Résumé: Hélène Monette ne badine pas avec les mots. Elle en connaît le poids et sait les agencer pour maximiser leur force de frappe. "Plaisirs et paysages kitsch" est un livre double au titre trompeur, un recueil de poèmes et de contes en prose exigeante. Ces petits textes qui n’ont l’air de rien sont en fait de petites bombes à retardement, concentrés, gonflés d’un trop-plein de souffrance. La solitude y apparaît immense, sans partage, sauf peut-être avec l’enfant au regard effaré ou le vieillard désabusé. Entre ces deux-là, qui hantent les pages, la seule liberté est celle des larmes, de “la mémoire des blessures”.
La douleur est palpable dans cette sombre poésie de l’absence d’amour écrite au je. “Le bonheur/je ne le porte pas dans mon cœur” : l’auteure polit sa souffrance comme une pierre précieuse jusqu’à ce que, parfois, y naisse l’espoir. Hélène Monette se définit comme “un bonsaï de trente-cinq ans/qui s’est agrippé à la pierre/en poussant”. De son regard aiguisé, elle contemple ses contemporains, terrifiée à l’idée d’un amour possible. À la rencontre de l’autre, elle commence pourtant à dire tu, mais cela est difficile et délicat. “En quelques secondes, le pont est détruit, et le fleuve maudit sépare deux mondes.” Dans la seconde moitié du livre, la vie semble reprendre ses droits, mais le monde s’y étale en des portraits au vitriol. Tout s’y déroule dans des “Paysages” d’une fin de siècle décadente où la beauté du mauvais goût triomphe. Monde bruyant où un chant réussit pourtant à se faire entendre “entre les ruines”.
L’auteure de "Montréal brûle-t-elle ?", "Crimes et chatouillements" et "Unless" signe ici de petites fables sur la marche des hommes, la guerre, l’absurdité du destin, la part de l’art et la protection de l’enfance : “Et un et deux et trois, reprenons tout depuis le début, sans relâche.” --"Raymond Bertin"