[2022.05.22] Au cours de l’été 2000, je décidai de prendre ma caméra et de suivre la voie ferrée qui passait derrière chez-moi. Google Map ne sera lancé qu’en 2005, et je n’avais même pas regardé une carte de la ville avant de partir. Je savais qu’une courte piste cyclable avait été aménagée le long de cette voie et de la rue Des Carrières. Mais je ne savais jusqu’où me mènerait cette randonnée.
Vous pouvez voir l’album Flickr contenant 196 photos prises lors de cette randonnée réalisée en deux sessions durant l’été 2000.
Dans les mois qui ont suivi, j’ai voulu donner une idée de l’emplacement de ces photos en utilisant un petit logiciel d’animation qui s’appelait, si je me souviens, GoLive de Adobe. J’ai donc placé des points sur une carte et on pouvait voir les photos apparaître en passant la souris au dessus des points de couleur. Malheureusement le format « Flash » utilisé pour cette animation n’est plus supporté par les navigateurs d’aujourd’hui.
Les points verts sur la carte correspondent à la portion du parcours qui est cyclable : la piste « des Carrières » est encore là, mais elle n’a pas été développée alors que des centaines de kilomètres ont été ajoutés au réseau cyclable de Montréal, souvent en site propre (le long du canal Lachine) ou protégés (le Réseau Express Vélo). La carte suivante donne une idée assez précise (mais datant de 2 ans) des voies cyclables de la ville.
Pour une carte 2022 distribuée par Vélo Québec en format PDF ou encore en papier.
Vouloir refaire le même parcours suivant la voie ferrée pour mettre à jour les photos prises il y a (déjà !) 22 ans, je n’aurais qu’à utiliser le logiciel Google Earth et y insérer mes photos associées à des repères déposés sur le trajet. C’est ce que j’ai fait, en utilisant quelques-unes des photos de 2000, pour voir ce que ça donne…
Avant de repartir faire des photos, pour mettre à jour celles de juillet-août 2000, je dois porter attention, plus que l’autre fois, à l’impact recherché : faire avancer le « dossier », l’idée d’une voie cyclable tout du long de la voie ferrée identifiée, celle qui sépare et relie tous les vieux quartiers centraux de Montréal.
Avoir une bonne idée n’est pas suffisant
Si mon expérience de 36 ans comme organisateur communautaire m’a appris quelque chose c’est qu’une bonne idée ne se réalise pas d’elle-même : il faut y croire, à plusieurs et s’organiser pour convaincre que ceux qui n’y croient pas. En repensant au peu d’efforts mis, il y a 20 ans, à promouvoir une telle idée, j’ai l’impression que je n’y croyais pas vraiment moi-même ! Ceux qui croyaient au vélo à Montréal étaient dans l’opposition et il y avait encore beaucoup à faire pour aménager les principales voies cyclables du territoire. Et pour pouvoir amener les compagnies de chemin de fer propriétaires ou utilisatrices des rails à une table de négociation, il fallait que la Ville soit déterminée !
Aujourd’hui que la mairie de Montréal est favorable au vélo, la conjoncture est meilleure que jamais, mais je me rends compte que Montréal ne peut pas mener seule cette bataille : les compagnies ferroviaires sont de juridiction fédérale et sans doute d’autres villes canadiennes ont à confronter des situations similaires.
Mais il n’y a pas que les élus à sensibiliser… ce sont les utilisateurs potentiels d’une telle infrastructure qui doivent se mobiliser. Au premier chef, je pense aux étudiants du tout nouveau campus MIL de l’Université de Montréal qui est logé directement sur ce circuit : imaginez tous ces étudiants qui habitent Hochelaga, Rosemont, le Plateau, Côte-des-Neiges ou Montréal-Ouest qui pourraient se rendre à vélo sans avoir à rencontrer une seule automobile !
Et ce ne sont pas juste les étudiants qui sont concernés. Les quartiers qui sont divisés-reliés par cette frontière ferroviaire rassemblent sans doute la plus grande partie de la population (ça mériterait d’être compté) montréalaise. Se rendre de Hochelaga à Côte-des-Neiges ou de Rosemont à Montréal-Ouest sans avoir à se frotter aux flots d’automobiles, c’est une vision de la ville de demain qui mérite d’être poursuivie, maintenant !
Je reprendrai sans doute ma caméra (numérique, cette fois) pour aller voir ce qui a changé le long de ce parcours de 20 kilomètres dans les semaines qui viennent. Mais je contacterai aussi le « tzar du vélo » à Montréal (M. Paquette-Verdi, qui faisait l’objet d’un article élogieux dans Le Devoir), pour savoir si cette avenue fait partie des plans. Et aussi, M. Boulerice, député de Rosemont qui pourrait peut-être me mettre en contact avec des groupes citoyens ou municipalités ailleurs au Canada qui auraient des intérêts ou projets similaires. I’ll have to dust off my English !
Premières réactions
[2022.05.25] Déjà M. Paquette-Verdi et le bureau de M. Boulerice ont répondu à mes courriels. En moins de 24 heures, bravo pour la réactivité ! Le responsable de la planification vélo de Montréal doit me revenir avec plus de détails sur les plans concernant ces emplacements. Au bureau du député Boulerice on me rappelle qu’une pétition a été lancée il y a plusieurs années, et même qu’en 2016 « le NPD a déposé un projet de loi pour forcer le CP à mettre des passages à niveau sur la voie ferrée. » Les relations du NPD avec le gouvernement Libéral sont-elles meilleures qu’en 2016 ? C’est à souhaiter. Vous pouvez encore signer la pétition ou simplement aller voir cette page, toujours en ligne, en cliquant sur la photo :
Oui, la construction de passages à niveau serait un minimum, pour la sécurité des piétons et cyclistes qui veulent se déplacer d’un quartier à l’autre. Mais vous me permettrez de diverger d’opinion : cette voie ferrée n’est pas tant une « cicatrice urbaine » qu’une voie de communication potentielle entre les principaux quartiers de Montréal. C’est une chance, en quelque sorte, que cet espace ait été préservé du « tout à l’auto » qui s’est imposé partout ! Cela nous permet aujourd’hui d’imaginer une autre utilisation, compatible avec la ville de demain…
Déjà une réponse à ma question « Le gouvernement peut-il ? » : « Le gouvernement peut facilement ordonner à CP de construire ces passages à niveau. » Bon, j’imagine que certains discuteront du « facilement »… Mais il semble que oui, le gouvernement fédéral PEUT.
Par ailleurs le fait que cette initiative date de 2016 vient ajouter du poids à l’idée d’agir de concert avec d’autres villes ailleurs au pays.
[2022.05.26] Voir une liste de ressources que j’ai assemblées sur le développement de projets « Rails-with-Trails » chez nos voisins américains : rails et vélos.