les moyens d’une action collective

Du collectif, de l’action collective, des collectivités agissantes… mais de quelles valeurs ces mouvements se font-ils porteurs ? Plus d’équité ou bien moins de contraintes et plus de laisser aller ? Préserver un peu de la planète et de ses ressources pour les générations futures ou bien ne pas entraver les appétits gargantuesques qui arrachent et brûlent de grands pans de la terre pour le confort et la consommation de deux ou trois générations d’humains ?

J’ai toujours eu des doutes, mais sans les avoir soulevés ici, au regard d’une promotion générale, simple de l’action collective… Il me semblait nécessaire d’aller plus loin que l’action collective pour définir les contours d’une revue comme K ou de l’offre de services d’un C. Mais le flou et l’indéfinition sont peut-être préférables dans la période actuelle où la formulation de « valeurs », d’une orthodoxie confinerait à l’établissement d’un programme, de visées organisatrices, vecteurs de mobilisation. C’est aux acteurs de définir leurs buts et objectifs. Pas au médium qui souhaite véhiculer l’expression de ces acteurs et constituer un lieu d’échange et de partage, de discussion et de critique.

Les enjeux de la survie de K ou de C se relativisent toutefois lorsqu’on envisage la disparition pure et simple de partenaires aussi essentiels que les CRÉ et les CLD !

Si les programmes gérés par les CRÉ sont dévolus aux bureaux des préfets dans les MRC, c’est toute une philosophie d’action et ce sont des espaces démocratiques (et un capital social, une confiance mutuelle) constitués laborieusement depuis des années qui risquent de passer à la moulinette d’une centralisation bureaucratique accrue. Les responsabilités importantes des CRÉ dans la planification régionale, notamment au plan de l’environnement et des ressources naturelles mais aussi en termes de développement durable, font que leur disparition réduira l’emprise démocratique des communautés sur leur avenir, au profit d’une soumission plus grande et aveugle aux tractations d’un marché impitoyable.

La seule mesure qui permettrait de compenser un tant soit peu la réduction des espaces démocratiques régionaux serait de faire du préfet un élu. Cette idée n’est pas de moi, mais c’était une des conclusions de Denis Bourque, lors de sa conférence sur Les enjeux de l’action collective au Québec en 2014, tenue hier à l’occasion de l’assemblée annuelle des amis de K, la revue de l’action collective.

Élire les préfets pour conserver un minimum de pouvoir dans les régions

Après le coup de barre du projet de loi 10, abolissant les CSSS, le régime Couillard se dessine, avec l’abolition des CRÉ, comme une ère de centralisation et de bureaucratisation qui confronte directement les processus et réseaux d’acteurs mis en place au cours des dernières décennies. Un autre moment dans la tension « centralisation-décentralisation » qui a marqué l’histoire de l’État québécois depuis sa naissance. Il n’y aura que les technocrates (et les médecins spécialistes sont de beaux spécimens) pour croire que les structures d’approche intégrée, de concertation et de mobilisation des acteurs régionaux que sont les CRE et CLD sont des « structures bureaucratiques » dont on peut faire l’économie alors qu’elles ont été mises en place pour contrer l’étroitesse et les jeux de coulisse de l’action en silo.

Même en élisant les préfets, il faudra qu’ils apprennent à « danser le tango sur un fil de fer » s’ils veulent poursuivre la mission de développement régional.