de la veille

Écrit en prévision d’une rencontre prochaine que la question de la veille.

On peut faire de la veille pour rester dominant dans son marché; pour identifier les occasions d’investissement, d’achats avantageux ou de projets lucratifs; identifier les concurrents et leurs innovations, leurs failles aussi ;
On peut faire de la veille au service d’une organisation d’un produit ou au service d’une pratique, d’une mission – d’une cause.
Les pratiques d’accompagnement de projets collectifs et d’animation de processus de gouvernance partagée… Animation de processus ou gestion de protocoles ?

De la veille pour participer à éclairer l’espace public, la réflexion qui stimule l’opinion publique. Sommes-nous des influenceurs?

De la veille pour suivre des indicateurs, en évaluer la fiabilité, la validité. Pour établir de nouveaux indicateurs permettant d’atteindre de nouveaux objectifs.

Mais des objectifs formulés où? Par qui?

Ce sont des pratiques engageant des populations, des réseaux, des régions. Des pratiques engagées dans des contrats, des prestations, des transactions insérées dans une économie sociale située – géographiquement et historiquement. Mobilisées vers une alternative, plus sobre mais plus heureuse.

Veille pour soutenir la planification et la mesure de nos extractions sur la capacité de régénération des milieux de vie que nous exploitons.

Une veille pour soutenir les appartenances, les identités régionales, les communautés locales — construction de nouvelles identités — les bio régions?

Je faisais une veille professionnelle auprès de mon équipe d’organisation communautaire — j’étais celui qui apportait des articles parus récemment sur l’empowerment… l’économie sociale. Mon travail de veille était informel, volontaire: je devais l’inscrire dans l’esprit du temps, les débats qui traversaient les mouvements sociaux et espaces publics et politiques.

Alors qu’est-ce qui manque? Ah oui, c’est vrai, il manque le cadre de ces initiatives de veille, un cadre permettant à chaque acteur, à chaque organisation de contribuer tout en maintenant sa personnalité, son autonomie.

La question des outils, des applications et environnements… la liberté et l’accessibilité des échanges… la propriété des contenus (repiquages, résumés, extraits, articles et commentaires), des flux.

Intérêt d’une communauté fermée pour la légalité du partage d’articles de revues et journaux sur abonnement: comme des photocopies dans un séminaire (fair use). Les membres de cette communauté amènent en partage leurs abonnements. Échanges systématiques des tables des matières…

Cette communauté de veille produit un flux public de citations classées et commentées.

le temps qui nous reste

Le bulletin quotidien Daily Dose of Resilience me fait connaître le blogue d’un astrophysicien, Tom Murphy, Do the Math. Je retiens deux articles publiés récemment : The Cult of Civilization (2022.10.04) et The Simple Story of Civilization (2022.12.19).

Une version vidéo (30 minutes) sous forme d’entrevue portant sur ce dernier texte a été réalisée par Nate Hagens :

Ce même Tom Murphy (enseignant à l’Université de Californie à San Diego) publiait en 2021 un document de référence (textbook) : Energy and Human Ambitions on a Finite Planet (PDF gratuit de 465 pages).

Un tour d’horizon des sources actuelles et potentielles et des difficultés prévisibles (ou impossibilités) pour remplacer les actuelles énergies fossiles. Comme il le disait à la fin de son « The Simple Story… » (ma traduction)

« la poussée vers la transition vers les énergies renouvelables est, à mon avis, malavisée. Le but implicite est de préserver la civilisation dans essentiellement son état glorieux actuel en la maintenant alimentée pour continuer de la manière la moins perturbatrice. Perturbateur de quoi? De nos préoccupations économiques? La civilisation s’avère être terriblement perturbatrice pour le monde naturel. En donnant la priorité à la préservation de la civilisation, nous élevons cette construction éphémère et artificielle au-dessus de la biodiversité et d’un écosystème sain: une prescription pour un échec certain. »

Il n’y a pas de solution facile, de plan à suivre simplement… mais il faudrait arrêter de s’imaginer qu’on peut juste changer les moteurs à essence pour des moteurs électriques ! Le virage nécessaire est beaucoup plus radical.


une revue des sciences, en français

Après avoir annoncé qu’il cesserait de produire sa revue mensuelle des sciences, Jean Zin nous a fait plaisir en acceptant de continuer à survoler l’actualité scientifique comme il l’a fait depuis… des années.

Moi-même « amateur » de sciences (biologie, génétique, anthropologie, paléo-anthropologie, écologie, climatologie, informatique…) je trouve très stimulantes ces revues du mois, collation d’articles et de nouveautés dans des domaines cruciaux. Le blogue d’un « touche-à-tout » parfois étourdissant… mais toujours éclairant !

perturbateurs endocriniens

Une réflexion stimulée récemment par la parution de ce rapport sur les perturbateurs endocriniens. Les risques à long terme liés à l’utilisation à grande échelle de produits chimiques à effets endocriniens sont encore peu étudiés et compris.

disruptorLe Global assessment of the state-of-the-science of endocrine disruptors. Pour voir la méthodologie utilisée.

Évidemment lorsqu’on permet au tout venant d’inventer des formules et des produits chimiques interactifs, ayant un effet sur les systèmes endocriniens et reproductifs des êtres vivants (humains, animaux, végétaux ?), sans même être obligé d’en décrire les composantes… on peut s’attendre à quelques ratés.

Il faudrait standardiser, sécuriser les contenants, enveloppes et autres supports physicochimiques de distribution de masse. Ce serait réduire le risque, mais probablement augmenter le coût… À moins que la standardisation n’implique une réduction drastique du coût de remplacement de la méthode « non standard ». Par ailleurs, standardiser aujourd’hui en établissant des normes minima revient à réduire le champ de l’innovation au nom de la réduction des risques. Comme on a interdit les produits à base de plomb… même si ce matériau avait d’excellentes qualités plastiques et chimiques.

Un principe de précaution nous ferait réduire la vitesse* à laquelle de nouveaux produits chimiques sont proposés et distribués globalement. Tout en consacrant un effort important à soutenir la circulation des produits en fournissant une liste de supports compétents chimiquement acceptables. Établir des recettes, des procédés industriels jugés acceptables implique qu’on puisse en vérifier l’application sur le terrain. Un ou des corps de contrôle aptes à punir les contrevenants et les pressions mafieuses. Des corps de certification reconnaissant à des organisations industrielles la compétence de produire certaines matières synthétiques en certaines quantités.

* Réduire la vitesse, c’est presqu’aussi sacrilège que de parler de réduction de la croissance !

Mais on parle de centaines de milliers de produits chimiques actuellement sur le marché. Dont on n’a pu évaluer la toxicité que de la pointe de l’iceberg. Faudra-t-il « oublier » la partie immergée de l’iceberg ? Ou ne faut-il pas plutôt la réduire… à la moitié, au tiers, au cinquième de ce qu’elle est actuellement ? Ce qui serait normal et attendu d’un processus de standardisation, qui choisit le composant chimique le plus sûr et accessible pour atteindre un ensemble de fins.

Mais ce n’est pas ce que propose le rapport sur l’état de la science des perturbateurs endocriniens : plus d’études, des données plus fiables… le refrain habituel, quoi. Pourtant, même une faible évidence (weak evidence) est une évidence, non ? Et si l’effet négatif sur la santé des humains n’est pas aussi évident que sur la faune et les écosystèmes naturels (wildlife), c’est sans doute que la « vie sauvage » est plus fragile, plus diversifiée que celle dans les cités humaines… où l’intensité des interactions biochimiques liée aux plastiques et autres produits synthétiques est en partie masquée par un système immunitaire déjà assailli par la seule densité populationnelle.

« the incidence of cryptorchidism and hypospadias may show similar geographic variations to the incidence of testicular cancer.

Worldwide, despite large expenditures of money, time, and effort, comparable data sets for assessing exposures to EDCs for humans or wildlife are not available.

Although it is clear that certain environmental chemicals can interfere with normal hormonal processes, there is weak evidence that human health has been adversely affected by exposure to endocrine active chemicals.

[L]aboratory animal studies have indicated that early life stages may be especially sensitive to the effects of EDCs (…) the evidence that wildlife have been affected adversely by exposures to EDCs is extensive. » Extraits du rapport Global assessment…

 

des tonnes de données

Large integrated data sets can potentially provide a much deeper understanding of both nature and society and open up many new avenues of research. And they are critical for addressing key societal problems — from improving public health and managing natural resources intelligently to designing better cities and coping with climate change.
Un numéro spécial de la revue Science, portant sur le défi de la gestion et de l’accès aux « tonnes de données » qui sont et seront produites dans les années qui viennent, est d’accès libre — ou presque : il suffit de s’enregistrer (gratuitement).

Incidemment la section « Special Issues » semble donner accès à plusieurs numéros passés sur différents thèmes.

Edge – la question de l’année

reflets dans vitrine de boutique souvenirs du Vieux-Montréal164 chercheurs, philosophes, écrivains ou artistes ont acceptés de répondre à la Question de l’année du site Edge WHAT SCIENTIFIC CONCEPT WOULD IMPROVE EVERYBODY’S COGNITIVE TOOLKIT ? (Quel concept scientifique mériterait de faire partie de la boite à outils conceptuelle de M. Toutlemonde ?).

Certaines réponses apportées font la promotion de méthodes scientifiques éprouvées  (Sue Blackmore, Correlation is not a cause, Richard Dawkins, The Double-Blind Control Experiment) ou critiquent l’utilisation faite de certains critères de scientificité (Diane Halpern, A Statistically Significant Difference in Understanding the Scientific Process) alors que d’autres mettent en lumière des processus cognitifs trop souvent ignorés ou méconnus (George Lakoff, Conceptual Metaphor,  Jonah Lehrer, Control Your Spotlight, Frank Wilczek, Hidden Layers, Sam Harris, We are Lost in Thought).

Plusieurs contributions dénoncent un anthropocentrisme nuisible  (Daniel Goleman, Anthropocene Thinking, P. Z. Myers, The Mediocrity Principle, Gary Marcus, Cognitive Humility, Samuel Arbesman, The Copernican Principle) à la survie même de l’espèce. Même s’il est difficile d’imaginer que l’homme puisse un jour se « libérer » de sa nature animale au point de cesser de se sentir subjectivement au cœur de l’histoire, au centre du monde…

activité physique : mauvaise et bonne nouvelles

L’Enquête canadienne sur les mesures de la santé, dans sa version 2007-2009, permettait de mesurer directement (avec un accéléromètre plutôt que par réponse à un questionnaire) la durée et l’intensité de l’activité physique réalisée. Les premiers résultats publiés dans le dernier Rapport sur la santé, remettent les pendules à l’heure, en terme d’activité physique réelle par rapport à celle qu’on déclarait lors des enquêtes par téléphone (ex. ESCC). Ainsi, quelle surprise, les canadiens semblent faire moins d’exercice qu’ils le disaient !

Le résultat de l’ECMS selon lequel 15 % des adultes respectent la recommandation de 150 minutes d’APMV par semaine diffère de façon marquée des données autodéclarées. Selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, plus de la moitié des adultes sont au moins « modérément actifs » durant leurs loisirs. (…) Les données d’accélérométrie de l’ECMS montrent que les Canadiens sont moins actifs que ne le laissent supposer les estimations autodéclarées. Compte tenu des nouvelles possibilités qu’offrent ces données, il faudra réexaminer les liens entre l’activité physique et la santé.

Ce qui semble être une mauvaise nouvelle — les canadiens font moins d’exercice qu’ils le prétendaient — pourrait en contenir une bonne : comme les normesétaient essentiellement basées sur des sources autodéclarées, il est probable que les exigences d’intensité et de fréquence pour avoir un impact sur la santé aient été, elles aussi, surestimées.

À l’heure actuelle, la quantité appropriée d’activité physique requise pour en ressentir des bienfaits sur le plan de la santé est fondée sur les données épidémiologiques d’enquêtes par autodéclaration. [source: Rapport sur la santé]

On arrive, enfin, à des exigences qui seront basées sur des faits plutôt que des vues de l’esprit (wishful thinking). Ça deviendra peut-être un peu plus facile de faire bouger le monde ! À noter que le même Rapport sur la santé compte aussi un article sur l’activité physique des enfants et des jeunes, avec des données tirées de la même ECMS.

avancées en sociologie

Posée y il a quelques jours sur ce carnet, j’ai eu l’audace de relancer cette question (Quels ont été les avancées les plus marquantes de la décennie qui s’achève pour la sociologie ?) auprès de sociologues que je connaissais, ou encore ceux qui animent des blogues.

Et j’ai déjà (malgré le temps des fêtes, qui en a sans doute amené plusieurs à s’éloigner de leur clavier-courriel) reçu plusieurs réponses intéressantes ! La plus rapide, et humoristique, venant d’un sociologue professeur à l’UQAM, et co-directeur du Réseau québécois de recherche partenariale, Jean-Marc Fontan. Je me permet de citer ici l’essentiel de sa réponse (les liens hypertextes sont de moi):

Dans Changer de société, refaire de la sociologie, Bruno Latour (2006) annonce une fin de la “société d’hier et de sa sociologie” au profit de la “société de demain et d’une nouvelle sociologie”, latourienne, il va sans dire. Touraine en fait autant dans “Après la Crise” (2010), où il annonce aussi la mort de la société actuelle. Elle serait arrivée à un point d’aboutissement; prête à être renouvelée par une renaissance de la question sociale, libérée des contraintes… bien évidemment économiques… Plus prêt de nous Jacques Hamel (Woody Allen, au secours de la sociologie, 2010) en fait autant en se questionnant sur la décadence actuelle de la sociologie et son incapacité de réaliser sa pleine potentialité…

Alors, de façon contre productive nous pourrions dire qu’une des révélations des dix dernières années serait l’annonce de la mort de la société (après la fin de l’histoire !) et celle de l’entrée de la sociologie dans une zone de grande perturbation, pour ne pas dire une crise aigüe de confiance…

À contrario, il n’y a jamais eu autant de sociologues que maintenant, autant de diploméEs de sociologie que maintenant, autant de livres, articles, publications produites par des sociologues que maintenant…

Un autre professeur de socio, à l’Université d’Ottawa cette fois, Maurice Lévesque, directeur du département de sociologie, m’aura orienté vers des auteurs et une branche de la sociologie que je connaissais peu : sociologie des réseaux, avec Harrison White Continuer la lecture de « avancées en sociologie »