources communes à l’humanité : le fonds des mers, l’air, l’eau, les métaux rares… Il faudra agir malgré l’incertitude. N’est-ce pas d’ailleurs le propre du politique que d’agir malgré le caractère incomplet de l’information détenue, malgré les opinions divergentes. Le style ou l’orientation politique dictera la manière et la profondeur de la prise en compte des divers avis afin de construire une société apte à respecter et mettre en oeuvre cette action publique.

Devant notre incapacité à protéger les milieux marins de pratiques de pêche destructrices je me dis qu’il faudrait une « police des mers » qui soit à la hauteur du défi. Des « casques bleus » de la mer capables d’arraisonner des bateaux-usines et de policer les espaces et espèces protégés. Des casques verts… ?

Il semble que ce soit une question déjà travaillée par un comité ad hoc de l’ONU.

Le paragraphe 162 du document L’avenir que nous voulons adopté par l’ONU en juillet 2012 (Rio+20).

avenir162. Nous sommes conscients de l’importance que revêtent la conservation et l’exploitation durable de la biodiversité marine dans les zones situées en dehors des juridictions nationales. Nous prenons note des travaux menés par le Groupe de travail spécial officieux à composition non limitée chargé d’étudier les questions relatives à la conservation et à l’exploitation durable de la biodiversité marine dans les zones situées au-delà des limites de la juridiction nationale sous l’égide de l’Assemblée générale. Nous appuyant sur ces travaux, nous nous engageons à nous attaquer d’urgence, avant la fin de la soixante-neuvième session de l’Assemblée générale, à la question de la conservation et de l’exploitation durable de la diversité biologique marine dans les zones qui ne relèvent pas des juridictions nationales, notamment en prenant une décision sur l’élaboration d’un instrument international dans le cadre de la Convention sur le droit de la mer. (Je souligne)

Ce « groupe de travail spécial officieux à composition non limitée » (Ad Hoc Open-ended Informal Working Group) tenait sa sixième rencontre du 19 au 23 août dernier (résumé des travaux par IISD.ca – voir aussi le « Advanced, unedited rewporting material » (pdf 12 p.) rédigé par les co-présidents du Groupe de travail) . De son nom officiel : Groupe de travail spécial officieux à composition non limitée chargé d’étudier les questions relatives à la conservation et à l’exploitation durable de la biodiversité marine dans les zones situées au-delà des limites de la juridiction nationale. La zone BADJN. Ce groupe avait tenu les 2 et 3 mai et les 6 et 7 mai 2013, deux « ateliers intersessions visant à mieux comprendre les problèmes et à préciser des questions clefs afin de contribuer aux travaux du Groupe de travail » (résumé des délibérations – 38 pages – tiré du site officiel du Groupe de travail). Origine de ce comité : paragraphe 73 de la résolution 59/24 – Les océans et le droit de la mer, adopté par l’assemblée générale des Nations unies le 17 novembre 2004 :

73.  Décide de créer un groupe de travail spécial officieux à composition non limitée qui sera chargé d’étudier les questions relatives à la conservation et à l’exploitation durable de la biodiversité marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale, en vue :

a) De recenser les activités passées et présentes de l’Organisation des Nations Unies et des autres organisations internationales compétentes concernant la conservation et l’exploitation durable de la biodiversité marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale ; b) D’examiner les aspects scientifiques, techniques, économiques, juridiques, écologiques, socioéconomiques et autres de ces questions; c) D’identifier les principaux enjeux et les questions devant faire l’objet d’études plus poussées pour faciliter leur examen par les États ; d) D’indiquer, le cas échéant, les solutions et méthodes permettant de promouvoir la coopération et la coordination internationales pour la conservation et l’exploitation durable de la biodiversité marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale ; [source: résolutions de la 59e assemblée générale de l’ONU]

La première réunion de ce groupe de travail s’est tenue au Siège de l’Organisation des Nations Unies du 13 au 17 février 2006. Il en était à sa sixième rencontre en août dernier, soit près d’une rencontre par an depuis sa création.

*_*_*

Le caractère ouvert de ces comités permet d’accueillir des participants de la société civile, du monde scientifique et industriel autant que de l’activisme citoyen. Mais les représentants des États ont encore des privilèges et prérogatives, comme de participer au huis-clos des « amis de la présidence » qui décide, finalement, des agendas ou résolutions. Ce qui n’est pas pour plaire aux participants issus des organisations de la société civile.

Mais les travaux avancent tout de même et les diverses contributions de la société civile se posent comme la base d’un éventuel « instrument », d’un accord ou mieux, d’une renégociation de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM). D’autres comités ouverts à la participation de la société civile semblent sur le point de conclure des ententes, notamment sur la surveillance et l’élimination du mercure : la Convention de Minamata sur le Mercure doit être signée, demain 10 octobre 2013 à Minamata.

*_*_*_*_*

Les travaux sont lents, complexes. Ce comité sur la BADJN a commencé son travail en 2006, et prévoit aboutir à une décision prise par l’ONU lors de sa soixante-neuvième session (2014-2015). Pendant ce temps, on pêche 10 fois plus qu’on déclare officiellement de prises : « les navires de pêche chinois ont siphonné, loin de leurs côtes, entre 3,4 millions et 6,1 millions de tonnes de poissons par an entre 2000 et 2011. Dans le même temps, Pékin ne déclarait que 368 000 tonnes de poisson en moyenne auprès de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Douze fois moins que la réalité estimée par les spécialistes des ressources halieutiques ! » (Le Monde, 2013.04.04)

*_*_*_*_*_*_*

Nous ne savons pas exactement, pas encore, ce qu’il faut faire, ni comment le faire. Mais nous le saurons de mieux en mieux, et il faudra alors avoir le moyen de mettre en oeuvre ce savoir. La construction de cette capacité d’agir, distincte du développement du savoir, doit se faire en même temps mais en parallèle que celle de notre capacité de comprendre et de surveiller.

Je termine ce parcours réflexif avec un peu la même question qu’au départ, mais mieux informée : les structures actuelles de représentation et de négociation internationales sont-elles adaptées à l’urgence de la situation ? J’en arrive à me demander si nous ne devrions pas bâtir une véritable gouvernance internationale basée sur la représentation directe plutôt que des représentations d’États… Ce sera pour un autre billet.

métro, tramway et SRB

François Cardinal publiait hier  une entrevue avec Enrique Peñalosa, ancien maire de Bogota. Son message : développer les SRB (services rapides par bus) est une solution à privilégier plutôt que le prolongement du métro, et même les tramways qui sont (re)devenus à la mode… C’est d’ailleurs ce que disait Cardinal dans une de ses contributions aux 101 idées pour Montréal, et c’est aussi ce que laisse entendre cet article tiré de The Atlantic Cities When It Comes to Streetcars and Economic Development, There’s So Much We Don’t Know. Je n’ai pas encore terminé la formulation de la 102e idée pour relancer Montréal, la mienne…

Dans ce contexte je me demande comment prendre cette annonce du gouvernement Marois à propos du prolongement du métro. À 300M$ du kilomètre, c’est une facture de 2G$ qu’on se prépare… Restera-t-il des sous pour les solutions plus immédiates et moins couteuses que sont les voies réservées pour bus rapides (SRB) ? Il semble que cette avenue soit reprise par tous les candidats à la mairie dans les réponses qu’ils donnent, ce lundi matin, à la question : Comment éliminer la congestion ?  Quand à Mélanie Joly, elle en fait le premier de ses 5 engagements électoraux.

la culture du vélo à Copenhagen… et Montréal ?

Aujourd’hui paraissait le dixième et dernier épisode du Top 10 Design Elements in Copenhagen’s Bicycle Culture : le « political will ». Dix petits vidéos de 4-5 minutes chacun.



À écouter en attendant de lire les 101 idées pour Rêver Montréal

Ou d’aller écouter Cardinal (et d’autres) en parler au Mégaphone mercredi soir.

plus qu’un débat, une transformation

Plus qu’à un débat, c’est à une transformation radicale que nous sommes confrontés — quoiqu’en disent les sceptiques qui, de moins en moins nombreux, seront inéluctablement… confondus 😉 – (pour les plus jeunes) disait le capitaine Bonhomme !

Mais le débat restera nécessaire, car il ne s’agit pas de décisions simples mais bien de plans stratégiques comprenant autant des investissements importants à long terme que des changements dans les habitudes et comportements de tous, au quotidien. Un débat à dimensions tant scientifique et politique… comme il s’en mène, notamment, sur cet Agora allemand de la transition énergétique (Agora Energiewende ).

Un espace financé par les fondations Stiftung Mercator et l’ European Climate Foundation et le programme européen Smart Energy for Europe Plat­form, où les discussions se mènent suivant la règle de Chatham House.  Il n’est pas surprenant  de voir l’Allemagne au premier rang du débat sur les questions environnementales, la tradition des Verts y étant longue.

Le site Energy Transition, soutenu par la fondation Heinrich Böll, ajoute au débat allemand. Le débat en France semble sur le point de passer une étape cruciale avec un projet de loi prévu pour octobre 2013 – suivant une consultation qui s’est terminée en juillet dernier. On peut consulter les documents sur le site Débat national Transition énergétique.

Ce sont aussi les communautés locales et régionales qui se mobilisent dans cette discussion. En plus des Villes et communautés en transition (Transition Network) dont j’ai déjà parlé, je découvre Energy Cities, soit l’Association européenne des autorités locales en transition énergétique qui promeut 30 propositions d’Energy Cities pour la transition énergétique des territoires (pdf).

Il me semble pertinent de rappeler que nos sociétés ont connu au cours du siècle dernier plusieurs grandes transformations énergétiques : l’électrification à grande échèle grâce aux grands ouvrages hydroélectriques; le quadrillage du territoire en routes asphaltées et autoroutes; l’enfouissement au coeur des artères de la métropole d’un système de métro avec ses 73 stations.

Le rappel de ces transformations énergétiques passées pour dire que ce ne sont pas les moyens techniques ou financiers qui feront défaut ou seront rares. Ce sont les capacités politiques, sociales et culturelles de mettre en oeuvre, d’inventer ces nouvelles façon de vivre « avec sobriété mais heureux »  (Patrick Viveret). Il ne s’agit plus de soutenir ou d’encourager les « tendances naturelles » à l’appropriation, à la vitesse et la consommation mais bien d’impulser un renversement de ces tendances, un virage vers des modes moins consommatoires de matières non renouvelables et moins énergivores. Est-ce à dire que les défis techniques ou financiers seront moins grands ? Pourtant il est sans doute des « Baie James » d’électricité à générer grâce à de judicieux programmes d’économie et d’isolation. Et la transformation de nos villes pour en faire des milieux habitables par des humains et non des automobiles peut donner lieu à de grandes réalisations aptes à mobiliser savoirs, talents et argents.

La consultation québécoise qui s’ouvre à l’automne sur un projet intitulé : De la réduction des gaz à effet de serre à l’indépendance énergétique du Québec – Document de consultation pose-t-elle les bonnes questions ?

Pour aller plus loin sur le cas Allemand :

 

appartenances

Ce qui est né dans les pays occidentaux et qui est en train de naitre sous nos yeux dans les pays arabes, c’est la naissance de l’individu. Il est né avec St Paul, Socrate, Descartes, mais il n’était pas encore concrètement, réellement advenu. Tous les éléments que j’ai donnés font qu’aujourd’hui nous nous trouvons devant des individus. Et cet individu-là ne sait pas faire un groupe. Les footballeurs français n’ont pas su faire équipe pendant la coupe du monde, mais pensez-vous que les hommes politiques sachent faire équipe aujourd’hui ? Le groupe est en train d’éclater sous la pression des individus. Sait-on faire un couple aujourd’hui ? On ne fait que divorcer. L’individu d’aujourd’hui est donc à la recherche d’un nouveau lien social, voilà la question. [Michel Serres, entrevue à CLES]

C’est faire remonter loin les racines de l’individualisme. Une individuation qui s’est accompagnée au cours des siècles de mouvances et d’appartenances sous les drapeaux nationaux, religieux ou linguistiques… La construction des État-nations, des espaces géopolitiques, ont conditionné, formé les types d’individus, de contrats sociaux reliant familles et sociétés locales et régionales. S’il y a eu une construction de l’individu et un certain « désserrement » de l’emprise des liens primaires familiaux et communautaires sur l’individu – c’est grâce à l’action massive d’institutions coercitives (enseignement, armée, industrie, prison, police, hospices) que ces « libertés » individuelles ont été dessinées, façonnées.

La constitution des État-nations a soutenu, accompagné la mise en place des industries, l’accumulation des compétences permettant à chaque nation de prendre sa place dans le « concert » ou faudrait-il dire le triple gallop des nations en compétition pour contrôler des ressources, conquérir des marchés. La place occupée par chacune dans l’enchevêtrement des échanges mondiaux sera déterminée par ses qualités intrinsèques mais aussi par ses avantages historiques, ses alliances géopolitiques.

Le privé, le public et le commun. Six outils pour penser, faire vivre les biens communs. Mais aussi ce petit bijou pédagogique allemand, version française : Biens communs – La prospérité par le partage (pdf 52 pages), publié par la fondation Heinrich Böll. [Comprend une critique percutante du texte « fondateur » de Hardin :  The Tragedy of the Commons]

Dépasser la dichotomie privé-public en introduisant les communs, gestion collective, participative des biens communs. Modalité ni privée ni publique de gestion d’une ressource partagée. Cette introduction d’un tiers-mode est-elle due aux défaillances bureaucratiques du pouvoir public ? Ou à la cupidité myope de la propriété privée ?

Il est des communs qui n’ont pas encore été négociés, « civilisés » et qui sont encore aux prises avec la loi du plus fort. Particulièrement des communs qui se déploient hors territoires nationaux : dans les mers, dans l’atmosphère.

Le même auteur qui a écrit Six outils…, Pablo Servigne, signait au mois  de juin, sur cet étonnant site belge Barricade, cette courte (8 pages) synthèse L’Anthropocène, l’ère de l’incertitude.

jour du dépassement et court-termisme

Le jour du dépassement était le 20 Août. A cette date, l’humanité a épuisé le budget écologique annuel de la planète. Pour le reste de l’année, notre consommation résultera en un déficit écologique croissant qui puisera dans les stocks de ressources naturelles et augmentera l’accumulation du CO2 dans l’atmosphère. (…)

En 1993, le jour du dépassement était le 21 Octobre. Ce jour représente la date approximative à laquelle notre consommation de ressources naturelles dépasse la capacité annuelle de la planète à les renouveler. En 2003, cette date était le 22 Septembre. (…) [L]a demande de l’humanité en ressources et services écologiques exigerait une fois et demi la capacité de la Terre pour être satisfaite. [Global Footprint Network]

Quelles solutions ? Faut-il compter sur l’éveil (et la conscience) des grandes compagnies pour changer les comportements et éviter le pire ? C’est ce que laisse entendre Carter Roberts dans The Day the Earth Ran Out : « A few companies — Unilever, Wal-Mart, and Coca-Cola among them — have begun to demonstrate that it is possible to seek both profitability and sustainability. » !

Faut-il limiter le développement ? Donner une nouvelle définition du développement ? Le débat fait encore rage (Is Growth Good ?) entre les tenants d’une solution technologique et les promoteurs d’un « sain catastrophisme » – si vous me passez l’expression. Un des auteurs du livre The Limits to Growth, Jørgen Randers, publiait l’an dernier une étude prospective pour les quarante années à venir : 2052: A Global Forecast for the Next Forty Years (un résumé de 15 page pdf). Il est plutôt pessimiste.

So the climate problem will not be solved simply because we will choose not to solve it. Humanity is in the process of postponing action until it is too late. Not so late that the world will come to an end. But so late that our grandchildren will have a harder life than if we acted decisively today. (…) Why this deliberate procrastination? Because it is cheaper. It costs less – in the short term – to postpone than to act. Not much less, but nevertheless less. And what we are deliberately postponing is a small reorientation of societal investment flows. Away from what is most profitable and towards what is more climate-friendly.

Il conclut son texte « Systematic Short-termism » en laissant entendre qu’à défaut de la mise en place d’une structure internationale capable de contrer la tendance aux décisions à court terme des états nationaux, ce sera la Chine qui pourra, grâce à ses plans quinquennaux visant le long terme, non soumis à l’approbation populaire, changer la courbe du développement et protéger l’avenir de nos petits-enfants. « Otherwise, I predict, it will be the Chinese who solve the global climate challenge – singlehandedly. Through a sequence of 5-year plans established with a clear long term vision, and executed without asking regular support from the Chinese. They are already well on the way, for the benefit of our grandchildren. »

Comment nos systèmes démocratiques et économiques orientés vers le profit et la réussite à court terme peuvent-ils soutenir les actions nécessaires immédiatement pour éviter ou diminuer des pertes prévisibles à moyen terme ?

vendre son eau

Baisse du niveau des Grands lacs (vidéo ci-dessus), due à la perte de glace durant l’hiver, accélérant l’évaporation ; baisse du niveau du lac Powell, alimenté par la rivière Colorado, qui obligera, dès cette année, la réduction de 9 % de la « livraison d’eau » aux quatre états de la région, touchant 40 millions de personnes, et éventuellement à un arrêt de la production d’électricité dès 2015, si la baisse se poursuit.

Dropping water levels behind the Glen Canyon Dam will force operators to cut downstream flows for the first time in dam’s 47-year history [Science, 2013.08.16]

Dans un Texas soumis à une sécheresse extraordinaire, les réserves aquifères sont pompées pour produire gaz et pétrole par fracturation hydraulique.

Pendant ce temps, au Nouveau Mexique où sévit une sécheresse encore plus éprouvante, les fermiers en sont réduits à vendre l’eau de leurs puits aux pétrolières… puisque leurs animaux sont déjà morts.

le pic de tout

On a parlé depuis longtemps du Peak Oil, le pic du pétrole, point de la plus haute consommation (ou extraction) au delà duquel la consommation diminuera, inexorablement, et les prix augmenteront tout autant. La mise en production récente de plusieurs nouvelles sources d’énergies fossiles, notamment par le fractionnement hydraulique (fracking), a repoussé quelque peu ce pic pétrolier, au grand dam des écologistes qui comptaient sur ce nouveau choc pétrolier pour accélérer la réduction de la consommation (et des gaz à effets de serre) et induire le passage à des énergies plus propres.

atlantic1305

Il semble (We will never run out of oil) que des sources importantes de gaz, pour l’instant peu exploitées, pourraient encore prolonger le règne des énergies fossiles à bon marché : le gaz naturel issu de l’hydrate de méthane, cette glace qui brûle qu’on trouve sur les fonds marins. Si l’on compte sur les pressions économiques dues à la rareté pour faire changer les habitudes de consommation énergétiques… il faudra se résoudre à créer une rareté artificielle, par des taxes et droits. À moins que la rareté ne se fasse sentir ailleurs.

Dans le graphique suivant on illustre, non pas les « pics » de consommation mais bien, les dates d’épuisement des ressources ! (Voir aussi Metal stocks and sustainability – pdf)

Et ce tableau ne comprend pas les richesses surexploitées que sont l’eau potable (peak water) et les terres arables. Est-ce la « gratuité » de l’eau qui en a accéléré la déplétion ? La fameuse (1968) Tragédie des biens communs (Tradedy of the commons – texte original) de Garrett Hardin semble bien en cours de réalisation. La critique qu’en a fait, à juste titre, Ostrom en mettant en valeur les modes traditionnels coopératifs de gestion du bien commun n’a pas ouvert pour autant de solution aux excès de la logique du marché qui s’applique encore à la majorité des ressources de la planète.

Water in the Anthropocene from WelcomeAnthropocene on Vimeo.

Nous sommes entrés dans l’anthropocène (Wikipedia-fr) : les hommes ont façonné la planète au point de la rendre géologiquement différente de la période précédente, l’holocène. Ont « façonné »… il serait plus juste de parler de saccage, de gabegie aveugle et à court terme, égoïste et cynique de la part de quelques générations d’humains, particulièrement dans quelques régions de la planète (Was America’s Economic Prosperity Just a Historical Accident?). Que faire ? S’orienter vers des sources d’énergie plus propres… réduire drastiquement et rapidement les consommations de charbon à des fins industrielles et de chauffage domestique. Même s’il faut remplacer par d’autres sources fossiles « transitoires », tel le méthane hydrate.

Mais on peut pas seulement changer les sources d’énergie : il faut radicalement réduire la quantité d’énergie (et de matières non renouvelables) consommée par chaque génération, chaque famille, chaque individu. Poursuivre le cours actuel des choses nous conduit droit à un nouvel âge de fer, car il ne restera plus de nickel (ni de cadmium, de cobalt ou de platine…) pour faire de l’acier.

il n’y a pas assez de lithium ou de cobalt sur la terre pour équiper plusieurs centaines de millions de véhicules électriques (…) Le salut passe par ralentissement de la vitesse des cycles, c’est à dire une augmentation considérable de la durée de vie des produits. [Décroissance ou âge de fer]

L’obsolescence (planifiée ou non). Flocons d’avoine et PlayStation.

Tirée du Monde, qui la reprenait du Courrier international qui l’avait reprise de l’auteur chilien , Marcelo Duhalde, du El Mercurio.

Lutter contre l’obsolescence c’est exiger des produits garantis pour 5 ans (10 ans, pour certains, non ?) ; c’est exiger des produits réparables ; des produits recyclables, démontables, dont on peut extraire facilement les composantes métalliques… Il semble que l’Europe s’apprête à légiférer en ce domaine. Processus lent, long et fastidieux, plus difficile encore à faire respecter qu’à adopter comme règlement. Mais processus incontournable et utile s’il s’accompagne de l’éducation et de la mobilisation des populations. Ce n’est pas la conscience individuelle, la compréhension intellectuelle des effets nocifs de nos comportements qui nous en fera changer, c’est la conscience collective en acte qui instillera et imposera ces nouveaux comportements. Une conscience allumée, nourrie par tous ces débats mais aussi ces projets, ces actions concrètes – même si très locales.

Il y aura des moments difficiles à passer. Il faut s’y préparer. Et ces petites victoires, ces petits gestes sont autant d’expérimentations et de pratiques construisant les savoirs et les liens dont nous aurons grandement besoin. Un million de révolutions tranquilles sont en marche. La richesse et le nombre des projets collectifs et mobilisations citoyennes décrits par Bénédicte Manier dans ce livre font un peu oublier, compensent pour l’absence de cohérence, de convergence dans ce fourmillement. Naturellement l’auteure ne peut pas inventer ce qui n’existe pas encore… J’aimerais bien transcrire ici la liste des sites web auxquels on réfère dans cet ouvrage.

quartiers en transition

Terminé la lecture de ce fascinant petit bouquin, qui m’introduisait (entre autres) au concept et au réseau des Villes en transition, en transition vers – non pas le développement durable mais – la décroissance.

Le réseau des Villes et communautés en transition est étendu (en anglais : Transition Network). Il y a même un réseau québécois : Réseau transition Québec ! Dans lequel on retrouve quelques quartiers de Montréal : Villeray en transition, Transition Plateau, Transition NDG… Un réseau qui n’a pas encore dix ans, né à l’initiative d’une petite ville anglaise Totnes, visant à préparer les communautés locales à la décroissance, à la réduction de l’empreinte énergétique. Comme le disait Dennis Meadows, en conclusion du livre Penser la décroissance (voir la table des matières) : Il est trop tard pour le développement durable. Cet auteur du livre The Limit to Growth (Halte à la croissance) est bien placé pour le dire. Quarante ans après la publication de ce rapport commandé par le Club de Rome, Meadows peut en effet constater que nous aurions pu, en 1972, éviter l’obligation de décroissance en s’orientant dès lors vers le développement durable. Mais après quatre décennies de développement sans vergogne, sans restriction… il faut se rendre à l’évidence : il faudra réduire, drastiquement, nos consommations d’eau, d’énergie, de métaux…

Nos sociétés sont accrocs au pétrole et aux énergies bon marché, au développement rapide et sans égard à l’avenir et pour lutter contre cette addiction il nous faut d’abord la reconnaître. Même si, à l’évidence, il faudra agir à l’échèle planétaire, les transformations qui seront nécessaires sont tellement profondes que l’approche très locale, quartier par quartier, village par village me semble incontournable. La culture des quartiers, c’est aussi cela.

Une réflexion qui résonnait à l’écoute de l’émission diffusée hier soir Last Call for the Oasis (encore disponible pour 30 jours sur le site de la CBC – mais aussi disponible sur Netflix et iTunes).

<Ajout – 07.24> Voir aussi Anthropocene.info </>